Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2024, l'établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement des dispositions de l'article R532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise en vue de déterminer l'origine et les causes des désordres affectant les travaux d'aménagement de seuils sur la rivière Meuse entre Brixey-aux-Chanoines et Troyon.
Par une ordonnance du 2 décembre 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prescrit l'expertise sollicitée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 18 décembre 2024 et le 17 février 2025, la société Allianz Iard, en qualité d'assureur de responsabilité décennale d'Egis Eau, représentée par Me Roux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 2 décembre 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'elle l'a mise en cause ;
2°) de la mettre hors de cause.
Elle soutient que :
- sa mise en cause n'est pas utile car toute action à son encontre est manifestement irrecevable et vouée à l'échec dès lors que les garanties souscrites par la société Egis Eau auprès d'elle ne sont pas mobilisables.
Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2025, la société Zurich Insurance Europe AG, représentée par Me Pia, demande à la cour :
1°) de confirmer l'article 3 de l'ordonnance du 2 décembre 2024 en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'attraire la société Zurich Insurance Europe AG dans la cause.
2°) Elle s'en rapporte à la sagesse de la cour pour apprécier la recevabilité et le bien-fondé des moyens développés par la société Allianz Iard.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2025, l'EPAMA, représenté par Me Tadic, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête formée par la société Allianz iard.
2°) de mettre à la charge de la société Allianz Iard la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
La mise en cause de la société Allianz iard est utile car ses garanties sont mobilisables en l'espèce.
La requête a été adressée à la société Egis Eau, à la société Abeille Iard et santé et à l'expert.
Vu les autres pièces du dossier
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'EPAMA a souhaité engager des travaux d'aménagement de seuils sur la rivière Meuse entre Brixey-aux-Chanoines et Troyon. Par un acte d'engagement du 18 février 2013, il a confié à la société Egis Eau Nancy une mission de maîtrise d'œuvre relative à ces travaux. Sur le site dit " seuil de Chatipré " à Saint-Mihiel, l'aménagement consistait à détruire un ancien vannage barrant un bras de Meuse et à réaménager ce bras, son lit et ses berges en conséquence. Au cours de ces travaux, entre le 6 et le 8 décembre 2021, une érosion produite par un creusement dans le lit du bras de Meuse s'est formée en aval direct d'une passerelle pour piétons, menaçant sa stabilité. Des travaux provisoires ont alors été réalisés par l'entreprise Paul Calin pour garantir la stabilité de la passerelle. L'EPAMA a souhaité engager la responsabilité de la société Egis Eau en faisant valoir que ses calculs hydrauliques avaient sous-estimé la vitesse d'écoulement et les forces tractrices engendrées. L'EPAMA a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement des dispositions de l'article R532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise en vue de déterminer l'origine et les causes des désordres affectant les travaux d'aménagement de seuils sur la rivière Meuse entre Brixey-aux-Chanoines et Troyon. La société Allianz iard fait appel de l'ordonnance du 2 décembre 2024 par laquelle le juge des référés a ordonné l'expertise sollicitée en ce qu'elle l'a mise en cause.
Sur la demande d'expertise :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple demande et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
3. Aux termes de l'article L. 241-1 du code des assurances :" Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. A l'ouverture de tout chantier, elle doit justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout candidat à l'obtention d'un marché public doit être en mesure de justifier qu'il a souscrit un contrat d'assurance le couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance. ".Aux termes de l'article L. 241-2 du code des assurances :" Celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait. Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente. ".
4. Aux termes de l'article L. 243-1-1 du code des assurances : " I.-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages. Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.
II. -Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles. "
5. La société Allianz Iard a produit, à la demande de la cour, les deux contrats successifs passés avec la société Egis eau. Il est justifié de la résiliation du contrat 084876583 au 31 décembre 2017 à minuit par la production de la lettre de résiliation du 20 novembre 2017. Le contrat n°58780324 produisait ses effets au moment de la réalisation des travaux en cause. Il ressort des termes de contrat que ne sont couverts que les ouvrages figurant dans le champ de l'obligation d'assurance responsabilité décennale. Les travaux en cause, en l'espèce, sont des travaux de génie civil. Or, les ouvrages de génie civil sont exclus du champ de l'obligation d'assurance responsabilité décennale. Dès lors, la police d'assurance souscrite par la société Egis eau auprès de la société Allianz Iard qui a été produite ne couvre pas ces travaux. Il n'est établi par les pièces du dossier en possession de la cour ni que la société Allianz Iard aurait conclu un autre contrat avec la société Egis eau ni qu'elle aurait mobilisé sa garantie pour cette dernière. Il résulte donc de l'ensemble de ce qui précède que la mise en cause à l'expertise de la société Allianz Iard n'est pas utile au sens des dispositions précitées de l'article R.532-1 du code de justice administrative et qu'elle est fondée à solliciter l'annulation de la décision du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sur ce point.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Allianz Iard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes sollicitées par l'EPAMA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions formulées en ce sens doivent, en conséquence, être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 décembre 2024 est annulée en tant qu'elle attrait à la cause la société Allianz Iard.
Article 2 : Il n'y a pas lieu d'attraire à la cause la société Allianz Iard.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'EPAMA, à la société Egis eau, à la société Abeille Iard et Santé, à la société Allianz global corporate et speciality, à la société Zurich Insurance, à la société Allianz Iard et à l'expert.
La présidente,
Signé : P. Rousselle
La République mande et ordonne au préfet de la Meuse, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24NC03076