Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement les sociétés Demathieu et Bard Groupe et Demathieu Bard Construction à lui verser :
1°) une provision de 767 200 euros HT au titre des pénalités contractuelles pour non remise de documents ;
2°) une provision de 2 142 579 euros HT au titre des pénalités de retard dans l'avancement des tâches de gros oeuvre et de fondations ;
3°) une provision de 26 100 euros HT au titre des pénalités de retard relatives aux locaux témoins ;
4°) une provision de 2 939 979,32 euros HT au titre de l'excédent de dépenses résultant de la passation d'un marché de travaux pour l'exécution aux frais et risques d'une partie du marché du groupement ;
Par une ordonnance n° 1401954 du 19 juillet 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, d'une part, mis hors de cause la société Demathieu Bard Groupe et, d'autre part, condamné la société Demathieu Bard Construction à verser au CHRU de Besançon une somme totale de 5 269 263,72 euros HT, à titre de provision, et une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2016, et des mémoires enregistrés les 13 décembre 2016 et 24 janvier 2017, la société Demathieu Bard Construction, représentée par la Selarl Altana, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon à l'exception de son article 1er ;
2°) de condamner le CHRU de Besançon à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy était compétent, en application de l'article R. 541-5 du code de justice administrative, pour connaître de la demande en référé provision du CHRU ;
- le juge du fond a considéré que le principe d'unicité du décompte général rendait irrecevable toute demande se rapportant au décompte ;
- l'irrecevabilité des demandes du CHRU devant le juge du fond l'empêche de présenter les mêmes demandes devant le juge du référé provision ;
- le juge du référé provision ne peut passer outre le jugement d'irrecevabilité rendu au fond, et confirmé en appel, sur ces demandes ;
- le raisonnement du CHRU est contradictoire ;
Sur le caractère sérieusement contestable des provisions sollicitées :
A titre principal :
- le premier juge a commis une erreur de fait et de droit en postulant, à tort, que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 19 avril 2016 était revêtu de l'autorité de la chose jugée dans la mesure où elle a formé un pourvoi contre cet arrêt ;
- le juge du référé provision, en l'absence d'une décision définitive, ne pouvait pas considérer que l'imputabilité de l'inexécution du marché ne faisait plus l'objet de débat ;
- le juge du référé a outrepassé sa compétence qui doit se limiter, en tant que juge de l'évidence, à examiner le caractère contestable d'une créance, sans trancher par ailleurs des questions de fond ;
- eu égard à la complexité des éléments de fait et de droit en cause, les provisions sollicitées par le CHRU sont revêtues d'un caractère sérieusement contestable tant que l'affaire n'a pas été tranchée devant le juge du fond ;
- les provisions sollicitées sont, dans leur principe, sérieusement contestables en raison du caractère contestable de la décision de résiliation aux frais et risques ;
A titre subsidiaire :
- la provision sollicitée au titre du surcoût du marché de substitution revêt un caractère sérieusement contestable dans la mesure où elle a été destituée officiellement de sa qualité de mandataire par décision du 22 juillet 2013 du maître d'ouvrage ;
- le montant sollicité par le CHRU au titre du surcoût du marché de substitution est contestable dès lors que celui-ci doit payer les sommes dues pour l'exécution des travaux ;
- les pénalités de retard sont contestables dès lors qu'une telle demande méconnaît les règles de droit applicables ;
- les pénalités de retard ne peuvent être appliquées en l'absence d'un planning d'exécution contractuel des travaux ;
- les pénalités de retard ne pouvaient être appliquées, en tout état de cause, qu'au regard de la seule durée globale du marché ;
- elle était en droit d'obtenir une prolongation du délai d'exécution de son marché en application des stipulations de l'article 19.3.1 du cahier des clauses administratives du marché ;
- le premier juge a statué ultra petita en la condamnant à verser au CHRU une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 octobre 2016 et 29 janvier 2017, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Demathieu Bard Construction ;
2°) de confirmer l'ordonnance du 19 juillet 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;
3°) de condamner la société Demathieu Bard Construction à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
Sur la recevabilité de sa demande de provision présentée devant le tribunal administratif :
- le tribunal administratif de Besançon, comme la cour administrative d'appel de Nancy ont décidé qu'il n'y avait pas lieu d'établir le décompte général puisque la décision d'exécution aux frais et risques était régulière et bien fondée ;
- si ses demandes subsidiaires ont été déclarées irrecevables car prématurées, il n'y a pas de décision d'irrecevabilité qui s'impose au juge des référés provision ;
- le juge des référés peut faire droit à une demande de provision alors même que le marché n'aurait pas fait l'objet d'un décompte définitif ;
Sur le caractère non sérieusement contestable des obligations :
- le juge des référés du tribunal administratif de Besançon ne s'est pas fondé sur l'arrêt de la cour administrative d'appel ;
En ce qui concerne l'excédent des dépenses dû à l'exécution aux frais et risques des pénalités de retard :
- la société Demathieu Bard Construction, en ne reprenant pas les travaux dont elle avait la charge malgré un ordre de service et une mise en demeure, a commis une faute grave justifiant pleinement la décision d'exécution partielle de son marché aux frais et risques ;
- le marché confié à l'entreprise ayant repris les travaux a fait l'objet d'un décompte général et définitif le 21 mars 2016 :
- la somme due par la société Demathieu Bard Construction, du fait de l'exécution aux frais et risques de son marché, est de 898 338,28 euros de TVA et 4 491 691,42 euros HT d'excédent de dépenses ;
- il y a identité entre le marché passé aux frais et risques et le marché initial ;
- dés lors que l'exécution aux frais et risques d'une partie du marché est régulière et bien fondée et à condition que le nouveau marché soit identique, tous les excédents de dépenses sont mis à la charge de l'entreprise défaillante ;
- la mise en demeure comme l'exécution aux frais et risques précisait explicitement que l'excédent de dépenses serait " porté au débit de la part du 1er contractant ", à savoir la société Demathieu Bard Construction ;
- la déchéance du rôle de mandataire dont a fait l'objet la société requérante, n'a pas eu pour effet d'annuler la décision d'exécution aux frais et risques ou de modifier la structure du marché ;
En ce qui concerne les pénalités applicables :
- le marché de conception-réalisation confié à la société Demathieu Bard Construction faisait explicitement référence à un calendrier d'exécution ;
- tout document pouvant être interprété comme un document contractuel en fonction de la commune intention des parties doit être considéré comme tel ;
- le cahier des clauses administratives prévoit que des pénalités peuvent être appliquées sur chaque tâche du calendrier ;
- aucun avenant n'a prévu une prolongation des délais d'exécution des travaux ;
- la société Demathieu Bard Construction n'a jamais démontré que les difficultés rencontrées étaient imprévues, insurmontables ou exceptionnelles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 7 janvier 2011, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon a confié à un groupement d'entreprises ayant pour mandataire la SA Demathieu et Bard, la conception et la réalisation d'un bâtiment destiné à regrouper l'institut régional fédératif du cancer et ses laboratoires pour un montant global et forfaitaire de 47 454 184,42 euros TTC. Lors de l'exécution des travaux, la société Demathieu et Bard, estimant être confrontée à des sujétions techniques imprévues, a demandé au maitre d'ouvrage de prendre en charge l'incidence financière de ces sujétions. Le CHRU ayant rejeté cette demande, l'entreprise a, en dépit de la mise en demeure qui lui avait été adressée le 30 mai 2012, refusé de reprendre les travaux qu'elle avait arrêtés dans l'attente de la décision du CHRU. Ce dernier a décidé, le 28 juin 2012, de faire exécuter une partie du marché aux frais et risques du groupement attributaire. Ces travaux ont été confiés à l'entreprise générale Verazzi-Campenon Bernard Franche-Comté par un marché du 23 janvier 2013.
2. Entretemps, et pour sanctionner le retard de l'entreprise dans l'exécution des travaux de fondations et de construction du local témoin, un ordre de service n° 12 du 20 juillet 2012 a mis à sa charge des pénalités d'un montant de 2 466 247,92 euros. Le même jour, un ordre de service n° 13 a mis à sa charge des pénalités d'un montant de 1 131 200 euros au titre du retard dans la remise des plans d'exécution des niveaux R-2, R-1 et RDC ainsi que des travaux de synthèse R-2, R-1 et RDC.
3. Par jugement du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, rejeté la demande de dommages-intérêts, présentée au fond par la SA Demathieu et Bard, liée à la mesure coercitive mise en oeuvre à son encontre et, d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser le solde du marché et à la décharge des pénalités en se fondant sur l'absence de décompte général et définitif du marché. Il a également rejeté, pour le même motif, les conclusions reconventionnelles du centre hospitalier tendant à la condamnation de la SA Demathieu et Bard au versement des pénalités de retard et à une somme correspondant aux excédents des dépenses engagées pour la conclusion du marché de substitution. Par arrêt du 19 avril 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de la société Demathieu et Bard tendant à l'annulation de ce jugement. Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat, enregistré le 23 juin 2016 sous le n° 400915.
4. Dans la présente instance, la société Demathieu Bard construction, intervenant au lieu et place de la société Demathieu et Bard, interjette appel de l'ordonnance du 19 juillet 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser au CHRU de Besançon une provision d'un montant total de 5 269 263,72 euros HT au titre de diverses pénalités et de l'excédent de dépenses résultant de la passation d'un nouveau marché.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
En ce qui concerne la compétence du juge des référés du tribunal administratif de Besançon :
5. Aux termes de l'article R. 541-5 du code de justice administrative : " A l'occasion de litiges dont la cour administrative d'appel est saisie, le président de la cour ou le magistrat désigné par lui dispose des pouvoirs prévus à l'article R. 541-1(...) ". La société Demathieu Bard Construction soutient qu'en application de ces dispositions, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon s'est estimé compétent pour connaître de la demande de référé provision du CHRU de Besançon.
6. Il résulte de l'instruction que le 26 décembre 2014, date à laquelle le CHRU a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon de sa demande de provision, la cour administrative d'appel de Nancy avait été saisie d'une requête de la société Demathieu Bard Construction, enregistrée le 11 août 2014, tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif du 19 juin 2014 dans l'instance opposant cette société au CHRU de Besançon et relative à l'exécution du marché décrit au point 1. Toutefois, le CHRU de Besançon n'ayant pas présenté de conclusions d'appel incident dans cette instance, le litige soumis à la Cour était circonscrit aux seules conclusions présentées par l'entreprise, à savoir le paiement d'une somme de 10 663 055,86 euros au titre des sommes dues en exécution du marché et des préjudices que l'entreprise estimait avoir subis en raison de la décision de mise aux frais et risques d'une partie du marché ainsi que la décharge des pénalités s'élevant à 3 597 447,92 euros.
7. Lors de l'introduction de la requête en référé provision présentée devant le tribunal administratif de Besançon par le CHRU, la cour n'était donc pas saisie en appel des conclusions présentées par le centre hospitalier dans l'instance jugée le 19 juin 2014 par le tribunal administratif, tendant à la condamnation de la société Demathieu Bard à lui verser les sommes de 4 272 800 euros et 5 938 385,95 euros au titre des pénalités de retard ainsi que la somme de 4 378 668,23 euros correspondant aux excédents de dépenses engagées pour la conclusion du marché de substitution. Dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a été régulièrement saisi par le CHRU de Besançon de sa demande tendant à l'octroi d'une provision.
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le premier juge aurait statué ultra petita :
8. La société Demathieu Bard construction soutient que le juge des référés du tribunal administratif a statué ultra petita en mettant à sa charge, par l'article 3 de son ordonnance, une somme de 2 000 euros à verser au CHRU de Besançon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que si le centre hospitalier avait, dans sa requête introductive d'instance, sollicité le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, il avait, par des mémoires enregistrés au greffe du tribunal administratif les 15 juin et 10 novembre 2015, chiffré cette somme à 3 000 euros. Par suite, le premier juge n'a pas statué ultra petita en mettant à la charge de la société Demathieu Bard construction une somme de 2 000 euros à ce titre.
Sur la recevabilité de la demande du centre hospitalier devant le juge des référés du tribunal administratif :
9. Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné à l'une des parties au marché de verser à son cocontractant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi. La circonstance que le juge du fond ait considéré que le principe d'unicité du décompte général rendait irrecevable toute demande se rapportant au décompte est, comme l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, sans incidence sur l'office du juge du référé provision quant à l'examen d'une demande présentée par l'une des parties au marché tendant à la condamnation de son cocontractant au versement d'une provision et alors même que le marché litigieux a fait l'objet, de la part de l'entreprise, d'un projet de décompte final au cours de la présente instance.
Sur le principe de la provision :
10. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
11. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles. Il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d'ouvrage de travaux publics qui a vainement mis en demeure son cocontractant d'exécuter les prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ou par lui-même.
12. Il résulte de l'instruction qu'en 2009, date à laquelle le CHRU de Besançon a choisi de lancer un marché de conception réalisation d'un nouveau bâtiment en vue de regrouper diverses activités, les documents du marché attiraient l'attention des candidats sur le caractère hétérogène du terrain et mettaient à la charge de l'attributaire du marché une étude géotechnique complémentaire et les sujétions techniques découlant dudit terrain. Le groupement dont la société Demathieu et Bard, entreprise de réalisation de travaux, était mandataire a déposé une offre que le maître d'ouvrage a souhaité approfondir compte tenu du coût annoncé du poste " fondation ". Le groupement a alors confirmé par écrit que son offre globale et forfaitaire resterait inchangée tant du point de vue financier que du délai et ce, quels que soient les résultats des sondages complémentaires du sol, la nature du terrain rencontré, la technique du forage utilisée, la dimension des fondations profondes utilisées ou les sujétions d'exécution rencontrées.
13. Dès lors, comme l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, la société Demathieu et Bard ne pouvait utilement prétendre être exposée à des sujétions techniques imprévues du fait de la découverte des dimensions importantes d'une doline pour justifier l'inexécution de ses obligations contractuelles et notamment celles relatives à la reprise des travaux de fondations. En outre, cette société n'établit pas les manquements intentionnels qu'elle impute au maître d'ouvrage liés, lors de la conclusion initiale du marché, à une rétention d'informations sur les caractéristiques géologiques du site et à l'absence d'étude géotechnique.
14. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de reprendre les travaux de fondations, en inexécution de ses obligations contractuelles, la société Demathieu et Bard a commis une faute de nature à justifier à elle seule la décision d'exécution aux frais et risque du marché mise en oeuvre, conformément aux stipulations de l'article 49 du cahier des clauses administratives, par le maître d'ouvrage. Ce dernier était, dès lors, fondé à tirer les conséquences de cette situation en exigeant l'application de pénalités de retard et la mise à la charge de l'entreprise du surcroît de dépenses liées au nouveau marché qui constituent des obligations susceptibles de faire l'objet de demandes d'octroi de provisions.
Sur le bien-fondé des demandes de provision portant sur les pénalités :
15. Il résulte de l'instruction qu'en cours d'exécution du marché, le groupement attributaire du marché a communiqué, le 29 novembre 2011, à l'assistant technique du maître d'ouvrage (ATMO) et au maître d'ouvrage un calendrier d'exécution détaillé indice E, se substituant à un calendrier précédent du 2 juillet 2010, qui tous deux constituaient des documents contractuels du marché en application des stipulations combinées des articles 3.1 et 19.1 du cahier des clauses administratives générales. Dès lors, les pénalités de retard applicables à l'entreprise doivent être déterminées au regard du calendrier du 29 novembre 2011 plus détaillé que le précédent.
16. Aux termes de l'article 19.3.1. du cahier des clauses administratives : " Lorsqu'un changement de la masse des études ou des travaux, une modification de l'importance de certaines natures d'ouvrages, une substitution des ouvrages initialement prévus d'ouvrages différents, une rencontre des difficultés imprévues au cours du chantier, un ajournement d'études ou travaux décidé par le maître d'ouvrage ou encore un retard dans l'exécution d'opérations préliminaires qui sont à la charge du maître de l'ouvrage ou de travaux préalables qui font l'objet d'un autre marché, justifie soit une prolongation du délai d'exécution de l'ensemble des travaux ou d'une ou plusieurs tranches de travaux, soit le report du début des études ou des travaux, l'importance de la prolongation ou du report est débattue par l'assistant technique au maître d'ouvrage et le groupement, puis elle est soumise à l'approbation du maître d'ouvrage, et la décision prise par celle-ci se concrétise par la signature d'un avenant. ".
17. A la suite de la découverte de la doline, la société Demathieu Bard Construction a remis le 23 mars 2012 un mémoire de réclamation au maître d'ouvrage par lequel elle sollicitait la passation d'un avenant afin de prendre en compte les conséquences de cette situation en termes de délai et de coût.
18. Comme il a été dit au point 12, le groupement attributaire s'était engagé sur son offre globale et forfaitaire, tant d'un point de vue financier que de délai, quels que fussent les résultats des sondages complémentaires du sol, la nature du terrain rencontré, la technique du forage utilisée, la dimension des fondations profondes utilisées et les sujétions d'exécutions rencontrées. Dès lors, le groupement ne pouvait bénéficier, du fait du caractère global et forfaitaire inconditionnel de son engagement, d'une prolongation du délai d'exécution des travaux de fondation en application des stipulations de l'article 19.3.1. du cahier des clauses administratives.
En ce qui concerne les pénalités pour non remise de documents :
19. Aux termes de l'article 20.6.1 du cahier des clauses administratives : " En cas de retard dans la remise de documents nécessaires à l'ordonnancement ou à la coordination des travaux (...) ou des travaux de synthèse une retenue de 200 euros H.T. (...) par document et par jour calendaire de retard peut être appliquée. (...) ".
20. Le calendrier d'exécution du 29 novembre 2011 prévoyait la remise des plans relatifs aux études EXE des corps d'état technique et de synthèse du niveau R-2 au 28 mars 2012 et celle des mêmes types de plans du niveau R-1 au 14 mai 2002, soit 28 plans par niveau. Les pénalités couraient de plein droit au moins jusqu'à la date à laquelle le centre hospitalier a décidé la mise en régie du marché le 29 juin 2012, soit 92 jours pour les documents du niveau R-2 et 45 jours pour ceux du niveau R-1.
21. C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l'obligation dont se prévaut le centre hospitalier n'est pas sérieusement contestable à concurrence d'une somme de (28x92x200) + (28x45x200) = 767 200 euros HT.
En ce qui concerne les pénalités pour retard de livraison :
22. Aux termes de l'article 20.1.1 du cahier des clauses administratives : " En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tâche du calendrier d'exécution, il est appliqué une pénalité journalière de 1/3 000ème du montant de l'ensemble du marché conception-réalisation. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis à l'article 13.1.1. (...) ". Aux termes de l'article 20.8 : " Une pénalité de 300 euros par jour calendaire est appliquée en cas de retard dans la livraison des locaux témoins. ".
23. Il résulte de l'instruction, notamment du calendrier indice E du 29 novembre 2011 que les 72 fondations superficielles devaient être effectuées du 18 janvier 2012 au 2 mars 2012, les 73 sondages géotechniques aux points d'appui devaient l'être du 18 janvier 2012 au 9 mars 2012 et que les 74 fondations profondes pieux tubés devaient l'être du 13 février au 28 mars 2012. Dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a considéré, en application des stipulations précitées de l'article 20.1.1 du cahier des clauses administratives et pour la période du 2 mars 2012, fin prévue de la première tranche d'exécution, au 29 juin 2012, date de la mise en régie, que le montant non sérieusement contestable, dû par la société Demathieu Bard Construction au titre des pénalités de retard en raison de l'absence de réalisation de ces tâches, se chiffrait à la somme de 1 560 644,40 euros HT.
24. Le retard de six jours retenu par le premier juge pour la livraison des locaux témoins n'étant pas formellement contesté, la part non contestable du montant des pénalités dû par la société Demathieu Bard Construction à ce titre s'élève à la somme de 1 800 euros HT.
Sur le bien-fondé de la demande de provision portant sur l'excédent des dépenses résultant de la passation d'un nouveau marché :
25. Aux termes de l'article 49.6 du cahier des clauses administratives générales : " Les excédents de dépenses qui résultent de la régie ou du nouveau marché sont à la charge du mandataire du groupement (...) ".
26. Si la société Demathieu Bard Construction fait enfin valoir qu'elle a été destituée de sa qualité de mandataire par une décision du 22 juillet 2013 du maître d'ouvrage et qu'il incombe au nouveau mandataire, appelé coordonnateur, de supporter les excédents de dépense résultant de la régie, il résulte de l'instruction que cette destitution, intervenue à la suite d'une mise en demeure, est la conséquence du refus de la société requérante d'assumer sa mission de mandataire en tant que coordonateur. La SAS AIA Associés, autre entreprise du groupement, à qui le maître d'ouvrage a confié la mission de coordonateur du groupement, n'a pas de mandat de représentation et n'est chargée que de la transmission à l'ATMO des documents nécessaires à l'exécution du marché et de la coordination des prestations des membres du groupement. L'exécution aux frais et risques décidée par le centre hospitalier reste donc portée au débit de la société requérante, premier cotraitant du groupement, tel que stipulé dans l'annexe 3 de l'acte d'engagement et précisé dans la décision du 29 mai 2012 la mettant en demeure de reprendre les travaux.
27. Le centre hospitalier de Besançon était donc fondé à demander que la société Demathieu et Bard défaillante, et dont le marché a été à bon droit partiellement résilié à ses frais et risques, supporte les conséquences onéreuses de cette décision, notamment les excédents de dépenses du nouveau marché.
28. Il résulte de l'instruction que le décompte général et définitif de l'entreprise générale Verazzi-Campennon Bernard Franche-Comté, à qui a été attribué le marché de substitution, a été établi le 11 mars 2016 pour un montant total de 42 931 058,54 euros HT. Devant le premier juge, le centre hospitalier a demandé que lui soit versée une provision calculée au regard de la seule part, dans ce montant, des travaux de fondations et de gros oeuvre que cette entreprise a réalisés au lieu et place de la société Demathieu et Bard, comparés à la part des mêmes travaux dans le montant total du marché initial incluant les ordres de service, actualisée au mois de novembre 2012.
29. Au vu des éléments soumis par les parties, ce surcoût est de nature, dans son principe, à établir avec un degré suffisant de certitude l'existence de l'obligation dont se prévaut le centre hospitalier à ce titre, alors même que le marché de substitution, conclu à prix global et forfaitaire, ne serait pas un marché de conception- réalisation. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, le montant de 2 939 979,32 euros HT retenu par le premier juge, au vu des pièces du dossier, pour allouer une provision au centre hospitalier revêt, en l'état de l'instruction un caractère de certitude suffisant.
30. Il résulte de tout ce qui précède que la société Demathieu Bard Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser au CHRU de Besançon une provision d'un montant total de 5 269 623,72 euros HT.
Sur les conclusions rendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHRU de Besançon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Demathieu Bard Construction demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Demathieu Bard Construction une somme de 2 000 euros qui sera versée au CHRU de Besançon sur le fondement des mêmes dispositions.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société Demathieu Bard Construction est rejetée.
Article 2 : La société Demathieu Bard Construction versera au CHRU de Besançon une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Demathieu Bard Construction et au centre hospitalier régional universitaire de Besançon.
Fait à Nancy, le 3 février 2017.
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16NC01712