Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Nogent-sur-Seine a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prescrire une expertise permettant d'évaluer le montant de l'indemnisation résultant de la résiliation du contrat de partenariat qu'elle avait conclu avec la société Nogent-Musée.
Par ordonnance n° 1800875 du 14 janvier 2019, le juge des référés a désigné un expert pour procéder à une expertise en présence de la commune de Nogent-sur-Seine, de la société Nogent Musée et de la société Batimap.
Par une ordonnance du 30 septembre 2019, le juge des référés a, à la demande de l'expert et sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, étendu le périmètre de sa mission.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2019 sous le n° 19NC02957, et un mémoire en réplique enregistré le 7 novembre 2019, la société Nogent Musée, représentée par Me C... demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 30 septembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de rejeter la demande d'extension d'expertise ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Seine une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- le périmètre de l'expertise tel que fixé par l'ordonnance du 14 janvier 2019 est amplement suffisant au regard des objectifs qui lui ont été dévolus ;
- il permet à l'expert de se prononcer sur l'origine des retards, la conformité des ouvrages aux obligations contractuelles et les éventuels travaux nécessaires pour rendre les ouvrages conformes aux stipulations contractuelles ;
- l'extension de la mission n'est donc pas utile et encore moins indispensable ;
- l'extension de la mission est inappropriée dans la mesure où son caractère particulièrement vaste permettra à l'expert de se prononcer sur des éléments sans aucun lien avec la décision de résiliation prise par la commune, ce qui est sans objet ni intérêt compte tenu de la nature du litige ;
- la commune, en décidant la résiliation du contrat de partenariat public-privé les liant, a empêché le processus d'achèvement des prestations et la mise en oeuvre du processus de maintenance dans ce cadre juridique particulier.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 octobre et 20 novembre 2019, la commune de Nogent-sur-Seine, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Nogent Musée ;
2°) de mettre à la charge de la société Nogent Musée une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le litige principal porte sur la question de la méconnaissance par les parties de leurs obligations contractuelles respectives ;
- la légalité de la résiliation tout comme la justification de l'indemnité sollicitée par la société Nogent Musée ne peuvent être appréciées qu'au regard des stipulations du contrat ;
- elle n'a pu constater certaines anomalies et non-conformités aux obligations contractuelles que postérieurement à la résiliation du contrat ;
- l'expertise initiale pouvait être utilement complétée en confiant à l'expert de se prononcer sur des questions techniques portant sur ces nouveaux désordres qui concernent les mêmes parties contractantes et relèvent du même contrat ;
- l'extension de la mission ne s'écarte pas des motifs de la décision de résiliation, dès lors qu'elle vise " les manquements des parties à leurs obligations contractuelles ".
II. Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2019 sous le n° 19NC02958, et un mémoire en réplique enregistré le 8 novembre 2019, la société Batimap, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 30 septembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Nogent-sur-Seine une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans son ordonnance du 14 janvier 2019, a pris soin de fixer le périmètre de la mission de l'expert sur la base du litige principal portant exclusivement sur le bien-fondé de la décision de résiliation et sur l'indemnisation des préjudices en découlant ;
- le nouveau chef de mission perd totalement l'objectif de la mesure d'expertise et du litige qui conditionne son utilité ;
- le juge des référés a commis une erreur de droit ;
- le juge du fond ne pourra apprécier, dans le cadre du litige principal, la légalité de la décision de résiliation et évaluer en conséquence les responsabilités encourues qu'au seul vu des motifs qui y sont exposés et au jour où cette décision a été prise ;
- l'examen de l'ensemble des manquements commis par les parties dans l'exécution du contrat est inutile ;
- le fait d'autoriser l'expert à examiner tout sujet, même sans rapport avec le fond du litige, est de nature à compliquer et retarder davantage l'expertise en cours ;
- les désordres survenus postérieurement à la décision de résiliation pourraient faire l'objet d'opérations d'expertise, dans le cadre d'une procédure distincte étendue à toutes les personnes intéressées, sans que cela puisse retarder l'expertise en cours.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 octobre et 20 novembre 2019, la commune de Nogent-sur-Seine, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Batimap ;
2°) de mettre à la charge de la société Batimap une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le litige principal porte sur la question de la méconnaissance par les parties de leurs obligations contractuelles respectives ;
- la légalité de la résiliation tout comme la justification de l'indemnité sollicitée par la société Nogent Musée ne peuvent être appréciées qu'au regard des stipulations du contrat ;
- elle n'a pu constater certaines anomalies et non-conformités aux obligations contractuelles que postérieurement à la résiliation du contrat ;
- l'expertise initiale pouvait être utilement complétée en confiant à l'expert de se prononcer sur des questions techniques portant sur ces nouveaux désordres qui concernent les mêmes parties contractantes et relèvent du même contrat ;
- l'extension de la mission ne s'écarte pas des motifs de la décision de résiliation, dès lors qu'elle vise " les manquements des parties à leurs obligations contractuelles ".
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées sont dirigées contre une même ordonnance, ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même ordonnance.
2. La commune de Nogent-sur-Seine (Aube) et la société Nogent Musée ont conclu, le 8 mars 2012, un contrat de partenariat public-privé portant sur le transfert, la restructuration et l'agrandissement du musée Dubois-Boucher sur le site de l'ilot Saint-Epoing, la réhabilitation et la restructuration de la maison Claudel et l'aménagement complet du site. Cette opération comprenait également la conception et la réalisation d'une partie des équipements muséographiques et scénographiques et la maintenance, l'entretien et l'exploitation technique des ouvrages. La société Batimap assurait le financement du projet à travers un contrat de crédit-bail immobilier. A la suite de nombreux retards et fautes imputés à la société Nogent Musée, la commune a résilié le contrat de partenariat le 7 décembre 2016 et a versé à la société une somme de 6 472 989 euros au titre de l'indemnité de résiliation prévue au contrat de partenariat. La société Nogent Musée a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour contester la légalité de la décision de résiliation et demander la condamnation de la commune de Nogent-sur-Seine à lui verser une somme de 10 millions d'euros. Par ordonnance du 14 janvier 2019, le juge des référés du tribunal administratif a, à la demande de la commune, prescrit une expertise, au contradictoire de la société Nogent Musée et de la société Batimap, aux fins de déterminer l'origine des retards dans l'exécution du contrat qui ont conduit à sa résiliation, déterminer, au jour de la résiliation et au regard des obligations contractuelles des parties, l'état des ouvrages et leur conformité à ces obligations, déterminer et chiffrer le coût des travaux nécessaires pour les rendre conformes aux stipulations du contrat, donner son avis sur tous les préjudices invoqués par les parties tant sur leur existence que dans leur montant. Par ordonnance du 30 septembre 2019, le juge des référés a, sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative et à la demande de l'expert, étendu les opérations d'expertise qui lui avaient été confiées. Les sociétés Nogent Musée et Batimap font appel de cette ordonnance.
Sur le bien-fondé de la demande d'extension de l'expertise :
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...). ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission, ou, à l'inverse, réduire l'étendue de la mission si certaines des recherches envisagées apparaissent inutiles. ". L'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal appréciée en tenant compte, notamment de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.
4. Il résulte de l'instruction que la société Nogent Musée a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne aux fins, d'une part, de déclarer illégale la résiliation, par la commune de Nogent-sur-Seine, du contrat de partenariat public-privé qui les liait et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser une somme de 10 millions d'euros en réparation du préjudice résultant de cette résiliation. Par ordonnance du 14 janvier 2019, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise de la commune permettant d'évaluer le montant de l'indemnisation résultant de ladite résiliation. A la demande de l'expert désigné, le juge des référés a étendu sa mission à " toutes observations utiles au règlement du litige notamment en donnant son avis technique sur les manquements des parties à leurs obligations contractuelles dont l'identification résulterait de ses investigations ou des débats. ". L'étendue de cette mission, qui est de nature à amener l'expert à se prononcer sur les fautes éventuellement commises par les parties dans l'exécution des prestations prévues par le contrat de partenariat public-privé, est relative à l'exécution du contrat qui a fait l'objet de la résiliation litigieuse. Dès lors, ce litige présente avec celui dont est saisi le juge du fond, et contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, un lien suffisant pour faire regarder cette extension d'expertise comme présentant un caractère utile, au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, tel que défini au point 3. Les sociétés Nogent Musée et Batimap ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à la demande d'extension de l'expertise sollicitée par l'expert. Par suite, leurs requêtes ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Nogent-sur-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par les sociétés Nogent Musée et Batimap et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Nogent-sur-Seine présentées sur le même fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 19NC02957 de la société Nogent Musée est rejetée.
Article 2 : La requête n° 19NC02958 de la société Batimap est rejetée.
Article 3 : les conclusions de la commune de Nogent-sur-Seine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative son rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Nogent Musée, à la société Batimap et à la commune de Nogent-sur-Seine. Copie en sera dressée à M. A..., expert.
Fait à Nancy, le 3 décembre 2019
La présidente de la cour
Signé : Françoise Sichler
La République mande et ordonne au préfet de l'Aube, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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19NC02957
19NC02958