Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros qui lui a été réclamée par le titre exécutoire du 13 novembre 2017 et, d'autre part, d'annuler ce titre de recettes, la décision du 2 février 2018 du service du commissariat des armées rejetant son recours administratif contre ce titre et la décision du 8 septembre 2017 par laquelle la ministre des armées l'a déclaré redevable de la somme de 15 000 euros au titre du remboursement du préjudice subi par l'Etat.
Par un jugement n° 1801113 du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Litaize-Thiery, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1801113 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mai 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 8 septembre 2017 ;
3°) d'annuler le titre de perception émis le 13 novembre 2017 ;
4°) d'annuler la décision du 2 février 2018 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en applications des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le titre exécutoire est dépourvu de base légale :
. le jugement correctionnel, qui est le fondement du titre exécutoire, ne permet pas d'établir l'existence d'une créance liquide dont le montant serait précisément déterminé ;
. si l'administration se prévaut de l'article L. 5121-1 du code de la défense qui permet au personnel assermenté de constater une contravention de grande voirie, cet article n'indique nullement que ce personnel assermenté est compétent pour le chiffrage du préjudice ;
- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'évaluation du préjudice : aucun préjudice ne peut être retenu car aucuns travaux n'ont été réalisés et les bâtiments de l'armée, qui étaient laissés à l'abandon, ont été détruits.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la créance est fondée dans son principe et dans son montant :
. le requérant a été déclaré responsable du préjudice subi par l'armée par le jugement du tribunal correctionnel du 28 novembre 2016 ;
. en raison du privilège du préalable, l'administration est en droit de constater, liquider et de rendre exigible toute créance qu'elle détient sans nécessité d'une décision de justice ;
- l'expert militaire assermenté était habilité à évaluer le préjudice subi par l'Etat ;
- la circonstance que les travaux n'auraient pas été réalisés est sans incidence sur la réalité du préjudice, lequel doit être indemnisé.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2021.
Les parties ont été informées le 19 avril 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de première instance de M. B..., dès lors que la créance contestée est une créance de droit privée, relevant de la compétence du juge judiciaire et en conséquence de l'irrégularité du jugement attaqué pour avoir rejeté la demande de première instance de M. B... comme non fondée, sans relever l'incompétence de la juridiction administrative.
Par un mémoire enregistré le 20 avril 2023, qui a été communiqué, M. B... a présenté ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été déclaré coupable, par un jugement en date du 28 novembre 2016 du tribunal correctionnel de Nancy, de dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes pour avoir provoqué un incendie volontaire le 18 mai 2016, au sein d'un bâtiment militaire du service d'infrastructure de la défense de Metz. Le 8 septembre 2017, le service du commissariat des armées lui a adressé une décision d'imputation. Le 13 novembre 2017, l'Etat a émis un titre exécutoire mettant à sa charge un montant de 15 000 euros en réparation des dommages causés. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros ainsi que l'annulation de ce titre de recettes, de la décision du 2 février 2018 du service du commissariat des armées rejetant son recours dirigé contre ce titre exécutoire, ainsi que de celle du 8 septembre 2017. Par un jugement du 29 mai 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En l'absence d'une disposition législative spéciale, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut encourir à l'égard d'une personne publique, quel que soit le mode de recouvrement de la créance.
3. En l'espèce, la créance sur laquelle portent les actes litigieux, et en particulier le titre exécutoire émis à l'encontre de M. B..., concerne la réparation des dommages résultant de l'incendie qu'il a causé à un bâtiment militaire. Aucun texte n'attribue la connaissance d'un tel litige à la juridiction administrative. Par suite, il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître de la contestation présentée par M. B... à l'encontre des actes relatifs à cette créance.
4. Il suit de là que le jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg s'est prononcé au fond sur la demande de M. B... est irrégulier. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et, statuant par voie d'évocation, de rejeter ladite demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme réclamée par M. B... au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801113 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mai 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC02958