Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance du 20 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sur une requête présentée par la société SNCF Réseau, prescrit une expertise destinée à évaluer la nature et le montant des préjudices subis à la suite du déraillement causé par la collision survenue le 16 juin 2021 entre un convoi routier et un convoi ferroviaire sur le passage à niveau n° 17 de la voie ferrée reliant Charleville-Mézières à Hirson.
Par une ordonnance du 7 octobre 2021, M. A... B... a été désigné en qualité d'expert.
Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2022, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Ardennes a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'étendre les opérations d'expertise à la détermination des préjudices qu'il a subis.
Par une ordonnance n° 2101557 du 18 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2022, le SDIS des Ardennes, représenté par Me Cayla-Destrem, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 18 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'elle rejette sa demande ;
2°) d'étendre la mission d'expertise au SDIS des Ardennes ;
3°) d'étendre la mission d'expertise à la détermination de la responsabilité et de l'étendue des préjudices qu'il a subis.
Il soutient que :
- le premier juge a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation des faits de la cause ;
- l'extension de la mission d'expertise au SDIS est utile au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative dans la mesure où il a engagé des frais pour juguler une pollution importante ;
- il a intérêt à être partie dans la procédure d'expertise pour pouvoir ensuite demander le règlement des frais engagés ;
- ce coût est de toute évidence en lien avec le sinistre, objet de l'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2022, la société SNCF Réseau, représenté par Me Hansen, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 18 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'elle rejette la demande d'extension des opérations d'expertise au SDIS des Ardennes ;
2°) d'étendre les opérations d'expertise au SDIS des Ardennes ;
3°) d'étendre les opérations d'expertise à la détermination de la responsabilité du SDIS des Ardennes, ainsi qu'à la détermination des causes et du montant des préjudices subis par le SDIS.
Elle soutient que :
- elle n'entend pas s'opposer aux demandes présentées par le SDIS des Ardennes ;
- le juge des référés peut ordonner l'extension d'une mission d'expertise à une personne autre que les parties initialement désignées, dès lors qu'une telle extension revêt un caractère utile ;
- il est indispensable de déterminer si, compte tenu des conditions de son intervention, le SDIS a joué un rôle quelconque dans l'aggravation des désordres causés au domaine public ferroviaire ;
- l'extension de l'expertise représente une utilité certaine au titre de l'identification des personnes devant supporter les frais avancés par le SDIS dans le cadre de son intervention ;
- faute d'avoir été inclus dans l'expertise litigieuse - et de pouvoir, à ce titre participer à l'identification des responsables de l'accident- le SDIS a émis un titre exécutoire à son encontre ;
- la mesure d'extension répond bien à l'intérêt d'une bonne administration de la justice, en tant qu'elle est de nature à limiter les contentieux développés parallèlement à la présente expertise.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 16 juin 2021, un convoi exceptionnel routier transportant un bateau est resté immobilisé sur la voie ferrée reliant Charleville-Mézières à Hirson sur le passage à niveau 17, situé sur le territoire de la commune de Rumigny (Ardennes). Vers 3h30, il a été percuté par un convoi ferroviaire de fret, composé de 12 wagons, appartenant à la société Europorte, transportant de l'acide phosphorique destiné à une production alimentaire. Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Ardennes est intervenu en déployant des moyens relativement importants et a dû mettre en œuvre des mesures pour juguler une pollution par l'acide phosphorique. A la demande de la société SNCF Réseau, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, par une ordonnance n° 2101557 du 20 septembre 2021, désigné un expert avec pour mission de se rendre sur les lieux, de déterminer les causes du sinistre et les désordres affectant l'ouvrage public et recenser les préjudices invoqués par la société SNCF Réseau et en évaluer le montant. Par ordonnance n° 21NC02675, 21NC02680, 21NC02699 du 5 janvier 2022, puis n° 460571 du 28 juin 2022, la cour administrative d'appel de Nancy puis le Conseil d'Etat, ont étendu le périmètre des opérations d'expertise à d'autres parties et à l'évaluation des dommages dont elles se prévalaient. Les ordonnances des juges des référés du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel ont toutefois rejeté les conclusions de certaines parties tendant à attraire le SDIS des Ardennes à ces opérations d'expertise. Par un mémoire enregistré le 17 janvier 2022, le SDIS des Ardennes a, en conséquence, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'étendre les opérations d'expertise à la détermination des préjudices qu'il a subis. Il interjette appel de l'ordonnance du 18 avril 2022 du juge des référés en tant qu'il a rejeté sa demande. La société SNCF Réseau demande également l'annulation de l'ordonnance attaquée.
Sur les conclusions d'appel principal du SDIS des Ardennes :
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.
3. La mission d'expertise confiée à M. B... a pour double objet de donner un avis sur les responsabilités encourues dans la survenance de la collision entre les deux convois, routier et ferroviaire, et les préjudices subis par les parties à l'expertise.
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du sinistre, le SDIS des Ardennes a dû intervenir pour juguler une pollution à l'acide phosphorique contenue dans les wagons endommagés par l'accident et qu'il a fixé le coût de son intervention à 152 407,75 euros, qu'il a mis à la charge de la société SNCF Réseau par titre exécutoire du 4 mai 2022. Il résulte également de l'instruction que par une requête enregistrée le 4 juillet 2022 sous le n° 2201499, SNCF Réseau a contesté ce titre exécutoire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en faisant notamment valoir qu'elle ne pouvait être regardée comme étant à l'origine de la pollution dès lors que les causes de la collision et la répartition des responsabilités encourues ne sont pas encore connues. Dans ces conditions, la participation du SDIS aux opérations d'expertise, non pour lui permettre de chiffrer son préjudice, qu'il a lui-même évalué, sans invoquer l'existence de préjudices complémentaires, mais pour déterminer la personne auprès de laquelle il pourra en obtenir le remboursement, notamment au cas où SNCF Réseau obtiendrait la décharge du titre qu'elle a contesté, présente le caractère d'utilité requis par les dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative citées au point 2.
5. Il résulte de ce qui précède que le SDIS des Ardennes est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à participer aux opérations d'expertise. L'ordonnance du 18 avril 2022 doit donc être annulée en tant qu'elle rejette ladite demande.
Sur les conclusions d'appel provoqué de la société SNCF Réseau :
6. Les conclusions de la société SNCF Réseau tendant à l'annulation de l'ordonnance du 18 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'elle a rejeté les conclusions formulées par le SDIS des Ardennes, qui n'ont, au demeurant été présentées par elle ni en première instance, ni dans le délai d'appel, sont devenues dépourvues d'objet dès lors qu'il y est fait droit dans le cadre de l'appel principal. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2101557 du 18 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions du SDIS des Ardennes tendant à participer aux opérations d'expertises confiées à M. B....
Article 2 : Les opérations d'expertise sont rendues opposables au SDIS des Ardennes.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel provoqué de la société SNCF Réseau.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au service départemental d'incendie et de secours des Ardennes, à la société SNCF Réseau, aux sociétés Sleepy Yacth transport Gmbh, Mecklenburgische Versicherungsgruppe, Polymer Compounds, Transport Europe services, Fret SNCF, VGT France, VTG Rail Europe Gmbh, Rail logistics France, VTG Deutschland Gmbh, Prayon, Europorte France, QBE insurance Europt Ltd, et Helvetia compagnie suisse d'assurance.
Copie en sera adressée à M. A... B..., expert désigné.
La présidente de la Cour
Signé : Sylvie Favier
La République mande et ordonne au préfet des Ardennes, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 22NC01156