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29/03/2017 | FRANCE | N°16NC02651

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 29 mars 2017, 16NC02651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser une provision de 169 972,83 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi résultant du défaut d'affiliation au régime général de la sécurité sociale et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques au titre de l'activité exercée dans le cadre de son mandat sanitaire au cours de la période allant de 1976 à 1989.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser une provision de 169 972,83 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi résultant du défaut d'affiliation au régime général de la sécurité sociale et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques au titre de l'activité exercée dans le cadre de son mandat sanitaire au cours de la période allant de 1976 à 1989.

Par une ordonnance n° 1602549 du 15 novembre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à lui verser une provision de 131 881,54 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2016, M.C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de réformer l'ordonnance du 15 novembre 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Nancy en tant qu'elle n'a pas fait entièrement droit à sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision de 169 972,83 euros, sauf à parfaire au regard notamment d'une éventuelle modification à intervenir du taux de rachat des cotisations sociales, assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 18 mai 2012, date de réception de sa demande par l'administration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il a droit au remboursement des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'Etat pour la période allant du 2 octobre 1976 au 31 décembre 1989 ;

- il a également droit au versement des pensions de retraite au titre de la période comprise entre le 1er juin 2012, date à laquelle il a atteint l'âge de 65 ans, et la date du versement par l'Etat de la somme précédente lui permettant de percevoir une pension au titre de son activité de vétérinaire sanitaire ;

- le calcul des cotisations non versées peut être effectué sur la base de l'assiette forfaitaire visée à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ;

- il est fondé à ce que soit prise en considération l'assiette forfaitaire, comme base de calcul, pour l'évaluation de son préjudice concernant les années pour lesquelles il n'a pu reconstituer le montant des sommes perçues au titre de son mandat sanitaire ;

- sa demande tend à voir prononcer la condamnation de l'Etat, non pas au paiement de cotisations, mais de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'absence d'affiliation au régime de la sécurité sociale et à l'IRCANTEC ;

- l'évaluation de son préjudice peut notamment être faite par analogie avec les règles issues du code de la sécurité sociale ;

- il est fondé à voir prendre en considération l'assiette forfaitaire au titre de l'année 1976, alors même qu'il n'a pu retrouver de justificatif de son activité et que l'administration s'est abstenue de produire quelque élément que ce soit à cet égard ;

- il produit des documents particulièrement développés pour démontrer son activité de l'année 1976 ;

- le premier juge a commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération l'assiette forfaitaire visée à l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ;

- il a justifié que certains salaires qu'il avait perçus au titre du mandat sanitaire exercé avant 1990 lui avaient été versé postérieurement au 31 décembre 1989 ;

- les quatre postes de préjudice qu'il invoque sont dûment justifiés au regard, notamment, des majorations applicables au titre des points de retraite ;

- le premier juge n'a pas pris en considération, pour le calcul de son préjudice, les coefficients de revalorisation et le taux d'actualisation de 2,5 % applicables en l'espèce ;

- le premier juge a commis une erreur de droit en considérant que le préjudice correspondant aux pensions de la CARSAT devait être calculé à la date du 1er janvier 2013 et non du 1er juin 2012 ;

Par un courrier du 24 janvier 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a été mis en demeure de produire dans un délai de 10 jours ses conclusions en réponse à la requête de M.C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de sa carrière de vétérinaire libéral, M. C...a accompli des actes de prophylaxie collective des maladies des animaux en vertu de mandats sanitaires accordés par arrêtés du préfet des Vosges et du préfet de la Haute-Marne en date des 10 décembre 1976 et 31 mars 1977. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations de l'Etat, assimilables à des salaires, qui n'ont pas donné lieu à cotisation aux régimes de retraites gérés par la caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et l'institution de retraite complémentaires des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et qui, par suite, n'ont pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à pension après qu'il eut fait valoir son droit à la retraite. Dans le cadre de la procédure de transaction amiable mise en oeuvre par le ministre en charge de l'agriculture, qui a reconnu le principe de la responsabilité de l'Etat, ce dernier a, par lettre du 29 juillet 2014, adressé à l'intéressé une proposition d'assiette de revenus perçus entre 1977 et 1989 et destinée à servir de base au calcul du préjudice de M. C...du fait du défaut d'affiliation au titre des salaires versés pour cette période. Toutefois, bien qu'ayant accepté le montant d'assiette proposé, M. C...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 169 972,83 euros. Il relève appel de l'ordonnance du 15 novembre 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a limité à 131 881,54 euros le montant de la provision qu'il a condamné l'Etat à lui verser.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. La rémunération perçue par les vétérinaires au titre de leur participation aux opérations de prophylaxie constitue un salaire, dès lors que ceux-ci se trouvent dans une situation caractérisant un lien de subordination à l'égard de l'administration. A ce titre, les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire doivent être regardés comme des agents non titulaires de l'Etat, relevant du régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que du régime de retraite complémentaire des agents publics non titulaires de l'Etat. La responsabilité pour faute de l'Etat est engagée à l'égard d'un agent public non titulaire, dans la mesure où l'Etat n'a pas satisfait à son obligation d'assurer son immatriculation à la caisse primaire de sécurité sociale, son affiliation à l'IRCANTEC ainsi qu'au versement de cotisations afférentes.

4. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ayant reconnu la responsabilité de l'Etat à l'égard de M.C..., le litige ne porte que sur le montant de la créance dont se prévaut ce dernier.

5. En premier lieu, M. C...soutient que s'agissant de l'année 1976, dans la mesure où ni lui ni l'administration n'ont été en mesure de produire des justificatifs des revenus liés à l'activité en rapport avec son mandat sanitaire, il est en droit de recourir par analogie aux dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale prévoyant le recours à une assiette forfaitaire en cas d'ignorance du montant de la rémunération perçue.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. C...s'est vu agréer en qualité de vétérinaire sanitaire dans le ressort de sa clientèle du département des Vosges par arrêté préfectoral du 10 décembre 1976 et dans le ressort de sa clientèle du département de la Haute-Marne par arrêté du 31 mars 1977. Alors même que l'intéressé produit une attestation de la direction départementale, de la cohésion sociale et de la protection des populations des Vosges, en date du 26 mai 2011, selon laquelle il détiendrait son mandat sanitaire dans ce département depuis le 2 octobre 1976, les allégations générales qu'il énonce relatives au rythme d'activité des vétérinaires chargés de la prophylaxie collective et de la police sanitaire ne peuvent démontrer la réalité d'une activité exercée, par lui, en 1976 pour une durée d'au moins 90 jours, telle que la prévoient les dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, au titre d'un mandat sanitaire régulièrement délivré lui permettant de bénéficier du recours à l'assiette forfaitaire. Par suite, la créance dont se prévaut le requérant au titre de cette activité ne saurait être regardée comme présentant un caractère non sérieusement contestable pour l'année 1976.

7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre II du code rural ainsi que certains articles du code de la santé publique, applicables à compter du 1er janvier 1990 : "Les rémunérations perçues au titre de l'exercice du mandat sanitaire sont assimilées, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. ". Il résulte de ces dispositions que toutes les rémunérations perçues à compter du 1er janvier 1990 par les vétérinaires à raison du mandat sanitaire détenu par eux sont, quelle que soit la date de réalisation des prestations auxquelles elles se rapportent, réputées correspondre à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Il suit de là que le bien-fondé de la demande de M. C..., tendant à ce que les sommes qui lui auraient été versées au cours des années 1990 et 1991 à raison de l'exercice de son mandat sanitaire avant le 1er janvier 1990 soient intégrées à l'assiette de calcul de ses indemnités, ne revêt pas, en l'état de l'instruction, un caractère non sérieusement contestable.

8. En troisième lieu, s'agissant des arriérés de cotisations pour le régime complémentaire, le montant des cotisations dues a été calculé sur la base des éléments transmis par l'IRCANTEC dont il n'est pas établi qu'ils ne tiendraient pas compte, contrairement à ce qu'avance le requérant, de la majoration pour charges de famille.

9. En quatrième lieu, M. C...fait valoir que les estimations des organismes de retraite CARSAT et IRCANTEC sur lesquelles l'administration s'est fondée pour établir le préjudice qu'il avait subi ne pouvaient être retenues en l'état dès lors qu'elles avaient été établies en juin 2015 et janvier 2016 en l'absence de toute actualisation des cotisations et d'application de revalorisation à la date du versement à venir. Cependant, en se bornant à demander l'application des dispositions du II de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, notamment les points 1° et 3°, l'intéressé ne soumet pas au juge des référés des éléments d'information suffisants pour lui permettre d'établir avec un degré suffisant de certitude l'existence d'une obligation non sérieusement contestable.

10. En cinquième et dernier lieu, M. C...fait valoir que le premier juge aurait commis une erreur de droit en considérant que son préjudice correspondant aux pensions de la CARSAT devait être calculé à la date du 1er janvier 2013 et non au 1er juin 2012, date à laquelle il était en droit de prétendre à une retraite à taux plein. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 8 juin 2015 par lequel la CARSAT Nord-Est a communiqué au ministre de l'agriculture les éléments d'information relatifs à la régularisation de la situation du requérant, que sa date de départ à la retraite du régime général avait été fixée au 1er janvier 2013. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a fixé à cette date le point de départ pour le calcul du montant de l'indemnité de pension due à M. C...au titre de son activité salariée.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a retenu la fraction du montant de la provision qu'il sollicite, comme présentant un caractère de certitude suffisant, à la somme de 131 881,54 euros. Par suite, sa requête tendant à l'annulation de cette ordonnance ne peut qu'être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B...C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Fait à Nancy, le 29 mars 2017.

La présidente de la Cour

Signé : Françoise SICHLER

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

Le Greffier en chef,

Jean-Pierre Bontemps

4

16NC02651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 16NC02651
Date de la décision : 29/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-29;16nc02651 ?
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