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05/08/2020 | FRANCE | N°20NC00939

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 05 août 2020, 20NC00939


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saales a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Citroën BSA Automobiles à lui verser à titre de provision la somme de 17 741,28 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice.

Par une ordonnance n° 1900044 du 3 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Citroën BSA Automobiles à verser la somme provisionnelle de 14 741,28 euros à la commune de Saales et a mis à sa ch

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saales a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner la société Citroën BSA Automobiles à lui verser à titre de provision la somme de 17 741,28 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice.

Par une ordonnance n° 1900044 du 3 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Citroën BSA Automobiles à verser la somme provisionnelle de 14 741,28 euros à la commune de Saales et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 29 juin 2020, la société Citroën BSA Automobiles, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 avril 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de se déclarer incompétente ;

3°) de rejeter la requête de la commune de Saales ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saales les entiers frais et dépens et la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner la société Dangel à la tenir quitte de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la commune de Saales ;

6°) de mettre à la charge de la société Dangel les entiers frais et dépens ainsi que la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le premier juge a méconnu le principe du contradictoire ;

- la commune fonde sa demande sur une obligation sérieusement contestable en raison de la nullité du contrat de gré à gré litigieux ;

- le premier juge a fait un mauvais usage du principe de loyauté des relations contractuelles ;

- le marché a été passé en dehors de toutes les règles du code des marchés publics alors applicables ;

- le marché en cause est manifestement nul ;

- le contrat passé par la commune n'est pas un contrat administratif par détermination de la loi et le juge administratif, saisi en référé provision, n'était pas compétent ;

- la garantie du véhicule expirait le 26 juin 2016, date à partir de laquelle elle ne devait plus de garantie pour les défauts et vices cachés ;

- la commune Saales ne pouvait plus agir en garantie des vices cachés ;

- il n'est pas possible d'étendre au contentieux administratif les règles prévues en matière de présomption irréfragable de faute ou de connaissance adoptées par les juridictions judiciaires ;

- le montant de la provision réclamée par la commune est excessif ;

- la société Dangel a engagé sa responsabilité à son égard en tant que réalisatrice des travaux modificatifs.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2020, la commune de Saales, représentée par Me A..., demande à la cour :

A titre principal :

1°) de rejeter la requête de la société Citroën BSA Automobiles ;

2°) de confirmer le dispositif de l'ordonnance attaquée ;

A titre subsidiaire :

3°) de condamner la société Citroën BSA Automobiles à lui verser la somme provisionnelle de 17 741,28 euros TTC, sauf à parfaire, au titre de l'indemnisation de son préjudice ;

En tout état de cause :

4°) de mettre à la charge de la société Citroën BSA Automobiles la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner la société Citroën BSA Automobiles à supporter l'ensemble des frais et dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- elle a acquis le véhicule litigieux pour les besoins du service communal d'eau potable ; ce contrat entre dans le champ des marchés, contrats administratifs par détermination de la loi ;

- le premier juge s'est borné à exercer son office sur le terrain de la responsabilité contractuelle et n'avait pas l'obligation de faire application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- le marché litigieux a été passé selon les règles alors applicables ;

- les clauses exclusives ou limitatives de la garantie des vices cachés ne peuvent être retenues lorsque le vendeur est un professionnel ;

- le juge administratif fait application de la garantie des vices cachés prévue à l'article 1641 du code civil dont le délai d'action est de deux ans à compter de la découverte du vice ;

- elle a fait l'acquisition d'un véhicule transformé, directement auprès de la société Citroën BSA Automobiles ;

- les travaux de transformation du véhicule lui ont été directement facturés par la société Citroën BSA Automobiles ;

- elle est fondée à solliciter l'indemnisation de la totalité des frais de réparation et des frais d'immobilisation du véhicule.

Par un courrier en date du 19 juin 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de l'action en garantie de la société Citroën BSA Automobiles à l'encontre de la société Dangel.

La société Citroën BSA Automobiles a répondu à cette communication par un mémoire enregistré le 29 juin 2020 et a précisé que, la commune devant agir contre la société Dangel pour d'éventuelles pannes, elle-même se trouve subrogée, à raison du contrat passé par la collectivité, dans l'action contre la société Dangel qui relève des juridictions administratives.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un contrat de gré à gré du 27 juin 2014, la commune de Saales (Bas-Rhin) a procédé à l'acquisition, auprès de la société Citroën BSA Automobiles, d'un véhicule de type Berlingo de marque Citroën pour un montant de 13 404,30 euros TTC. L'entreprise a, le même jour, adressé à la commune une facture complémentaire d'un montant de 10 800 euros TTC correspondant à la transformation du véhicule en 4x4 par la société Dangel. A compter du début de l'année 2017, la boite de vitesses du véhicule a présenté des dysfonctionnements. A la suite d'une expertise diligentée par l'assureur de la commune et du refus de la société Citroën BSA Automobiles de prendre en charge la réparation intégrale du véhicule, la commune de Saales a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de cette entreprise à lui verser à titre de provision la somme de 17 741,28 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice. La société Citroën BSA Automobiles fait appel de l'ordonnance du 3 avril 2020 par laquelle le juge des référés l'a condamnée à verser à la commune de Saales la somme provisionnelle de 14 741,28 euros.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article 1er du code des marchés publics alors en vigueur : " I (...) Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (...) ". Aux termes de l'article 2 du même code : " Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : (...) 2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux (...) ".

3. Il n'est pas contesté que la commune de Saales figure au nombre des pouvoirs adjudicateurs visés à l'article 2 du code des marchés publics. Par suite, le contrat de fournitures précité qu'elle a conclu avec la société Citroën BSA Automobiles, opérateur économique privé, en vue de l'acquisition d'un véhicule de type Berlingo pour les besoins du service communal d'eau potable est au nombre des marchés publics définis à l'article premier du code des marchés publics. En conséquence, quelles que soient les modalités selon lesquelles il a été effectivement conclu, le présent litige, relatif à l'exécution de ce contrat administratif, ressortit à la compétence de la juridiction administrative.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Dès lors que la société Citroën BSA Automobiles avait soulevé un moyen tiré de la nullité du contrat, le premier juge, en faisant usage du principe de loyauté des relations contractuelles, s'est borné à exercer son office et n'a pas soulevé un moyen d'ordre public qu'il aurait dû communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée aurait été rendue en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.

Sur l'exception de nullité du contrat:

5. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat. Ces circonstances doivent être directement liées au vice de passation retenu.

6. Le contrat de gré à gré conclu le 27 juin 2014 entre la société requérante et la commune de Saales était destiné à répondre à un besoin en matières de fournitures. A supposer même que, comme le soutient la société requérante, la procédure de passation de ce marché n'ait pas été respectée, un tel vice, dont il n'est pas établi qu'il aurait en l'espèce affecté les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, ne saurait être regardé, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat et que le litige qui oppose les parties ne doive pas être tranché sur le terrain contractuel.

Sur le bien-fondé de la demande de provision :

7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

8. Aux termes de l'article 1641 du code civil : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. ". Aux termes de l'article 1645 du même code : " Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. ". Aux termes de l'article 1648 : " L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. ". Les règles résultant de ces dispositions sont applicables à un marché de fournitures et le délai prévu par l'article 1648 du code civil pour exercer une action en garantie court à compter de la découverte du vice par l'acheteur.

9. Il résulte de l'instruction que, si le véhicule objet du litige a été acquis par la commune de Saales en juin 2014, celle-ci n'a eu connaissance des vices affectant la boite de vitesse du véhicule qu'au mois de décembre 2017, lors du contrôle qu'elle a fait effectuer par la société Citroën BSA Automobiles, et des causes et de l'ampleur de ces vices qu'au mois d'avril 2018, lors de la remise du rapport de l'expertise diligentée à la demande de son assureur. La commune de Saales a introduit le 4 janvier 2019, auprès du tribunal administratif de Strasbourg, une demande sur le fondement de l'article 541-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'action en garantie des vices cachés envisagée par la commune, qui emporte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, serait intentée hors du délai prescrit par l'article 1648 du code civil ou se heurterait à une clause contractuelle ayant prévu une garantie spécifique se substituant au régime légal de garantie, dont l'existence n'est d'ailleurs pas formellement démontrée.

10. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise réalisés les 11 avril et 21 novembre 2018, que le véhicule Citroën de type Berlingo acquis par la commune, qui a subi une transformation en 4 x 4 par une autre entreprise, réalisée sous l'égide de la société requérante, est affecté d'un vice tenant à des désordres internes de la boite de vitesse empêchant le passage du second rapport, dont l'origine ne peut être liée à une mauvaise utilisation du véhicule par l'acquéreur ou à un défaut d'entretien. Ce vice était inconnu de l'acheteur, non professionnel, lors de la conclusion de la vente, et ne pouvait être décelé par lui. Il résulte de ce qui précède que la demande de la commune de Saales remplit les conditions d'engagement de la garantie par l'acheteur de vices cachés de la chose vendue. Les préjudices subis par la collectivité du fait des désordres internes de la boite de vitesse, de l'immobilisation du véhicule qui s'en est suivie et de la location temporaire d'un véhicule de remplacement sont la conséquence des désordres provoqués par le vice du véhicule. En retenant, au vu des pièces du dossier, un montant de l'obligation de la société Citroën BSA Automobiles de 14 741,28 euros TTC, comme présentant un caractère non sérieusement contestable, le premier juge n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Citroën BSA Automobiles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser la somme provisionnelle de 14 741,28 euros à la commune de Saales.

Sur l'appel en garantie de la société requérante à l'encontre de la société Dangel :

12. Il ressort des pièces du dossier que la société Citroën BSA Automobiles a adressé à la commune de Saales deux factures, à son en-tête, datées du 27 juin 2014 et réceptionnées le 4 juillet suivant, dont l'une est relative à la vente du véhicule utilitaire de type Berlingo et l'autre à la transformation de ce véhicule en 4 x 4 par la société Dangel. Dès lors, la commune de Saales doit être regardée comme ayant passé directement commande du véhicule transformé à la société Citroën BSA Automobiles sans avoir contracté avec la société Dangel. La société requérante ne saurait donc sérieusement soutenir qu'il revient à la commune de se retourner contre la société Dangel ou qu'elle serait elle-même subrogée à la collectivité pour intenter une action contre cette entreprise.

13. Les conclusions de la société requérante tendant à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la société Dangel, à qui elle a confié la transformation du véhicule, ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors que les deux entreprises sont liées par un contrat de droit privé. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saales et de la société Dangel, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que demande la société Citroën BSA Automobiles au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Citroën BSA Automobiles la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saales sur le fondement des mêmes dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Citroën BSA Automobiles est rejetée

Article 2 : La société Citroën BSA Automobiles versera la somme de 2 000 euros à la commune de Saales au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Citroën BSA Automobiles, à la commune de Saales et à la société Dangel.

Fait à Nancy, le 5 août 2020.

La présidente de la cour

Signé : Françoise Sichler

La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Aline Siffert

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20NC00939


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 20NC00939
Date de la décision : 05/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX / LLORENS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-08-05;20nc00939 ?
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