VU l'arrêt, en date du 27 mars 1991, par lequel la Cour, statuant avant dire droit sur la requête de M. X..., enregistrée au greffe de la Cour le 28 février 1989 sous le n° 89NT00955 et tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de ROUEN en date du 4 septembre 1987 en tant qu'il a limité à 3.000 F le montant de l'indemnité qui lui était due par l'Etat :
- a considéré, au vu des résultats du supplément d'instruction ordonné par un arrêt du 23 mai 1990, que M. X... avait perdu, du fait de la décision du ministre de l'éducation nationale en date du 17 juillet 1986 refusant de l'autoriser à subir les épreuves des concours du CAPES (section éducation musicale et chant choral) et de l'agrégation d'éducation musicale, une chance sérieuse de réussir à ces concours ;
- a ordonné, avant dire plus amplement droit, une expertise aux fins de déterminer la capacité de M. X... à écrire lisiblement et à s'exprimer sans troubles de l'élocution susceptibles de le rendre incompréhensible ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 et le décret n° 79-479 du 19 juin 1979 ;
VU le code civil ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 1991 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,
Considérant que, par arrêt en date du 27 mars 1991, la Cour a, d'une part, considéré qu'il résultait du supplément d'instruction ordonné par un arrêt du 23 mai 1990 qu'eu égard aux diplômes qu'il possédait et aux travaux qu'il avait effectués M. X... avait des chances sérieuses de réussite aux concours du CAPES (section éducation musicale et chant choral) et d'agrégation de musique et chant choral auxquels le ministre de l'éducation nationale lui avait refusé l'autorisation de se présenter et, d'autre part, ordonné la désignation d'un expert en vue de déterminer la capacité du requérant à écrire lisiblement et à s'exprimer sans troubles de l'élocution susceptibles de le rendre incompréhensible ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que si M. X... a de réelles difficultés pour écrire lisiblement sous une dictée assez rapide, ce handicap s'atténue lorsqu'il effectue cet exercice à son propre rythme, ce qui serait nécessairement le cas s'il était amené à corriger des copies dans le cadre d'un enseignement par correspondance, et disparaît complètement si on lui donne la possibilité d'utiliser les techniques informatiques dont il a la maîtrise et auxquelles il fait déjà appel pour accomplir les travaux de recherches de doctorat qu'il mène sous l'égide de l'université ; qu'il ressort également du rapport de l'expert que M. X... est tout à fait en mesure d'entretenir avec autrui, directement ou par téléphone, une conversation en tous points compréhensible ; que, dans ces conditions, c'est à tort que la commission nationale d'aptitude s'est fondée sur ses difficultés d'élocution et d'écriture pour estimer qu'il n'était pas apte à exercer les fonctions d'enseignement à distance auxquelles il postulait ; que, par suite, en reprenant à son compte, pour rejeter la candidature de M. X..., les motifs retenus par la commission, le ministre de l'éducation nationale a entaché sa décision d'une illégalité constitutive d'une faute et engagé ainsi la responsabilité de l'Etat ; que le requérant, exclu par cette faute de deux concours auxquels il se serait présenté avec des chances sérieuses de succès, à raison des titres et travaux dont il justifiait, a subi un préjudice à la réparation duquel il est en droit de prétendre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de la réparation due au requérant en condamnant l'Etat à lui payer une indemnité de 25.000 F avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 1987, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 19 juin 1989 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de ROUEN a limité à 3.000 F le montant de l'indemnité due par l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais d'expertise à la charge de l'Etat (ministre de l'éducation nationale) ;
Article 1er - La somme de trois mille francs (3.000 F) que l'Etat (ministre de l'éducation nationale) a été condamné à verser à M. X... est portée à vingt cinq mille francs (25.000 F). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 1987. Les intérêts échus le 19 juin 1989 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 - Le jugement du Tribunal administratif de ROUEN en date du 4 septembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 - Les frais d'expertise exposés devant la Cour sont mis à la charge de l'Etat (ministre de l'éducation nationale).
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'éducation nationale.