La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2019 | FRANCE | N°19NC01585

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 juin 2019, 19NC01585


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2019, la société Fe Sainte-Anne, représentée par MeA..., demande au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 mai 2019 par laquelle la préfète de la Haute-Marne l'a mise en demeure de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale concernant trois éoliennes de son parc éolien de Chateauvillain, de suspendre les travaux entrepris et de remettre les lieux e

n état dans le délai d'un mois, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la lé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2019, la société Fe Sainte-Anne, représentée par MeA..., demande au juge des référés :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 mai 2019 par laquelle la préfète de la Haute-Marne l'a mise en demeure de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale concernant trois éoliennes de son parc éolien de Chateauvillain, de suspendre les travaux entrepris et de remettre les lieux en état dans le délai d'un mois, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'urgence est constituée dès lors que la décision préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation pour trois raisons :

- en premier lieu, la mise en demeure lui impose de démanteler les structures en bois déjà réalisées et de remettre en place des fondations en béton alors que ces structures ne constituent pas un risque pour la sécurité publique ; la décision attaquée l'expose à des sanctions administratives et pénales ; le délai fixé est irréaliste compte tenu de l'importance des travaux à entreprendre ;

- en deuxième lieu, la suspension immédiate du chantier aura des conséquences financières graves et immédiates puisqu'elle lui impose d'évacuer son personnel et ses matériels, ainsi qu'un impact sur ses relations contractuelles avec ses partenaires ; cette décision risque de lui faire perdre le bénéfice du tarif d'achat dit E 14 de l'électricité ; cette décision entrainera un manque à gagner important alors qu'elle a investi près de 7 millions d'euros et que le déficit d'exploitation de l'année 2018 est de près de 400 000 euros ; le retard du chantier et la destruction des mâts en bois entraînera une perte de 1 300 000 euros ;

- en troisième lieu, la décision contestée menace de péremption les permis de construire qui seront caducs en cas d'interruption des travaux pendant un an ;

- les moyens invoqués sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ;

- en effet, l'arrêté contesté est entaché d'un vice de forme dès lors qu'il ne mentionne ni l'identité ni la qualité de l'auteur de l'acte en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision de mise en demeure devait faire l'objet d'une procédure contradictoire en vertu des dispositions des articles L. 171-6 et L. 614-5 du code de l'environnement ; elle aurait dû être mise en mesure de présenter des observations suite au rapport de l'inspection des installations classées ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement dès lors qu'elle aurait dû être mise en demeure de régulariser sa situation ; les mesures de suppression et fermeture des installations ne peuvent être prises qu'après expiration du délai imparti par la mise en demeure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- le litige ne relève pas de la compétence matérielle de la cour administrative d'appel ; en effet, si les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître des litiges portant sur des décisions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent énumérées à l'article R. 311-5 du code de justice administrative, elles ne sont pas compétentes pour statuer sur les mesures de police relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement prises sur le fondement de l'article L. 171-7 du code de l'environnement ;

- l'arrêté attaqué fera l'objet d'une décision de retrait, le préfet n'ayant pris cet arrêté avant l'expiration du délai laissé à l'exploitant pour présenter ses observations.

Vu la décision dont la suspension est demandée.

Vu la décision de la présidente de la cour désignant M. Meslay, président de chambre, pour statuer sur les demandes de référé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2019 à 11 h :

- le rapport de M. Meslay, juge des référés ;

- les observations orales de Me A...et MeB..., représentant la société Fe Sainte Anne, ainsi que celles de MmeC..., la société Fe Sainte Anne persiste dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

En application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative, le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 14 juin 2019 à 14h afin de permettre au ministre de la transition écologique et solidaire de produire la décision retirant l'arrêté du 13 mai 2019 ainsi que la décision du 5 novembre 2018 relative aux modifications apportées à l'exploitation.

Le ministre de la transition écologique et solidaire a produit les pièces demandées le 13 juin 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 21 décembre 2018, la société Fe Sainte Anne a porté à la connaissance du préfet de la Haute-Marne les modifications qu'elle envisageait d'apporter à ses installations, concernant trois éoliennes de son parc éolien, autorisé par arrêté du 30 novembre 2016, portant sur la structure des mâts des éoliennes E3, E5 et E7 qu'elle envisageait de construire en structure hybride (acier et panneaux de bois). Par décision du 26 février 2019, le préfet de la Haute-Marne a refusé de modifier les conditions d'exploitation des éoliennes E 3, E 5 et E 7 du parc éolien de Châteauvillain et lui a enjoint, si elle souhaitait maintenir ce projet, de présenter une nouvelle demande d'autorisation environnementale. Par arrêté du 13 mai 2019, la préfète de la Haute-Marne a mis en demeure la société Fe Sainte Anne de déposer une nouvelle demande d'autorisation environnementale concernant trois éoliennes de son parc éolien de Chateauvillain, de suspendre les travaux entrepris et de remettre les lieux en état dans le délai d'un mois. La société Fe Sainte Anne, qui a demandé le 16 mai 2019 au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler cet arrêté du 13 mai 2019, a également demandé à ce tribunal la suspension de son exécution. Par deux ordonnances du 23 mai 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, rejeté la requête en référé-suspension présentée par la société Fe Sainte Anne sur le fondement de l'article R. 522-8-1 du code de justice administrative et, d'autre part, transmis la requête au fond à cette cour en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative. La société Fe Sainte Anne demande au juge des référés de cette cour la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 mai 2019.

Sur la compétence de la cour :

2. Le ministre soutient que si les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître des litiges portant sur des décisions relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent énumérées à l'article R. 311-5 du code de justice administrative, elles ne sont pas compétentes pour statuer sur les mesures de police relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement prises sur le fondement des articles L. 171-7 du code de l'environnement.

3. D'une part, aux termes de l'article R. 311-5 du code de justice administrative : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges portant sur les décisions suivantes, y compris leur refus, relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres aux producteurs et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés : 1° L'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement ; (...) 8° L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie ; (...) 20° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions contenues dans les autorisations mentionnées au présent article. ". Le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 instituant ces dispositions du code de justice administrative est entré en vigueur le lendemain de sa publication conformément aux dispositions de son article 26. Ces dispositions étaient donc entrées en vigueur à la date d'édiction de la décision contestée et sont applicables au présent litige.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / Elle peut suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux, opérations ou activités jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. / L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. / S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code (...). ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision par laquelle l'administration décide, comme en l'espèce, de demander à l'exploitant de régulariser sa situation en déposant une nouvelle demande d'autorisation environnementale, de suspendre immédiatement la poursuite des travaux et de remettre en état le site dans un délai d'un mois n'entre dans aucune des catégories de décisions limitativement énumérées à l'article R. 311-5 du code de justice administrative relevant de la compétence matérielle de la cour. La cour n'est donc pas compétente pour en connaître et il y a lieu dès lors par application des dispositions de l'article R. 522-8-1 du code de justice administrative, de rejeter les conclusions aux fin5s de suspension de l'arrêté du 13 mai 2019 ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Fe Sainte Anne est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Fe Sainte Anne et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

Fait à Nancy, le 25 juin 2019.

Le juge des référés,

Signé : P. Meslay

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 19NC01585 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01585
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre MESLAY
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-25;19nc01585 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award