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10/10/1990 | FRANCE | N°89NT01080

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 10 octobre 1990, 89NT01080


VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 31 mars 1989 et le 26 juin 1989, présentés pour M. Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 1988 par lequel le Tribunal administratif de CAEN a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 dans les rôles de la commune de CHERBOURG ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénal

ités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le co...

VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour le 31 mars 1989 et le 26 juin 1989, présentés pour M. Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 1988 par lequel le Tribunal administratif de CAEN a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 dans les rôles de la commune de CHERBOURG ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 3 octobre 1990 :
- le rapport de M. ISAIA, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,

Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision postérieure à l'introduction de la requête le directeur des services fiscaux de la Manche a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 36 776 F, des pénalités afférentes aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Y... a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 ; que les conclusions de la requête de M. Y... relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ... Les demandes adressées aux contribuables doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et fixer à l'intéressé, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours" ; qu'en vertu de l'article L 69 du même livre, également applicable, le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications peut faire l'objet d'une taxation d'office, sous réserve des dispositions particulières relatives au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non-commerciaux ;
Considérant que ces dispositions ne font aucune distinction entre les contribuables dont le revenu est imposé sous le régime du bénéfice réel et ceux dont le revenu est imposé sous le régime du forfait ; qu'elles doivent donc en principe s'appliquer dans les deux cas ; qu'il y a lieu cependant de concilier cette application et le principe selon lequel un bénéfice qui a fait l'objet d'une évaluation forfaitaire est opposable à l'administration, dès lors que celle-ci n'a pas mis en oeuvre les procédures dont elle dispose pour réviser les forfaits devenus caducs ; qu'il suit de là que l'administration n'est en droit d'adresser à un contribuable, qui a compris dans la déclaration de son revenu global un bénéfice ou revenu forfaitairement fixé, les demandes de justifications prévues à l'article L 16 que si elle peut faire état d'indices sérieux pouvant donner à penser que ce contribuable a disposé de revenus d'autres sources que celle à raison de laquelle il est forfaitairement imposé ; que de tels indices sérieux sont notamment réunis lorsque l'administration est en mesure d'établir que les différents comptes bancaires ont enregistré des rentrées de fonds excédant notablement les recettes réelles qui ont pu normalement résulter de l'activité forfaitairement imposée ;
Considérant que la circonstance que la charge de la preuve incombe au contribuable par application de l'article L 69, ne dispense pas l'administration d'établir qu'elle était en droit d'avoir recours à la procédure prévue à l'article L 16 ;

Considérant que M. Y... qui exploite à CHERBOURG un fonds de commerce de pâtisserie-confiserie a fait l'objet en 1981 à la fois d'une vérification de comptabilité pour son activité professionnelle au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 et d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble pour les mêmes années ; qu'il résulte de l'instruction que M. Y... s'est vu reconnaître par l'administration, au titre de l'année 1979, un bénéfice forfaitaire de 92 000 F et qu'il avait déclaré, au titre de l'année 1980, un bénéfice de 123 541 F : que, par une lettre du 10 mai 1982, le vérificateur a demandé au requérant, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L 16, des justifications sur l'origine de sommes qui selon lui correspondaient, pour les années 1979 et 1980, à un déséquilibre entre les "disponibilités engagées" et les "disponibilités dégagées" ; que l'administration, estimant que la réponse fournie en temps utile par l'intéressé équivalait à un défaut de réponse, a réintégré dans les bases imposables à l'impôt sur le revenu par voie de taxation d'office les sommes respectives de 147 332 F au titre de 1979 et de 89 330 F au titre de 1980 ;
Considérant, en premier lieu, que la balance des espèces et la balance de trésorerie élaborées par le vérificateur au titre de l'année 1979, qui analysaient indifféremment les comptes bancaires privés et les comptes bancaires professionnels du contribuable, ne permettaient pas de savoir si l'intéressé avait enregistré sur ceux-ci des rentrées de fonds excédant notablement les recettes réelles qui pouvaient normalement résulter de son activité professionnelle ; qu'en outre, l'estimation forfaitaire des dépenses privées n'était assortie d'aucune précision alors qu'elle représentait environ la moitié de l'excédent inexpliqué dégagé par la balance de trésorerie ; que, par suite, l'administration n'avait pas réuni des indices sérieux pouvant donner à penser que le contribuable avait disposé de revenus d'autres sources que celle à raison de laquelle il était forfaitairement imposé ;
Considérant en second lieu que la balance de trésorerie établie au titre de l'année 1980 comprenait une somme de 65 000 F tirée d'une évaluation globale des dépenses privées payées en espèces et qui n'était assortie d'aucune indication des différents postes susceptibles de la composer ; qu'en outre, cette somme fixée arbitrairement représentait la quasi-totalité du solde inexpliqué constaté au cours de ladite année ; qu'ainsi, l'administration n'avait pas réuni des éléments suffisants pour lui permettre d'établir que le contribuable pouvait avoir des revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés ;

Considérant que, par suite, le service ne pouvait adresser à M. Y... une demande de justifications au titre des années 1979 et 1980 sur le fondement des dispositions de l'article L 16 du livre des procédures fiscales, et, en conséquence, utiliser à son encontre les dispositions de l'article L 69 du même livre applicables au contribuable qui s'est abstenu de répondre à ladite demande ; que, dès lors, le requérant doit être déchargé des impositions supplémentaires établies par voie de taxation d'office sur le montant des sommes qui ont été regardées comme non justifiées par le vérificateur et réintégrées dans les bases imposables des années litigieuses ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980 ;
Article 1 - A concurrence de la somme de 36 776 F, en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auxquel M. Y... a été assujetti au titre des années 1979 et 1980, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y....
Article 2 - Le jugement du Tribunal administratif de CAEN du 27 décembre 1988 est annulé.
Article 3 - M. Y... est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auxquel il a été assujetti au titre des années 1979 et 1980.
Article 4 - Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.


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