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09/07/2019 | FRANCE | N°19NC01300

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 09 juillet 2019, 19NC01300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Sarreguemines à lui verser une provision d'un montant de 75 000 euros.

Par une ordonnance n° 1806569 du 16 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 12 juin 2019, MmeD..., représentée par MeG...,

demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 avril 2019 du juge des référés du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier de Sarreguemines à lui verser une provision d'un montant de 75 000 euros.

Par une ordonnance n° 1806569 du 16 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 12 juin 2019, MmeD..., représentée par MeG..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 16 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sarreguemines à lui verser la somme de 75 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sarreguemines la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de rendre l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Elle soutient que :

- le premier juge a fait une inexacte appréciation des faits ;

- la SHAM, en sa qualité d'assureur du centre hospitalier de Sarreguemines a formulé, le 26 septembre 2018, une offre à hauteur de 45 017,60 euros, basée sur une part de responsabilité de 56 % incombant à son sociétaire ;

- le rapport d'expertise des docteurs E...et F...a retenu sans équivoque la responsabilité du centre hospitalier de Sarreguemines dans sa prise en charge par les hôpitaux de Bitche et de Sarreguemines du fait d'une erreur de diagnostic fautive ;

- le débat qui fera l'objet d'une discussion au fond ne porte que sur le quantum de la perte de chance ;

- l'obligation du centre hospitalier de Sarreguemines à son égard est incontestable au sens des dispositions de l'article L. 541-1 du code de justice administrative ;

- le quantum de la provision sollicitée à hauteur de 75 000 euros constitue un montant non contestable ;

- le montant global de la provision sollicitée tant devant le juge des référés qu'en cause d'appel est identique ;

- les chefs de préjudice sont rattachés au même fait générateur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2019, le centre hospitalier de Sarreguemines et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) concluent au rejet de la requête d'appel de MmeD....

Elles soutiennent que :

- lorsqu'une demande de référé provision implique de trancher une question de droit soulevant une difficulté sérieuse, le juge des référés ne peut estimer que l'obligation n'est pas sérieusement contestable et accorder une provision ;

- le prétendu retard de diagnostic, relevé par les rapports d'expertise, n'a pas eu de conséquences directes sur la réalisation du préjudice ;

- le lien de causalité n'est pas établi avec certitude ;

- les indemnités allouées doivent représenter une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

- les demandes indemnitaires de la requérante constituent des demandes nouvelles en tant qu'elles excèdent celles de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le samedi 4 février 2017, Mme C...D..., alors âgée de 47 ans, s'est rendue vers 12h40 à l'antenne des urgences de l'hôpital de Bitche en raison de douleurs importantes à la jambe droite, avec une sensation de paralysie au niveau du pied et pied froid. Un diagnostic de sciatique a été porté et une radiographie de la colonne vertébrale et un scanner, prescrits. Le lendemain, l'intéressée a consulté au service des urgences du centre hospitalier de Sarreguemines pour un orteil devenu blanc. Lui ont été prescrit des corticoïdes avec un antalgique et un bilan d'imagerie médicale du rachis à la recherche de signes sciatiques. Devant l'aggravation des douleurs, Mme D...a consulté, le 8 février, son médecin traitant, le docteurA..., qui lui a prescrit des antalgiques et a confirmé l'indication de radiographie de la colonne vertébrale et du scanner, réalisés les 9 et 10 février 2017. Prenant connaissance des radios, le docteur A...a demandé à sa patiente de réaliser, sans urgence, un doppler artériel qui n'a été réalisé que le 14 février 2017. Cet examen a mis en évidence un pied droit cyanosé et froid sans pouls palpable signant une oblitération artérielle périphérique. L'intéressée a, été prise en charge par la clinique de l'Orangerie à Strasbourg où les tentatives de thrombolyse et de désobstruction des artères tibiales antérieure et postérieure ont échoué. Mme D...a alors été informée de la nécessité de recourir à une amputation trans-tibiale droite, réalisée le 20 février 2017. Elle est restée hospitalisée jusqu'au 7 mars 2017, date à laquelle elle a été transférée au centre de réadaptation de Hoenberg. Mme D...est, à ce jour, pourvue d'un appareillage.

2. La requérante a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Loraine qui a diligenté une première expertise confiée au docteurB..., lequel a rendu son rapport le 16 août 2017, puis une seconde expertise de post-consolidation confiée au professeurE..., spécialisé en chirurgie cardio-vasculaire, et au docteurF..., spécialisé en anesthésie-réanimation, lesquels ont rendu leur rapport le 9 avril 2018. Par un avis du 18 mai 2018, la CRCI a estimé que le dommage subi par l'intéressée répondait à la condition de gravité au regard du taux de déficit fonctionnel permanent et que la réparation des préjudices incombait au centre hospitalier de Sarreguemines à hauteur de 56 % et au docteur A...à hauteur de 14 %. Par courrier du 26 septembre 2018, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a informé Mme D...qu'elle entendait se soumettre à l'avis de la CRCI mettant à sa charge 56 % du préjudice et a proposé une offre provisionnelle à hauteur de 45 017 euros. L'intéressée, qui n'a pas donné suite à cette proposition, fait appel de l'ordonnance du 16 avril 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à condamner le centre hospitalier de Sarreguemines à lui verser une provision de 75 000 euros.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ". Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Les conclusions de l'expertise du professeur E...et du docteur F...au vu de laquelle la CRCI de Lorraine a formulé ses propositions sont contestées par le centre hospitalier de Sarreguemines et la SHAM en tant qu'elles feraient apparaître des contradictions. Celles-ci portent sur l'apparition des premiers symptômes d'ischémie, qui serait survenue, selon le rapport d'expertise, le vendredi 3 février au soir, et le délai butoir, fixé par le même rapport à T+ 6 heures, au-delà duquel les lésions, au surplus aggravées par l'importante intoxication tabagique de l'intéressée, sont irréversibles. L'existence d'un lien direct et certain entre l'erreur de diagnostic et l'amputation dont a fait l'objet Mme D...ne serait donc pas établi avec un degré de certitude suffisant.

6. Cette contestation de la part du centre hospitalier et de la SHAM porte également sur la pluralité de responsabilités relevées par les rapports, notamment en ce qui concerne la prolongation des douleurs subies par Mme D...avant l'amputation et le retard de cicatrisation du moignon après cette intervention imputés à une faute du médecin traitant de l'intéressée en raison de la validation, sans esprit critique, du diagnostic préalablement établi devant une symptomatologie qui ne faisait qu'empirer, et le retard pris pour la réalisation d'un bilan agiographique.

7. En estimant, au vu des éléments qui lui étaient soumis, que l'obligation dont se prévaut Mme D...à l'égard du centre hospitalier de Sarreguemines et de la SHAM ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable, le juge des référés qui n'était pas tenu pour porter cette appréciation par la proposition d'indemnisation provisionnelle adressée à la requérante par l'assureur de l'établissement, laquelle ne vaut pas reconnaissance de responsabilité, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, telles que définies au point 3, en refusant de lui accorder tout ou partie de la provision demandée.

8. Il résulte de ce qui précède et en l'état du dossier qui est soumis en cause d'appel, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requérante présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C...D..., au centre hospitalier Robert-Pax de Sarreguemines, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle.

Fait à Nancy, le 9 juillet 2019.

La présidente de la Cour

Signé : Françoise Sichler

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

19NC01300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 19NC01300
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DE MASSON D'AUTUME

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-09;19nc01300 ?
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