Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2009 ;
Par un jugement n° 1300614 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 20 novembre 2015, M. et MmeC..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300614 du tribunal administratif de Besançon du 29 janvier 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les impositions en litige sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'administration a mis en oeuvre des moyens d'investigation qui excèdent ceux d'un simple contrôle sur pièces et révèlent une vérification des comptabilités de la SCI Valdi et de la SCI Monet les Côtes ; dès lors, le vérificateur ne leur a pas accordé l'ensemble des garanties qui s'attachent aux vérifications de comptabilité ;
- en s'abstenant de mentionner dans la proposition de rectification les demandes de communication adressées à la société Podium, l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale n'établit pas l'existence, le montant et l'appréhension des revenus distribués à M.C... ; en particulier, la circonstance que M. C...avait le pouvoir sur les comptes de la société ne saurait être tenue pour une preuve de l'appréhension des sommes correspondantes par l'intéressé ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré M. C...comme ayant bénéficié de revenus distribués en ce qui concerne l'avantage en nature relatif à l'utilisation privative du véhicule Skoda Octavia dès lors que l'intéressé a indemnisé la société à hauteur de 1 200 euros pour cet avantage ;
- l'administration a méconnu le principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu en confondant les revenus distribués au titre des années 2006 et 2007 ;
- en se bornant à énumérer les différents chefs de rectification en litige, l'administration a méconnu l'obligation de motivation découlant de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 en ce qui concerne l'élément intentionnel du manquement ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré du manquement reproché ;
- le principe de la présomption d'innocence tel qu'il est consacré à l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales fait obstacle au maintien des pénalités qui lui ont été infligées eu égard aux doutes relatifs au caractère délibéré du manquement ;
- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le service n'a procédé à aucune vérification de la comptabilité des sociétés civiles Valdi et Monet les Côtes ;
- l'administration a respecté les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que la teneur des informations obtenues a été indiquée dans les propositions de rectification adressées à la société ;
- l'appréhension des sommes réputées distribuées à M. C...tient au fait qu'elles correspondent soit à des dépenses strictement personnelles, soit à des charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise et payées par M.C..., qui avait seul pouvoir sur les comptes bancaires de la société ;
- le service a annualisé les montants des revenus distribués en litige ;
- l'avantage en nature correspondant à la mise à disposition d'un véhicule Skoda est incontestable ;
- eu égard à l'activité d'expertise-comptable exercée par M. C...et au nombre important d'opérations injustifiées, les manquements relevés présentaient bien un caractère délibéré ;
- le moyen tiré de l'invocation du doute au regard l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- le fait d'avoir mentionné en comptabilité que l'opération d'un montant de 1 771,90 euros correspondait à des travaux réalisés dans les locaux de la SCI Monet les Côtes, alors qu'ils avaient été faits au domicile des épouxC..., est de nature à caractériser une manoeuvre destinée à égarer l'administration ;
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Di Candia,
- et les conclusions de Mme Guidi, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme C...ont été assujettis, à l'issue d'une procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des contributions sociales supplémentaires au titre des années 2007 à 2009, majorées des intérêts de retard ainsi que des pénalités de 40 % et de 80 % prévues par l'article 1729 du code général des impôts ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 29 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) " ; que lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité ; qu'en revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude ; que l'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme C...soutiennent que les impositions en litige procèdent non pas d'un contrôle sur pièces mais d'une vérification des comptabilités des SCI Valdi et Monet les Côtes, sans que l'administration leur ait accordé les garanties attachées à cette procédure ; qu'il résulte cependant de l'instruction, notamment des termes mêmes de la proposition de rectification du 10 octobre 2010 adressée à la SCI Valdi, dont M. C...est le gérant, que la remise en cause des résultats déclarés par ladite société au titre de l'année 2008 procède, en ce qui concerne la remise en cause du caractère déductible des dépenses d'entretien réalisées, des déclarations déposées par cette dernière, des renseignements obtenus auprès d'elle et d'informations obtenues auprès du fournisseur des travaux ; que selon la proposition de rectification du 15 novembre 2010 adressée à la SCI Monet les Côtes, dont M. C... est également le gérant, la remise en cause de la déductibilité des charges locatives et des frais de gestion et d'administration déclarés par ladite société procède des déclarations déposées par cette dernière ainsi que des informations obtenues auprès de l'agence immobilière gérant le bien ; que dans ces conditions, alors que M. et Mme C...n'identifient aucune opération pouvant être regardée comme caractéristique d'un examen sur place des documents comptables des SCI Valdi et Monet les Côtes, le moyen précité doit être écarté comme manquant en fait ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander leur communication ;
5. Considérant que M. et Mme C...font valoir que la proposition de rectification du 20 décembre 2010 qui leur a été notifiée ne fait pas référence aux renseignements obtenus par le service auprès de la SARL Podium dans le cadre du droit de communication ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes de cette proposition de rectification que l'administration a usé de son droit de communication auprès de la SARL Podium le 26 janvier 2010 ; qu'elle y a mentionné l'origine et la teneur des documents obtenus en indiquant avoir reçu de cette société la copie des factures émises à l'attention de la SAS C...Cabinet Comptable, le détail des articles vendus et en relevant que le dirigeant de la SARL Podium avait précisé que M. C... avait demandé la production de factures ne comportant pas le libellé précis des biens livrés ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales manque en fait ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
6. Considérant que les impositions en litige, établies selon la procédure contradictoire, ont été contestées par M. et Mme C...dans le délai légal ; que dans ces conditions, il incombe à l'administration de prouver, d'une part, l'existence des bénéfices qui auraient été distribués par la société, et, d'autre part, le montant des sommes qui auraient été attribuées personnellement à M. C... ;
7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes " ; qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) " ;
8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, d'une part que la SAS C...Cabinet Comptable a établi son bénéfice net sous déduction de sommes correspondant à des dépenses comptabilisées deux fois, à des pièces comptables non présentées ou non conformes, d'autre part que le service a refusé d'admettre en déduction des résultats des exercices clos les 30 juin 2007, 30 juin 2008 et 30 juin 2009 de la SAS C...Cabinet Comptable diverses sommes correspondant à des achats divers, des frais de téléphone, de déplacements, des achats de chèques emplois services au motif que ces dépenses revêtaient un caractère personnel ; que, s'agissant de la nature de ces dernières dépenses, l'administration doit être regardée comme justifiant que les dépenses en cause constituaient des revenus distribués ; que pour le surplus, en relevant que M. C..., qui était le maître de l'affaire dès lors qu'il avait le pouvoir sur les comptes de la société et qui ne conteste pas sérieusement la distribution à son profit de recettes non déclarées, l'administration doit être regardée comme ayant démontré que les sommes en cause devaient également être regardées comme des revenus distribués à M.C... ; que M. et Mme C... n'apportent aucun élément de nature à contredire les éléments retenus par l'administration ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la SAS C...Cabinet Comptable a établi son bénéfice net sous déduction de sommes correspondant à l'avantage en nature constitué de l'utilisation privative faite par M.C... d'un véhicule Skoda appartenant à la société ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme ayant démontré que les sommes en cause avaient le caractère de revenus distribués ; que si les requérants, qui ne contestent pas l'utilisation privative du véhicule par M.C..., soutiennent que celui-ci a indemnisé la société à hauteur de 1 200 euros, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations ;
10. Considérant, en dernier lieu, que l'administration a distingué, dans la proposition de rectification du 20 décembre 2010, les revenus distribués du 1er janvier 2007 au 30 juin 2007, puis ceux du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2007 ; que, dans ces conditions, le moyen de M. et Mme C... tiré de ce que l'administration aurait méconnu le principe d'annualité de l'impôt manque en fait ;
Sur les pénalités :
11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) -infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée (...), la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;
En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré :
12. Considérant que l'administration a justifié les rehaussements en litige par la réitération d'erreurs comptables commises au sein de la SAS C...Cabinet Comptable, comparables aux erreurs constatées au cours d'un précédent contrôle fiscal, dont l'objet portait sur la prise en charge de dépenses engagées au profit de M.C..., gérant de la société, et dont la nature ne pouvait échapper à la société, spécialisée en matière d'expertise comptable ; que les faits relevés par le service mettent en évidence l'importance et le caractère répétitif des omissions constatées et traduisent, en l'espèce, la volonté délibérée, de la part de la société et de M.C..., son gérant, d'éluder une partie de l'impôt dû ; que l'administration doit dès lors être regardée comme apportant la preuve du caractère délibéré des manquements commis par la société et du bien-fondé des pénalités ; que par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et de l'absence de justification des pénalités pour manquement délibéré doivent être écartés ;
13. Considérant que pour les mêmes raisons, l'application des pénalités en cause ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe de présomption d'innocence posé par les stipulations du 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée, aux termes duquel : " Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie " ;
En ce qui concerne les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
14. Considérant que l'administration a appliqué une majoration de 80 % sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts aux rectifications litigieuses relatives aux achats réalisés auprès de la SARL Podium pour lesquels M. C...a demandé que les factures portent la mention " fournitures de bureau-papeterie " en lieu et place des libellés précis des biens livrés ; que contrairement à ce que soutiennent les requérants, une telle demande révèle l'existence d'un procédé destiné à égarer ou restreindre le pouvoir de vérification de l'administration ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a assujetti M. et Mme C...à une majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses à raisons des rectifications concernées ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et au ministre des finances et des comptes publics.
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15NC00561