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02/09/2022 | FRANCE | N°22NC00698

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 02 septembre 2022, 22NC00698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la vallée de Munster a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de prescrire une expertise en vue de constater les désordres affectant son réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision.

Par une ordonnance n° 2105480 du 1er mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 202

2, la communauté de communes de la vallée de Munster, représentée par Me Oliveira, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de la vallée de Munster a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de prescrire une expertise en vue de constater les désordres affectant son réseau distribuant par câble des services de radiodiffusion sonore et de télévision.

Par une ordonnance n° 2105480 du 1er mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, la communauté de communes de la vallée de Munster, représentée par Me Oliveira, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 1er mars 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de faire droit à sa demande d'expertise.

Elle soutient que :

- SFR n'a pas rempli ses obligations en termes d'entretien et de remise en état du réseau stipulés dans la convention conclue le 2 mars 1995 ;

- ce réseau présente un état de dégradation et présente un danger majeur et imminent pour les administrés sur certains secteurs ;

- il n'a été procédé à aucune restitution du réseau ;

- le premier juge a commis plusieurs erreurs manifestes dans l'appréciation des faits et des moyens qu'elle a présentés ;

- toutes les conditions sont remplies pour que soit ordonnée une expertise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2022, la société SFR Fibre, représentée par Me Morice, demande à la cour :

A titre principal :

1°) de rejeter la requête d'appel de la communauté de communes de la vallée de Munster ;

A titre subsidiaire en cas de désignation d'un expert :

2°) de limiter la mission qui lui serait confiée à se rendre sur les lieux du désordre correspondant à la rue du val Dorsbach entre les communes de Soultzbach-les Bains et de Wasserbourg et au lieu correspondant à la " tête du réseau " qui se situe sur le territoire de la commune de Munster ;

En tout état de cause :

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la vallée de Munster la somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si l'exploitation du contrat n'a posé aucune difficulté particulière pendant plus de vingt ans, l'évolution des technologies, des pratiques des usagers et de la réglementation applicable l'a amenée à initier la mise en place d'une solution juridique commune afin de fixer les modalités d'achèvement de ce contrat ;

- le 10 août 2020, l'exploitation du réseau par ses soins a pris fin et les ouvrages dudit réseau ont été remis à la collectivité ;

- c'est à bon droit que le premier juge a qualifié le contrat de délégation de service public et que le réseau, en tant que bien de retour, a bel et bien été transféré à la collectivité à la fin du contrat ;

- le régime juridique applicable aux délégations de service public impose, notamment, à l'échéance du contrat, la remise gratuite de l'ensemble des biens nécessaires au fonctionnement du service public délégué ;

- la collectivité disposait d'un droit de regard et de plusieurs prérogatives permettant de contrôler son activité ;

- la collectivité ne pouvait pas solliciter de sa part le démantèlement du réseau devenu obsolète ; les obligations contractuelles exigeaient uniquement la remise, à titre gratuit, du réseau à celle-ci en fin de contrat et nullement un démantèlement de celui-ci ;

- les faits dont se prévaut la communauté de communes sont postérieurs à l'échéance du contrat ;

- la réalisation d'une expertise judiciaire apparaît clairement frustratoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société TDF, aux droits de laquelle vient la société SFR Fibre, a conclu, le 2 mars 1995, avec le syndicat à vocations multiples du canton de Munster, devenu la communauté de communes de la vallée de Munster, un contrat ayant pour objet l'établissement et l'exploitation d'un réseau de distribution de services de radiodiffusion pour une durée d'exploitation de 24 ans, soit jusqu'au 6 mars 2019. L'exploitation de ce réseau a pris effectivement fin le 10 août 2020 et les ouvrages de ce réseau ont été remis à la collectivité. Le 5 août 2021, celle-ci a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à prescrire une expertise en vue de constater les désordres affectant ce réseau. Elle interjette appel de l'ordonnance du 1er mars 2022 rejetant sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative: " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission (...) ". L'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal relevant de la compétence du juge administratif. Cette utilité doit être appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour parvenir au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.

En ce qui concerne le cadre juridique :

3. En premier lieu, dans le cadre d'une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique. Le contrat peut attribuer au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d'une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de concession, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée.

4. En second lieu, à l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession.

5. Il résulte de l'instruction que l'expiration du contrat du 2 mars 1995 liant la communauté de communes de la vallée de Munster, qui ne conteste pas que celui-ci constitue une concession de service public, et la société SFR Fibre, a été repoussée au 10 août 2020 en raison de la crise sanitaire. La cartographie du réseau ainsi que l'inventaire des immobilisations ont été communiqués par l'entreprise à la collectivité le 13 mai 2020. Par un courrier du 19 mai 2021, la société SFR Fibre a indiqué à son co-contractant que la remise du réseau, qui constituait un bien de retour, opérait un transfert de plein droit en fin de la convention, et qu'il lui revenait d'en assurer la conservation et, le cas échéant, la dépose.

6. La communauté de communes, qui conteste que ledit réseau serait devenu obsolète, fait valoir que le société SFR aurait méconnu ses obligations contractuelles notamment en ce qui concerne l'entretien des ouvrages et la maintenance du réseau et demande la prescription d'une expertise dans le cadre d'un litige qu'elle envisage d'initier sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'entreprise. Elle soutient que ce réseau présente un état de dégradation avancé et présente un danger majeur et imminent pour les administrés sur certains secteurs. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir ces affirmations, hormis l'évocation de quelques incidents ponctuels dont la société SFR Fibre soutient d'ailleurs qu'ils sont intervenus postérieurement à la remise du réseau à la collectivité. En outre, la communauté de communes produit des compte-rendu annuels d'exploitation du réseau pour les années 2017, 2018, et 2019 faisant ressortir les sommes annuelles consacrées par le concessionnaire au maintien de l'exploitation. Enfin, elle n'établit, ni même n'allègue que celui-ci n'aurait pas rempli ses obligations vis-à-vis des abonnés.

7. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état du dossier, l'expertise sollicitée par la communauté de communes ne présente pas le caractère d'utilité au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code justice administrative, tel que cité au point 2. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la société SFR Fibre présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes de la vallée de Munster est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société SFR Fibre présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté de communes de la vallée de Munster et à la société SFR Fibre.

La présidente de la Cour

Signé : Sylvie Favier

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 22NC00698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 22NC00698
Date de la décision : 02/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-02;22nc00698 ?
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