VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 22 juin 1990 présentée par la S.A.R.L. VOGUE dont le siège social est ... représentée par son gérant majoritaire, M. X... ;
La S.A.R.L. VOGUE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 10 avril 1990, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge :
- d'une part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er août 1974 au 28 février 1979, par avis de mise en recouvrement en date du 14 décembre 1982,
- d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des année 1975 à 1979, dans les rôles de la commune de Rouen ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, au besoin après expertise ;
3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 7 février 1991 :
- le rapport de M. PLOUVIN, conseiller,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au terme de la vérification de comptabilité dont la S.A.R.L. VOGUE, exploitant un magasin de vente au détail de vêtements de confection, a été l'objet, l'administration a écarté la comptabilité présentée comme non probante et procédé à la reconstitution des recettes et des bénéfices réalisés au cours des exercices clos les 28 février des années 1975 à 1979 ; que les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, il appartient, en application des dispositions de l'article 1649 quinquies A2 du code général des impôts alors en vigueur et reprises depuis lors à l'article L.152 du livre des procédures fiscales, au contribuable d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant qu'alors même que la comptabilité est en apparence régulière, l'administration est en droit de rectifier les déclarations souscrites par le contribuable, en se fondant sur tous les éléments desquels peut être tirée une présomption suffisante que le bénéfice déclaré est inférieur à celui qui a été effectivement réalisé ;
Considérant, en premier lieu, que l'étude de la comptabilité de la S.A.R.L. VOGUE a conduit, en l'espèce, d'une part à relever, après correction d'erreurs de comptabilisation des achats et des stocks, des variations importantes des taux de bénéfice brut demeurées inexpliquées, au cours de la période soumise à vérification, et d'autre part, à constater que le gérant majoritaire de cette S.A.R.L., qui n'avait pas d'autres ressources que celle provenant de ces activités, n'avait procédé, à intervalles irréguliers, qu'à de faibles prélèvements d'espèces, en dehors de débits très limités en compte courant ; que la société ne saurait s'en justifier en se bornant à faire état des taux de bénéfice brut ressortant, avant corrections, de sa comptabilité et à soutenir, sans apporter de commencement de preuve à cet effet, que le gérant statutaire vit en concubinage notoire avec une salariée dont les revenus alimenteraient le ménage ; que, dans ces conditions, les faits relevés permettaient de présumer l'existence de recettes dissimulées, ce qui autorisait l'administration à procéder à la reconstitution des recettes de la S.A.R.L. VOGUE à partir des données tirées de la comptabilité et tenant compte des conditions d'activité propres à l'entreprise ;
Considérant, en second lieu, que si la société requérante entend démontrer le caractère sommaire de la méthode de reconstitution des recettes basée sur un pourcentage uniforme de bénéfice brut, à savoir 2,19 pour chacune des années vérifiées, en totale méconnaissance des variations des marges bénéficiaires et, en particulier, du changement de taux de la taxe sur la valeur ajoutée depuis le 1er janvier 1977, il est constant, d'une part, que, pour l'exercice 1974/1975, le vérificateur a retenu un taux de bénéfice brut moyen de 2,15 au lieu de 2,19 pour les exercices suivants ; que, pour déterminer ces taux, l'administration a procédé à un sondage puis une extrapolation rétroactive à partir des prix d'achat et de vente relevés dans l'entreprise et en fonction de l'importance des ventes déclarées au titre de chaque catégorie d'articles offerte à la clientèle ; que, pour chacune de ces catégories d'articles, au nombre de dix, l'administration a appréhendé, dans cette reconstitution, les remises accordées et les rabais consentis à l'occasion des soldes ; qu'à l'encontre de la méthode ainsi définie, la société requérante n'apporte aucune critique pertinente justifiant un taux de marge brute distinct pour chaque exercice, ni plus généralement, aucun élément de nature à établir que les conditions d'exploitation auraient radicalement changé au cours de la période ; que, plus particulièrement, si la société requérante souligne que le vérificateur n'aurait pas tenu compte du changement du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 à 17,6 % intervenu le 1er janvier 1977, l'administration soutient, sans contestation sérieuse de la part du contribuable, avoir intégré dans son calcul, pour toute la période de vérification, le taux le plus avantageux pour l'entreprise ; que, celle-ci ne saurait valablement se prévaloir, par ailleurs, des énonciations d'un procès-verbal établi par le service de la concurrence et de la consommation, à l'occasion de la constatation par celui-ci d'une infraction à la législation des prix, et dont il ressortirait qu'elle aurait admis ponctuellement un taux moyen de marge bénéficiaire de 1,96, pour l'année 1976 ; qu'enfin, la circonstance que des taux de marge plus faibles résultant de l'examen de résultats se rapportant à une période antérieure à la période soumise à vérification auraient été acceptés par les services fiscaux sans modification, demeure sans incidence sur la solution du présent litige, non plus, du reste, que la référence aux données statistiques moyennes tirées de l'examen de monographies professionnelles ;
Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante soutient qu'en limitant à 30 % le taux des rabais consentis à l'occasion des ventes en soldes, l'administration a sous-évalué ses conditions d'exploitation, elle n'établit pas que les remises ou les soldes effectivement pratiqués ont été supérieurs à ceux admis par l'administration au vu des résultats de l'exercice 1976-1977 retenus par le vérificateur, alors même qu'elle se borne à ne produire qu'un constat d'huissier qui, établi au début d'une période de soldes, ne fait état que des démarquages des articles soldés et non du chiffre d'affaires effectivement réalisé à l'issue de cette période ; que si la société requérante fait en outre valoir que la perte sur soldes admise par le vérificateur est inférieure au montant de la provision pour dépréciation des stocks comptabilisée par ses soins, cette circonstance est sans influence sur la valeur de la reconstitution opérée, dès lors que cette provision n'a pu constituer que la traduction comptable d'une perte probable et non celle d'une perte effective ; qu'il s'ensuit que la S.A.R.L. VOGUE ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'exagération de l'évaluation des bases d'impositions litigieuses ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la S.A.R.L. VOGUE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'imposition litigieux ;
Article 1er - La requête de la S.A.R.L. VOGUE est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. VOGUE et au ministre délégué au budget.