VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 août 1990, présentée par la SOCIETE ANONYME JOUVEINAL LABORATOIRES, dont le siège social est ..., (Val-de-Marne) ;
La société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 1990 par lequel le Tribunal administratif de NANTES a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1980, 1981, 1982 et 1983 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 1991 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant que la SOCIETE ANONYME JOUVEINAL LABORATOIRES conteste le refus par l'administration d'appliquer le régime d'imposition prévu à l'article 39 terdecies du code général des impôts aux redevances qui lui étaient versées au cours des années 1980 à 1983 par différentes sociétés implantées à l'étranger, à raison de l'utilisation par ces dernières de procédés de fabrication de produits pharmaceutiques, dont elle soutient avoir obtenu de la société LABORATOIRES JOUVEINAL qui en était l'inventeur la licence exclusive d'exploitation, et qu'elle leur aurait ensuite sous-concédées ;
Sur l'application de la loi fiscale :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 terdecies du code général des impôts : "Le régime des plus-values à long terme est applicable, dans les conditions et limites qui pourront être fixées par décret, aux produits des cessions de brevets, de procédés et de techniques, ainsi qu'aux concessions de licences exclusives d'exploitation. Il en est de même pour les concessions de licences par lesquelles le titulaire se dessaisit pour un secteur géographique déterminé ou pour une application particulière ... Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables lorsque les droits, procédés et techniques ne présentent pas le caractère d'éléments de l'actif immobilisé ou ont été acquis à titre onéreux depuis moins de deux ans" ;
Considérant que la SOCIETE ANONYME JOUVEINAL LABORATOIRES a conclu avec la société LABORATOIRES JOUVEINAL, le 8 décembre 1967, un "traité d'apport" par lequel cette dernière lui attribuait gratuitement la licence exclusive d'exploitation de ses brevets pendant une durée qui devait prendre fin le 31 décembre 1970 ; que cette même convention prévoyait également que la société JOUVEINAL LABORATOIRES pourrait obtenir, à l'expiration de la période indiquée, un renouvellement de cette licence à des conditions qui seraient fixées, le moment venu, d'un commun accord ou par arbitrage amiable ;
Considérant que les profits tirés du contrat susmentionné ne sauraient constituer un élément de l'actif immobilisé de la société JOUVEINAL LABORATOIRES qu'à la condition qu'eu égard aux liens de droit et aux rapports de fait qui l'unissaient à son cocontractant, elle ait pu escompter normalement la poursuite de l'exécution du contrat sur une assez longue période ; qu'à supposer même qu'il y ait eu renouvellement tacite de ce dernier, la société LABORATOIRES JOUVEINAL avait le droit de mettre fin à tout moment à la concession ; qu'il est constant que la SOCIETE JOUVEINAL LABORATOIRES n'était pas propriétaire des brevets ; que, par ailleurs, aucun contrat écrit ni aucune autre pièce du dossier ne démontre qu'elle était autorisée à sous-concéder à d'autres entreprises les procédés dont s'agit ; qu'ainsi, la société JOUVEINAL LABORATOIRES n'a pu disposer dans son actif immobilisé des droits qu'elle prétend avoir sous-concédés ; que, par suite, elle ne peut être regardée comme s'étant déssaisie de ces droits au sens des dispositions précitées de l'article 39 terdecies du code et n'est dès lors pas fondée, en tout état de cause, à se prévaloir du régime particulier d'imposition des plus-values à long terme qu'elles instituent ;
Sur l'interprétation donnée par l'administration de la loi fiscale :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration" ;
Considérant que si la société JOUVEINAL LABORATOIRES se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, des motifs de la décision de dégrèvement en date du 30 septembre 1983 prise par le directeur des services fiscaux de Maine-et-Loire, elle ne produit pas au dossier ladite décision et ainsi, ne permet pas à la Cour d'apprécier si ses termes constituent ou non une interprétation formelle d'un texte fiscal ; que, par ailleurs une telle interprétation ne peut résulter de la simple circonstance que la somme allouée en dégrèvement serait conforme à celle qui était réclamée, quels que soient les motifs de la réclamation ;
Considérant que si, par ailleurs, la société requérante se prévaut également des dispositions de l'article L.80-B du livre des procédures fiscales, ce texte, qui est issu de l'article 19 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, est entré en vigueur postérieurement à la mise en recouvrement des impositions en litige et, par suite, ne leur est pas applicable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société JOUVEINAL LABORATOIRES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de NANTES a rejeté sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1980, 1981, 1982 et 1983 ;
Article 1er - La requête de la société JOUVEINAL LABORATOIRES est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à la société JOUVEINAL LABORATOIRES et au ministre délégué au budget.