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04/07/1990 | FRANCE | N°89NT00018

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 04 juillet 1990, 89NT00018


Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête sommaire et du mémoire ampliatif présentés par l'entreprise HELARY ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 janvier et 21 avril 1986 sous le n° 74500 ;
Vu la requête susmentionnée présentée pour l'entreprise HELARY, ayant son siège à Ploumagoar (Côtes-du-Nord) RN 12, par la société civile professionnelle Philippe

et Claire Waquet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, e...

Vu l'ordonnance en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 4ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête sommaire et du mémoire ampliatif présentés par l'entreprise HELARY ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 janvier et 21 avril 1986 sous le n° 74500 ;
Vu la requête susmentionnée présentée pour l'entreprise HELARY, ayant son siège à Ploumagoar (Côtes-du-Nord) RN 12, par la société civile professionnelle Philippe et Claire Waquet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 89NT00018 ;
L'entreprise HELARY demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 82457 du 24 octobre 1985 par lequel le Tribunal administratif de Rennes :
- a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Pleumeur-Gautier soit condamnée à lui verser la somme de 254 647,97 F représentant les frais qu'elle a exposés pour la remise en état du réseau d'assainissement de ladite commune ;
- a partiellement accueilli les conclusions reconventionnelles de la commune en mettant à la charge de l'entreprise requérante la somme de 245 871,68 F au titre des frais de remise en état dudit réseau ;
2°) le rejet de la demande de la commune de Pleumeur-Gautier tendant à ce que l'entreprise HELARY soit condamnée, au titre de la garantie contractuelle, à lui verser la somme de 245 871,68 F
3°) et la condamnation de ladite commune à lui règler la somme de 310 495,22 F correspondant aux frais avancés par l'entreprise pour assurer, de 1977 à 1979, pour le compte de la commune, le maintien en fonctionnement de l'ouvrage public en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 juin 1990 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me Le Bret, avocat de la commune de Pleumeur-Gautier,
- et les conclusions de M. GAYET, commissaire du gouvernement,

Considérant que l'entreprise HELARY a, par marché conclu le 8 août 1975 complété par deux avenants en date des 26 novembre 1975 et 11 mai 1976, été déclarée adjudicataire des travaux d'assainissement de la commune de Pleumeur-Gautier ; que ces travaux ont fait l'objet de réceptions provisoires avec réserves les 16 février et 18 novembre 1976 et de décomptes généraux et définitifs le 25 janvier 1977 ; qu'à la suite de désordres qui se sont manifestés dès décembre 1976 l'entreprise HELARY est intervenue à plusieurs reprises sur ordre de service de la direction départementale de l'équipement des Côtes-du-Nord, maître d'oeuvre ; que, lors de l'instance ouverte devant le Tribunal administratif de Rennes par l'entreprise HELARY afin que la commune de Pleumeur-Gautier l'indemnise de ses interventions, celle-ci a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à ce que l'entrepreneur soit condamné à lui verser les sommes correspondant à différents travaux de reprise ; que, par jugement du 24 octobre 1985, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de l'entreprise, a fait droit aux conclusions de la commune et a condamné l'entreprise HELARY à verser à cette dernière la somme globale de 245 871,68 F ; que l'entreprise HELARY fait appel de ce jugement et demande le rejet des conclusions reconventionnelles de la commune présentées en première instance ainsi que la condamnation de celle-ci à l'indemniser des frais qu'elle a avancés pour assurer le maintien en fonction de l'ouvrage public et qui s'élèvent à une somme d'un montant de 310 495,22 F ;
Sur la responsabilité :
Considérant que les travaux d'assainissement réalisés par l'entreprise HELARY n'ont donné lieu qu'à des réceptions provisoires avec réserves ; que l'article 26 du cahier des prescriptions spéciales applicables au marché fixe à douze mois le délai de garantie à compter de la réception provisoire ; qu'il résulte de l'instruction que les travaux n'ont pas fait l'objet d'une réception définitive et que, si la commune de Pleumeur-Gautier a pris possession de l'ouvrage à la réception provisoire et a réglé le 25 janvier 1977 le solde du marché à l'entreprise, la commune intention des parties n'était pas, dans les circonstances de l'affaire, de procéder à la réception définitive des travaux qui, d'ailleurs n'étaient pas état d'être reçus ; qu'il suit de là, que la réception définitive de l'ouvrage n'ayant pas été expressément prononcée et ne pouvant non plus être regardée comme acquise ou due à l'entreprise, seule la responsabilité contractuelle de l'entreprise HELARY pouvait être mise en jeu à raison de malfaçons affectant le réseau d'assainissement de la commune de Pleumeur-Gautier ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a retenu que les travaux de reprise qu'elle a exécutés pouvaient engager sa responsabilité sur un fondement contractuel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du second rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que les désordres ayant affecté le réseau d'assainissement sur le tronçon situé entre les regards 8 et 9 ont pour unique cause la mauvaise qualité du sous-sol, support des canalisations, et que l'entreprise n'a pas commis de faute dans l'exécution des travaux dont elle était chargée ; qu'il ressort des pièces du dossier que des incidents semblables se sont également produits entre les regards 10 et 11 du collecteur situés à proximité du précédent tronçon ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'entreprise HELARY aurait pu déceler la mauvaise qualité du sous-sol dans ce secteur ; que dans ces conditions, la responsabilité contractuelle de l'entreprise HELARY ne saurait être recherchée à raison des désordres apparus sur les deux portions susmentionnées du réseau d'assainissement ; qu'en revanche, les autres désordres constatés sur l'ensemble du reste du collecteur ont pour origine de nombreuses malfaçons résultant d'une pose défectueuse et non conforme aux règles de l'art, sans que puisse être incriminé le choix du matériau des canalisations ; que ces manquements à ses obligations contractuelles engagent la responsabilité de la requérante ;
Considérant qu'il suit de là que l'entreprise HELARY est fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle concerne les désordres ayant affecté les tronçons situés entre les regards 8 et 9 et les regards 10 et 11 ;
Sur la réparation des préjudices :
Considérant que l'entreprise requérante demande que la commune de Pleumeur-Gautier, maître de l'ouvrage, l'indemnise des frais qu'elle a elle-même engagés pour assurer le fonctionnement normal de l'ouvrage en cause et de divers frais d'expertise ;
Considérant que sur les tronçons du collecteur localisés entre les regards 8 et 9 et 10 et 11 cinq interventions ont été nécessaires en avril 1977, en janvier et février 1978, en janvier et février 1979 ; que les frais engagés par l'entreprise s'élèvent respectivement aux sommes, hors taxes, de 44 920,21 F, 9 439,70 F, 15 438,22 F, 53 355,52 F, 55 404,73 F, soit un total de 178 558,38 F ; que l'entreprise HELARY a droit au remboursement de cette somme ; qu'elle est également fondée à demander le versement par la commune de la somme de 10 563,75 F, hors taxes, et de 36 525 F, hors taxes, correspondant aux frais qu'elle a exposés pour la mise en place et l'immobilisation d'un coffrage lesquelles ont été utiles à la remise en l'état du réseau ; qu'en revanche l'intervention de l'entreprise, en septembre 1979 représentant une somme de 9 000 F, a porté sur des désordres causés par des malfaçons dont elle est responsable ; qu'il y a lieu de laisser à la charge de l'entreprise HELARY la somme de 24 714 F correspondant au coût du contrôle télévisé du réseau réalisé en juillet 1978 par la société Coopétanche et utilisé par l'expert lors de la première expertise qui a révélé lesdites malfaçons ; qu'en conséquence, la requérante est seulement fondée à demander que la commune de Pleumeur-Gautier soit condamnée à lui verser la somme de 225 647,13 F, hors taxes ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit aux conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Pleumeur-Gautier qui demandait à titre principal le rejet des conclusions de la demande de l'entreprise et la condamnation de celle-ci à lui verser le montant du coût des travaux de reprise effectués sur le réseau d'assainissement ainsi que des opérations de pompage, de vidange et de nettoyage de la station d'épuration ;
Considérant que, comme il vient d'être dit, la responsabilité de l'entreprise n'est pas engagée en ce qui concerne les désordres survenus sur le tronçon du collecteur situé entre les regards 8 et 9 ; que, dès lors, la commune n'est pas fondée à demander le paiement par l'entreprise de la somme de 86 446,18 F, toutes taxes comprises, correspondant aux travaux de reprise effectués, à la suite de la seconde expertise, par une entreprise tierce sur cette partie du réseau ; que, toutefois, le coût des travaux préconisés par l'expert pour la reprise de l'installation, soit 143 000 F, concerne des désordres généraux l'ayant affectée et que les opérations, d'un montant de 18 162,79 F, toutes taxes comprises, réalisées à la station d'épuration, ont été rendues directement nécessaires par suite de ces désordres ; qu'en conséquence, l'entreprise HELARY doit être condamnée à rembourser à la commune l'intégralité du coût de ces interventions dont le montant, justifié, s'élève à la somme de 161 162,79 F, toutes taxes comprises ;
Sur les conclusions subsidiaires dirigées contre l'Etat par la commune de Pleumeur-Gautier :
Considérant que dans les observations qu'elle a présentées au tribunal administratif en réponse à la communication qui lui a été donnée des conclusions de la demande de l'entreprise HELARY dirigée contre elle, la commune de Pleumeur-Gautier a conclu à titre principal à ce que lesdites conclusions fussent rejetées, à titre subsidiaire à ce que l'Etat fut mis en cause et condamné à la réparation conjointe et solidaire du préjudice et plus subsidiairement, à ce que l'Etat soit condamné à la garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge ;
Considérant qu'en rejetant, par le jugement susvisé, les conclusions de l'entreprise HELARY dirigées contre la commune, le tribunal administratif a fait droit aux conclusions principales de cette dernière et n'avait, par suite, pas à se prononcer sur ses conclusions subsidiaires ;
Considérant que le jugement susvisé devant comme conséquences de ce qui a été dit ci-dessus, être réformé en tant qu'il a rejeté l'intégralité des conclusions de l'entreprise HELARY et les conclusions de cette dernière dirigées contre la commune devant être partiellement accueillies, la Cour se trouve saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des conclusions subsidiaires de la commune dirigées contre l'Etat ;

Considérant que dans les conditions déterminées par les dispositions de la loi n° 48-1530 du 29 septembre 1948 et étant entendu que s'applique l'article 16 de la loi de finances du 22 décembre 1972, le préfet des Côtes-du-Nord, à la demande d'une délibération du conseil municipal de Pleumeur-Gautier, a autorisé, par une décision du 27 février 1974, les services de la direction départementale de l'équipement, à prêter leur concours à la commune pour l'étude des projets d'exécution et le contrôle des travaux du réseau d'assainissement (canalisations) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état du sous-sol est la seule cause des désordres survenus sur le réseau au niveau des regards 8 et 9 et des regards 10 et 11 ; qu'à la suite de la note d'instruction qui lui a été adressée, la commune de Pleumeur-Gautier n'a pas été en mesure de fournir à la Cour de pièce contractuelle régissant l'étude et la vérification de la résistance du sous-sol préalables à l'exécution des travaux en cause ; qu'en l'absence d'une telle convention aucune responsabilité contractuelle ne saurait être retenue à l'encontre de l'Etat ; qu'ainsi, les conclusions de la commune de Pleumeur-Gautier dirigées contre l'Etat doivent être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que dans les circonstances particulières de l'affaire il y a lieu de mettre à la charge de l'entreprise HELARY les frais de la première expertise, soit la somme de 5 692,98 F, et à la charge de la commune de Pleumeur-Gautier ceux de la seconde expertise, soit la somme de 4 812,18 F ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que l'entreprise HELARY est fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté l'intégralité de sa demande et l'a condamnée à verser à la commune de Pleumeur-Gautier la somme de 245 871,63 F ainsi qu'à supporter la totalité des frais d'expertise ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que l'entreprise HELARY a droit aux intérêts de la somme de 178 558,38 F à compter du 16 décembre 1981, de la somme de 10 563,75 F à compter du 16 avril 1984 et de la somme de 36 525 F à compter du 30 avril 1985 ;
Considérant que l'entreprise HELARY a demandé les 24 mai 1989 et 11 juin 1990 la capitalisation des intérêts ci-dessus ; qu'à ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de l'entreprise HELARY ;
Considérant que l'indemnité que le Tribunal administratif de Rennes a, par son jugement du 24 octobre 1985, accordé à la commune de Pleumeur-Gautier porte intérêts à compter de la date du jugement ; que cette somme est ramenée par le présent arrêt à 161 162,79 F portant intérêts à la date ci-dessus ;
Considérant que la commune a demandé les 5 décembre 1988 et 16 février 1990 la capitalisation des intérêts afférents à ladite somme ; qu'à ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de la commune de Pleumeur-Gautier ;
Article 1 - La commune de Pleumeur-Gautier est condamnée à verser à l'entreprise HELARY la somme de 178 558,38 F, hors taxes, qui portera intérêts aux taux légal à compter du 16 décembre 1981, de 10 563,75 F, hors taxes, qui portera intérêts au taux légal à compter du 16 avril 1984 et de 36 525 F, hors taxes, qui portera intérêts au taux légal à compter du 30 avril 1985. Les intérêts échus les 24 mai 1989 et 11 juin 1990 seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 - La somme que l'entreprise HELARY a été condamnée à verser, par le jugement susvisé, à la commune de Pleumeur-Gautier est ramenée à 161 162,79 F, toutes taxes comprises, portant intérêts au taux légal à compter de la date de ce jugement. Les intérêts échus les 5 décembre 1988 et 16 février 1990 seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 - Le jugement, en date du 24 octobre 1985 du Tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 - Le surplus des conclusions de la requête de l'entreprise HELARY et le surplus des conclusions de première instance de la commune de Pleumeur-Gautier sont rejetés.
Article 5 - Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'entreprise HELARY à concurrence de 5 692,98 F et de la commune de Pleumeur-Gautier à concurrence de 4 812,18 F.
Article 6 - Le présent sera notifié à l'entreprise HELARY, à la commune de Pleumeur-Gautier et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 89NT00018
Date de la décision : 04/07/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE


Références :

Code civil 1154
Loi 48-1530 du 29 septembre 1948


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: BRIN
Rapporteur public ?: GAYET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1990-07-04;89nt00018 ?
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