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20/04/2020 | FRANCE | N°19NC03540

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 20 avril 2020, 19NC03540


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct enregistré le 27 mars 2020, complété par un mémoire enregistré le 20 avril 2020, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1724271 du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre d

e l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes, de transmettre au C...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct enregistré le 27 mars 2020, complété par un mémoire enregistré le 20 avril 2020, M. B... A..., représenté par Me C..., demande à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1724271 du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de l'article 55 de la loi de finance rectificative pour 2017 n° 2017-1775 du 28 décembre 2017.

Il soutient que la fraction du montant des intérêts de retard appliqué qui excède le taux moyen de 2,40 %, correspondant au coût du refinancement de l'Etat français sur les marchés financiers et donc au préjudice réel subi par celui-ci à raison du retard du paiement des impôts au sens de la décision n° 2011-124 QPC du 29 avril 2011 du Conseil constitutionnel, doit être regardée, en raison de son caractère excessif, comme se rattachant à une sanction et que le législateur, en prévoyant que le taux de 0,2 % ne devait s'appliquer qu'à compter du 1er janvier 2018, n'a pas respecté le principe constitutionnel de rétroactivité in mitius de la loi pénale plus douce découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire, enregistré le 14 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que la condition posée par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, qui subordonne la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à son caractère sérieux, n'est pas remplie.

Vu :

- la requête de M. A... enregistrée le 5 décembre 2019 au greffe de la cour sous le n° 19NC03540 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, notamment le III de son article 55 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique susvisée du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État (...) le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ". Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

2. D'autre part, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. (...) ". Le III de l'article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 prévoit que ce taux sera désormais fixé à 0,20 % par mois à compter du 1er janvier 2018.

3. M. A... soutient que les dispositions du III de l'article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 portent atteinte au principe constitutionnel selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer rétroactivement. Le requérant se réfère au taux d'émission des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des bons du Trésor à taux fixe (BTF) afin de démontrer que le taux de l'intérêt de retard, supérieur auxdits taux, constitue en réalité une sanction. Ces dispositions sont applicables au présent litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

4. D'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et de payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié.

5. D'autre part, les taux d'émission des obligations assimilables du Trésor (OAT) et des bons du Trésor à taux fixe (BTF), appliqués aux créanciers de l'Etat dans le cadre d'un emprunt pour une durée déterminée, ne sauraient servir de terme de comparaison à la situation des contribuables ne s'étant pas acquittés dans le délai légal du versement d'une créance fiscale, pour laquelle l'Etat subit un délai incertain de remboursement. Ainsi, la comparaison du niveau du taux d'intérêt légal avec le taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, dont la durée d'emprunt n'est pas connue, est plus appropriée.

6. Par suite, M. A... ne démontre pas que le niveau du taux de l'intérêt de retard serait devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié. Dès lors, le requérant ne saurait utilement soutenir que la modification du taux des intérêts de retard, qui n'ont pas le caractère d'une sanction, méconnaîtrait les dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le moyen tiré de ce que les dispositions du III de l'article 55 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit en conséquence être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... est dépourvue de caractère sérieux. Dès lors, il n'y pas lieu de transmettre ladite question au Conseil d'Etat.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Fait à Nancy, le 20 avril 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Signé : J. MARTINEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

D. FRITZ

2

N° 19NC03540 QPC


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : NATAF-PLANCHAT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Date de la décision : 20/04/2020
Date de l'import : 05/05/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC03540
Numéro NOR : CETATEXT000041814261 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-20;19nc03540 ?
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