VU la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 septembre 1989, présentée par M. Gérard X..., demeurant ... (Maine-et-Loire) ;
M. X... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 mai 1989 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1978, 1980 et 1981, ainsi que de l'emprunt obligatoire afférent à l'année 1983 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 janvier 1991 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- les observations de M. X...,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Considérant que M. Gérard X... demande la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978, 1980 et 1981 et d'un supplément de l'emprunt obligatoire afférent à l'année 1983 ; que les impositions contestées lui ont été assignées, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de la fraction qui lui revenait en tant qu'associé de la société civile immobilière "Polyclinique de la Turbaudière" de la libéralité consentie à celle-ci par la société anonyme "Polyclinique du Parc" du fait du versement d'un loyer jugé excessif par l'administration ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de la procédure d'imposition :
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital" ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : "Pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière "Polyclinique de la Turbaudière", dont M. X... détenait 3465 parts, sur un total de 26 534, a été créée en 1972 et a fait construire en 1974, puis agrandir en 1978, un immeuble destiné à être affecté à une clinique ; qu'à compter du 1er janvier 1978, elle a renouvelé la location de ce bâtiment à la société anonyme "Polyclinique du Parc", dont M. X... détenait 10 % des actions ; qu'aux termes du bail, signé à cet effet le 21 décembre 1977, le loyer a été fixé à 750 000 F hors-taxe et indexé sur l'indice du coût de la construction publié par l'I.N.S.E.E. ; qu'en exécution de ce contrat, la société "Polyclinique du Parc" a versé à la société "Polyclinique de la Turbaudière" des loyers s'élevant à 950 000 F en 1978, 1 132 000 F en 1979, 1 283 000 F en 1980 et 1 420 500 F en 1981 ; que l'administration a estimé que les loyers excédaient la valeur locative réelle de l'immeuble ; que, conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'elle avait saisie du litige l'opposant à la S.A. "Polyclinique du Parc", elle a estimé que le loyer normal devait être fixé, eu égard aux usages, à 840 000 F pour l'année 1978, avec pour les années ultérieures, indexation sur l'indice de la construction publié par l'I.N.S.E.E. ; qu'elle a ensuite réintégré dans les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de la S.A. la fraction du loyer jugée excessive pour les années 1978 à 1981 ; qu'eu égard au montant des droits dont M. X... était détenteur dans le capital de la société civile immobilière, bénéficiaire de ces versements, elle a estimé que les sommes correspondantes, regardées comme constituant une libéralité, avaient été appréhendées par le requérant au prorata des parts qu'il détenait dans la S.C.I. et, par suite, les a incluses dans les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. X..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant que l'administration ne fournit aucune précision sur les éléments de comparaison dont elle se serait servie pour apprécier le caractère excessif des loyers en cause ; que le chiffre de 840 000 F qu'elle a retenu pour les loyers de 1978 et qu'elle a pris ensuite comme base de référence pour le calcul des loyers des années ultérieures est en réalité la simple reconduction de celui proposé par la commission départementale des impôts saisie du même problème dans le cadre de la procédure engagée à l'encontre de la S.A. Polyclinique du Parc ; que, si l'administration, reprenant les termes de l'avis de la commission, soutient que ce chiffre a été fixé "eu égard aux usages", il ressort des pièces du dossier qu'il correspond simplement à la moyenne entre, d'une part, les loyers qui avaient été comptabilisés en charge par ladite société et, d'autre part, ceux admis en déduction par le vérificateur à l'issu de son contrôle ; que les calculs effectués par l'administration sur la base de l'une des méthodes avancées par le requérant comportent plusieurs erreurs et approximations, notamment en ce qui concerne le coefficient de vétusté, le taux de rentabilité des investissements et la valeur du terrain, qui sont suffisamment importantes pour enlever aux résultats obtenus toute valeur probante ; que l'existence d'une communauté d'intérêts entre les actionnaires du bailleur et ceux du preneur ne démontre pas, par elle-même, l'exagération du loyer ; que le rapport du Directoire au Conseil de surveillance de la S.A. Polyclinique du Parc envisageant de réduire un loyer qui pourrait être regardé comme exagéré, dans le cas d'une demande de dérogation au prix de journée, est invoqué en vain par l'administration dès lors que ce document se borne à formuler une hypothèse sur l'appréciation portée habituellement en ce domaine par les caisses de sécurité sociale ; qu'ainsi, nonobstant la participation du locataire au financement de la construction de la clinique, l'administration n'établit pas que le loyer correspondant aux investissements réalisés par le bailleur présentait un caractère anormal ; que, dès lors, elle n'était pas en droit de taxer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en vertu de l'article 109-1-1° du code général des impôts, la part de l'avantage correspondant aux montants des loyers considérés comme excessifs dont a bénéficié M. X... au prorata de ses parts sociales dans la S.C.I. "Polyclinique de la Turbaudière" ;
Sur la demande de rétablissement de l'imposition de l'année 1979 :
Considérant qu'à la suite du dégrèvement prononcé par la Cour, il appartient à celle-ci, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions reconventionnelles présentées par l'administration devant le tribunal ;
Considérant que, si l'administration a demandé le rétablissement d'une imposition primitive dont elle a réduit le montant d'une somme de 2 925 F par un dégrèvement, en date du 4 juillet 1985, antérieur à la saisine du juge, elle n'assortit cette demande d'aucune précision susceptible de démontrer l'existence d'une corrélation entre les éléments d'imposition litigieux et ceux au titre desquels le dégrèvement susmentionné a été prononcé ; que, par suite, les conclusions reconventionnelles de l'administration ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Article 1er - Le jugement du 25 mai 1989 du Tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 - Il est accordé à M. X... décharge des compléments d'impôts sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1978, 1980 et 1981, ainsi que de l'emprunt obligatoire afférent à l'année 1983.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre délégué au budget.