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08/07/2024 | FRANCE | N°24NC00041

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 08 juillet 2024, 24NC00041


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le 11 août 2023, la commune de Haguenau a demandé, à titre principal, au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Generali IARD à lui verser une provision de 144 516 euros TTC correspondant à la reprise des désordres intervenus après la construction d'un parc de stationnement sur son territoire, et subsidiairement, de condamner in solidum les constructeurs de l'opération à lui verser une provision de ce montant.



Par une ordonnance n° 2305773 du 28 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 11 août 2023, la commune de Haguenau a demandé, à titre principal, au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Generali IARD à lui verser une provision de 144 516 euros TTC correspondant à la reprise des désordres intervenus après la construction d'un parc de stationnement sur son territoire, et subsidiairement, de condamner in solidum les constructeurs de l'opération à lui verser une provision de ce montant.

Par une ordonnance n° 2305773 du 28 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Generali IARD à verser à la commune de Haguenau une provision de 123 587,20 euros TTC.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 5 janvier 2024 et le 10 avril 2024, la société Generali Iard, représentée par Me Zanati, demande à la cour :

1°) d'infirmer l'ordonnance du 28 décembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de provision formée par la commune d'Haguenau, celle-ci étant forclose en son action à l'encontre de la compagnie Generali Iard, prise en sa qualité d'assureur dommages ouvrage ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer l'ordonnance rendue le 28 décembre 2023 en ce qu'elle a jugé que les conclusions à fin d'indemnisation présentées sur un fondement contractuel ont un caractère sérieusement contestable ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement ou à défaut in solidum, les sociétés IXO, Demathieu et Bard, Riess et SOCOTEC à la garantir de toute condamnation au titre du premier désordre ; de condamner solidairement ou à défaut in solidum, les sociétés IXO, Schindler et SOCOTEC à la garantir de toute condamnation au titre du deuxième désordre ; de condamner solidairement ou à défaut in solidum les sociétés IXO, Demathieu et Bartd, Riess, Schindler et SOCOTEC à la garantir de toute condamnation au titre des frais d'expertise ;

5°) de confirmer l'ordonnance rendue le 28 décembre 2023 en ce qu'elle a limité l'indemnisation de la commune de Haguenau à une somme de 123 587, 20 euros ;

6°) de confirmer l'ordonnance rendue le 28 décembre 2023 en ce qu'elle a jugé irrecevable la demande de condamnation formée par la commune au titre des frais d'expertise judiciaire ;

7°) de mettre à la charge de la commune d'Haguenau la somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-le juge des référés n'a pas statué sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête de la commune de Haguenau en jugeant l'intervention de la société Generali Vie irrecevable et en ne tenant pas compte du mémoire récapitulatif enregistré le 21 décembre 2023, aux termes duquel la société Generali Iard entendait intervenir à l'instance ;

- l'action de la commune d'Haguenau était irrecevable du fait de l'expiration de la garantie décennale ;

-la commune d'Haguenau n'a pas apporté la preuve de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable qui justifierait la provision demandée.

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2024, la société Socotec Construction et son assureur la société Axa France Iard, représentés par Me Menguy, demandent à la cour :

1°) de confirmer l'ordonnance du 28 décembre 2023, en ce que l'intervention de la compagnie Generali Vie a été rejetée ;

2°) de rejeter les appels en garantie formés par la compagnie Generali Vie, comme étant sans objet ;

3°) de déclarer irrecevable l'action de la compagnie Generali Iard, comme étant prescrite.

4°) à titre subsidiaire, rejeter l'appel en garantie formé par la société Generali Iard à l'encontre de la société Socotec Construction comme étant manifestement mal fondé et injustifié, rejeter toute demande et appel en garantie formé à l'encontre de la société Socotec Construction comme étant nécessairement mal fondé, prononcer la mise hors de cause pure et simple de la société Socotec construction et rejeter la demande de condamnation de la commune de Haguenau à la somme provisionnelle de 144 516 euros , où à tout le moins la ramener à la somme de 123 587,20 euros ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Ixo Architecture, la société Demathieu et Bard, la société Riess et la société Schindler à relever et garantir indemne la société Socotec Construction et son assureur, la compagnie Axa France iard, de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre.

6°) de débouter la compagnie Generali Iard de ses demandes de condamnation in solidum formulées à l'encontre de la société Socotec Construction comme étant mal fondées et non justifiées, les conditions d'application n'étant pas réunies ;

7°) de mettre à la charge de la société Generali Iard ou de toute autre partie perdante une somme de 5 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

-la société Generali vie est étrangère au contrat conclu entre la société Generali iard et la commune de Haguenau et le tribunal administratif a donc justement jugé irrecevable son intervention ;

-l'appel en garantie de la société Generali Iard à l'encontre de la société Socotec Construction est irrecevable en raison de l'application de la prescription décennale, les travaux ayant été réceptionnés le 25 septembre 2007 ;

- subsidiairement, cet appel en garantie est également mal fondé en l'absence d'une imputabilité des dommages à la société Socotec construction ;

-la commune d'Haguenau n'a pas apporté la preuve de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable qui justifierait la provision demandée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2024, la société Schindler, représentée par Me Sevino, demande à la cour :

1°) de rejeter les demandes subsidiaires de condamnation formées par la société Generali Iard ;

2°) de mettre à la charge de la société Generali Iard une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la société Generali Iard ne précise pas de façon détaillée quelles sont les fautes qui auraient été commises par la société Schindler ;

- la société Schindler ne saurait être considérée comme responsable d'un éventuel défaut d'étanchéité, dans la mesure où elle n'avait pas en charge la fabrication de la gaine réputée être close ;

- il ressort du rapport d'expertise que les dysfonctionnements de l'ascenseur sont la conséquence de la corrosion de la cornière laquelle est due aux infiltrations des eaux de pluie par le joint de dilatation situé entre les paliers et la cage d'ascenseur et qu'en conséquence, elle ne peut être tenue responsable de ces dysfonctionnements.

Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2024, la société Ixo Architecture, représentée par Me Andre, demande à la cour :

1°) de confirmer l'ordonnance du 28 décembre 2023 ;

2°) de rejeter les appels en garantie formés par la compagnie Generali Vie ;

3°) de déclarer irrecevable l'action de la compagnie Generali Iard, comme étant prescrite ou subsidiairement de le rejeter comme étant mal fondé ;

4°) de mettre à la charge de la société Generali Iard une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les éventuels frais et dépens ;

5°) à titre subsidiaire :

- de constater l'existence d'une cause étrangère liée au défaut d'entretien de la commune de Haguenau ;

- de rejeter la requête en appel de la compagnie Generali Iard en ce que dirigée à son encontre ;

-de débouter la société Generali Iard, et le cas échéant la commune de Haguenau, tout demandeur ou appelant en garantie de l'ensemble de ces demandes, fins et prétentions en tant que dirigées à son encontre

- de mettre à la charge de la société Generali Iard, ou le cas échéant de la commune de Haguenau, de tout demandeur ou de tout appelant en garantie une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les éventuels frais et dépens.

.

6°) à titre infiniment subsidiaire :

- de limiter le montant des condamnations prononçant aux sommes de 16 467 euros TTC et 8 450,40 euros TTC correspondant aux deux désordres ;

- de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Demathieu et Bard, Riess, Socotec et Axa France Iard à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre des travaux de réfection des cornières supports de palier;

- de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Schindler, Socotec et Axa France Iard à la garantir de toute condamnation au titre des travaux de reprise des désordres affectant l'ascenseur et la cage d'ascenseur ;

- de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Demathieu et Bard, Riess, Schindler, Socotec et Axa France Iard à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers frais et dépens ;

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que la société Generali Iard ait été subrogée dans les droits du maître d'ouvrage ;

- la réception des travaux est intervenue le 25 septembre 2007 et la société Generali Iard avait donc jusqu'au 25 septembre 2017 pour exercer son recours à l'encontre de la société Ixo, en admettant qu'elle ait été subrogée dans les droits du maître d'ouvrage ;

- les dommages sont dus à une cause étrangère qui consiste dans le défaut d'entretien du maître d'ouvrage ;

- l'expert n'a pas tenu compte de la répartition des tâches au sein du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre : le BET ICAT était en charge des conceptions des structures de gros œuvre ;

- les défauts de pente ne sont présents qu'aux niveaux 0 et +1, soit les niveaux les moins exposés ; cela confirme que le désordre est dû à un défaut d'entretien, le sel s'évacuant plus difficilement aux étages inférieurs ;

- elle n'a pas réalisé de prescription concernant les portes de l'ascenseur ;

- en toute hypothèse, les prescriptions du marché étaient suffisantes ;

- à titre encore plus subsidiaire, il y a lieu de limiter sa condamnation à sa part de responsabilité telle que retenue par l'expert ;

- elle est fondée à appeler en garantie les autres constructeurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2024, la commune de Haguenau, représentée par Me Zimmerer, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Generali Iard ;

2°) de mettre à la charge de la société Generali Iard une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les éventuels frais et dépens ;

3°) à titre subsidiaire :

- de condamner solidairement, ou à défaut in solidum, les sociétés Ixo Architecture, Demathieu et Bard, Riess et Socotec à lui verser une provision de 40 854 euros TTC en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de condamner solidairement, ou à défaut in solidum, le sociétés IXO Architecture, Schindler et Socotec à lui verser une provision de 92 663 euros TTC en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête,

- la capitalisation de ces intérêts ;

- de condamner solidairement ou à défaut, in solidum, les sociétés Ixo Architecture, Demathieu et Bard, Riess, Schindler et Socotec à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les éventuels dépens.

4°) à titre infiniment subsidiaire :

- de condamner la société Ixo Architecture à lui verser une provision de 29 957 euros en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de condamner la société Demathieu et Bard à lui verser une provision de 12 256 euros en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de condamner la société Riess à lui verser une provision de 4 085 euros en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de condamner la société Schindler à lui verser une provision de 59 347, 20 euros en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de condamner la société Socotec à lui verser une provision de 13 352 euros en réparation des préjudices causés par les infiltrations ;

- de dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête,

- la capitalisation de ces intérêts ;

- de condamner la société Ixo architecture à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens ;

-de condamner la société Demathieu et Bard à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens ;

- de condamner la société Riess à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens ;

-de condamner la société Socotec à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens ;

-de condamner la société Schindler à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux dépens ;

Elle soutient que :

- le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a justement considéré que le mémoire en défense présenté par la société Generali Vie en première instance s'analysait en réalité comme un mémoire en intervention, dès lors que ses conclusions étaient dirigées contre la société Generali IARD, qui s'est ainsi vu communiquer la requête ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a justement considéré que cette intervention était irrecevable, dès lors notamment que la société Generali Vie présente des conclusions pour son propre compte ;

- le mémoire produit par la société Generali Iard et la société Generali Vie a été produit après la clôture de l'instruction fixée le 27 novembre 2023 et il n'avait pas à en être tenu compte ;

- la société Generali IARD n'ayant pas respecté les délais de l'article L. 242-1 du code des assurances, elle est dès lors fondée à obtenir une provision au titre des travaux de reprise, assortis d'un intérêt au double de l'intérêts au taux légal ;

- ainsi, sa déclaration de sinistre du 10 novembre 2021 est restée sans réponse ;

- le délai de prescription de deux ans a été interrompu à plusieurs reprises ;

- subsidiairement, elle est fondée à demander la condamnation de la société Generali IARD au titre de sa garantie dommages-ouvrage : en effet, ces désordres affectant l'ascenseur sont de nature décennale ;

- à titre encore plus subsidiaire, elle est fondée à obtenir la condamnation des sociétés IXO Architecture, Demathieu et Bard, Riess, Schindler et SOCOTEC à l'indemniser de ses entiers préjudices ;

- l'expert a écarté l'hypothèse d'un défaut d'entretien retenu par le rapport EURISK ;

- les désordres leurs sont imputables et l'expert a admis leur responsabilité dans la survenue des désordres.

La procédure a été communiquée à la société Riess et à la société Demathieu et Bard qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code des assurances ;

-le code civil ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'en 2006, la commune de Haguenau a engagé des travaux de construction d'un parc de stationnement en silo de 270 places. Le marché de maîtrise d'œuvre a été confié à un groupement solidaire de maîtrise d'œuvre dont la société IXO était l'architecte mandataire. La société Demathieu et Bard s'est vu attribuer le lot n°4 " gros œuvre ", la société Riess s'est vu confier le lot n°11 " passerelles-structures métalliques ", et la société Schindler s'est vu confier le lot n°15 " Ascenseur ". Une convention de contrôle technique a été passée avec la société SOCOTEC. Pour cette opération de travaux, la commune a souscrit une police d'assurance dommages-ouvrage auprès de la société Generali. Les travaux ont été réceptionnés le 25 septembre 2007. A la suite de désordres, la commune a effectué une déclaration de sinistre à son assureur, le 31 août 2017. La société Generali lui a alors refusé sa garantie. La commune de Haguenau a demandé, à titre principal, au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Generali IARD à lui verser une provision de 144 516 euros TTC correspondant à la reprise des désordres et subsidiairement, de condamner in solidum les constructeurs de l'opération à lui verser une provision de ce montant. La société Generali Iard forme appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés l'a condamné à verser à la commune de Haguenau une provision de 123 587,20 euros TTC.

Sur la régularité de l'ordonnance du juge des référés du tribunal :

2. Le juge des référés du tribunal administratif a justifié l'irrecevabilité de l'intervention de la société Generali Vie par le fait que celle-ci était étrangère au contrat conclu entre la société Generali IARD et la commune de Haguenau, ce que la société Generali Vie a reconnu en première instance. Il a donc pu légitimement en déduire que l'issue du litige entre la commune de Haguenau et la société Generali IARD n'était pas susceptible de léser les intérêts de la société Generali Vie et que l'intervention de celle-ci était irrecevable.

3. Aux termes de l'article R 742-2 du code de justice administrative : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application. Elles font apparaître la date à laquelle elles ont été signées (...) ".

4. A la différence des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative relatives à la mention des notes en délibéré, celles de l'article R. 742-2, seules applicables aux mentions que doivent comporter les ordonnances de référé en ce qui concerne les productions des parties, ne prescrivent pas au juge des référés de viser celles de ces productions qui interviennent après la clôture de l'instruction ; que, lorsqu'il est saisi, postérieurement à l'audience ou, s'il a différé la clôture en application de l'article R. 522-8, à la date qu'il a fixée, d'une pièce nouvelle émanant de l'une des parties à l'instance, qu'elle s'intitule ou non " note en délibéré ", il appartient dans tous les cas à ce juge d'en prendre connaissance avant de rendre son ordonnance ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la pièce produite, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de son ordonnance, que si ce document contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; qu'à l'effet de permettre aux parties de s'assurer de la régularité de la procédure au regard de ces exigences, la ou les productions postérieures à l'audience doivent figurer au dossier de la procédure .

5. En l'espèce, il n'est pas contesté que le mémoire de la société Generali Iard a été enregistré après la clôture de l'instruction le 27 novembre 2023. Si la société Generali Iard soutient que la production de son mémoire a été retardée par l'erreur qu'aurait commise la commune de Haguenau dans la rédaction de sa requête en indiquant l'adresse de la société Generali Vie au lieu de celle de la sienne, il résulte de l'instruction que la requête de première instance mettait en cause " la compagnie Generali IARD, SA inscrite au RCS de Paris sous n°552 062 663, dont le siège est 2 rue Pillet Will à 75009 Paris 9, pris en son établissement secondaire Bat. B, 11 rue de Madrid à 67300 Schiltigheim ". Or, la société Generali Iard dispose bien d'un établissement situé au 11 rue de Madrid 67300 Schiltigheim même si la société Generali Vie possède un établissement à la même adresse. Dès lors, il ne peut être considéré que la commune de Haguenau a commis une erreur relative à l'adresse de la société Generali Iard qui aurait retardé la production du mémoire de celle-ci. Il suit de là que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg n'était pas tenu de viser le mémoire de la société Generali Iard.

6. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ordonnance du juge des référés est régulière.

Sur la demande de provision :

7. Aux termes de l'article R541-1 du code de justice administrative :" Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il appartient au juge des référés, pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable d'une obligation, de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

8. Aux termes de l'article L.242-1 du code des assurances : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public, ni aux personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat conclu en application de l'article 1er de l'ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ni aux personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L.111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation. L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours. Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L 'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l'importance du sinistre, l'assureur peut, en même temps qu'il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l'assuré la fixation d'un délai supplémentaire pour l'établissement de son offre d'indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d'ordre technique et être motivée. Le délai supplémentaire prévu à l'alinéa qui précède est subordonné à l'acceptation expresse de l'assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours. L'assurance mentionnée au premier alinéa du présent article prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque: Avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations ;Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations. Toute entreprise d'assurance agréée dans les conditions fixées par l'article L. 321-1, même si elle ne gère pas les risques régis par les articles L.241-1 et L. 241-2 ci-dessus, est habilitée à prendre en charge les risques prévus au présent article.

9. L'article L. 242-1 du code des assurances précité institue une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale avant toute recherche de responsabilité.

10. Aux termes de l'article 2241 du code civil: " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ", l'article 2242 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, prévoyant que :" l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance". En outre, aux termes de l'article 2239 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. / Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée". Il résulte de ce qui précède que la demande adressée à un juge de diligenter une expertise interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance et que, lorsque le juge fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu'à la remise par l'expert de son rapport au juge.

11. En l'espèce, il est constant que la réception des travaux est intervenue le 25 septembre 2007. Il résulte de l'instruction que la commune a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 31 août 2017 dans le délai couvert par la garantie décennale et qu'à la même date, elle a sollicité la désignation d'un expert en référé. Dès lors, la prescription a été interrompue vis-à-vis des constructeurs dans le délai de la garantie décennale, ce qui induit que le mécanisme de préfinancement précité de l'assurance dommages-ouvrages devait être mis en œuvre quand la commune de Haguenau en a effectué la demande. Ce mécanisme de préfinancement permettait au juge des référés d'allouer la provision sollicitée sans se pencher sur les appels en garantie.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'existence de la créance de la commune de Haguenau n'était pas sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Il suit de là que la société Generali Iard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la commune de Haguenau une provision de 123 587, 20 euros TTC.

13. En l'absence de condamnation à leur encontre, il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par les sociétés Socotec Construction, Axa France Iard et IXO Architectures.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties formulées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Generali Iard est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par les sociétés Socotec Construction, Axa France Iard et IXO Architectures.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Haguenau, à la société Generali IARD, à la société Generali Vie, à la société IXO Architectures, à la société SOCOTEC, à la société Riess, à la société Demathieu et Bard, et à la société Schindler.

La présidente,

Signé : P. Rousselle

La République mande et ordonne au ministre en charge de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24NC00041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Numéro d'arrêt : 24NC00041
Date de la décision : 08/07/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET ASEA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-08;24nc00041 ?
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