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07/06/2012 | FRANCE | N°11NC01768

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Formation plenière, 07 juin 2012, 11NC01768


Vu la requête n° 11NC01768, enregistrée le 14 novembre 2011, complétée par un mémoire en production en date du 23 mai 2012, présentée par le PREFET du BAS-RHIN ;

Le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005397-1103206 en date du 13 octobre 2011 en tant que le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 17 mars 2011 par lequel il a refusé de délivrer à M. un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer

l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans ...

Vu la requête n° 11NC01768, enregistrée le 14 novembre 2011, complétée par un mémoire en production en date du 23 mai 2012, présentée par le PREFET du BAS-RHIN ;

Le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005397-1103206 en date du 13 octobre 2011 en tant que le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 17 mars 2011 par lequel il a refusé de délivrer à M. un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. ;

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- s'agissant de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 22 février 2010 créant la commission du titre de séjour du Bas-Rhin : elle est régulièrement composée ;

- s'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation : il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conditions de son séjour en France, au maintien de liens réguliers avec son pays d'origine, et à son contrat de travail ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est suffisamment motivée au regard de l'article 12 de la directive n°2008/115/CE ;

- l'exception d'illégalité du refus de titre doit être écartée ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2012, complété par des mémoires en production en date des 1er mars, 16 et 18 mai 2012, présenté pour M. Quan , demeurant ..., par Me Mengus, avocat ;

M. conclut :

- avant dire droit, au renvoi à la Cour de Justice de l'Union Européenne aux fins de répondre à la question : " les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour sont-elles compatibles et conformes aux exigences posées par l'article 12 de la directive 2008/115/CE ;

- d'ordonner le sursis à statuer sur le recours jusqu'à ce que la Cour de Justice se soit prononcée ;

- de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat aux fins de rendre un avis sur les deux questions suivantes :

* " un magistrat de l'ordre administratif peut-il être désigné par le Préfet au titre de " personne qualifiée " pour siéger au sein de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 321-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 modifiant ledit article qu'il est essentiel, pour une bonne administration de la justice, d'écarter tout juge administratif de la composition de ladite commission '

* un représentant de la police aux frontières, qui dispose d'une délégation de signature du préfet dans le cadre des procédures de reconduite à la frontière, peut-il être désigné par le Préfet au titre de " personnalité qualifiée " pour siéger au sein de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 321-1 du code de l'entrée et du séjour alors même qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 modifiant ledit article que le but de la commission du titre de séjour est de faire examiner la situation des étrangers par des personnalités présentant une indépendance totale avec le préfet ' "

- au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'avis rendu par la commission du titre de séjour est irrégulier dès lors que sa composition est irrégulière; l'article 21 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 y a supprimé la présence de tout magistrat ; or, le préfet a désigné un magistrat administratif au titre de " personne qualifiée " tel que prévue par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en outre, un membre de la police de l'air et des frontières fait également partie de ladite commission alors que l'esprit de la loi, ainsi que cela résulte des travaux parlementaires, vise des personnalités totalement indépendantes de la préfecture ; le maire désigné n'est que le suppléant de celui figurant sur l'arrêté, et sa désignation ne relève pas du préfet mais de l'association des maires du Bas-Rhin ; par suite, la composition de ladite commission n'est pas impartiale et indépendante ;

- il est bien intégré économiquement et socialement dans la société française où il dispose de nombreuses attaches privées, qui ne sont pas seulement issues de l'immigration chinoise ; il exerce actuellement la profession de cuisinier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; il suit des cours de français tant à l'Alliance française de Grenoble qu'à l'université ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée et ce en méconnaissance de l'article 12 § 1 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors qu'elle ne comporte aucun motif spécifique susceptible de justifier le délai de l'obligation de quitter le territoire français ;

- à titre subsidiaire, il demande que la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne pour savoir si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont compatibles et conformes avec les exigences de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

II) Vu la requête n° 11NC01769, enregistrée le 14 novembre 2011, complétée par un mémoire en production en date du 23 mai 2012, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ;

Le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :

- de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement n° 1005397-1103206 en date du 13 octobre 2011 en tant que le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 17 mars 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. , l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif a considéré que la décision litigieuse méconnaît le droit de M. au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement dont il est demandé le sursis à exécution ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2012, complété par des mémoires en production en date des 16 et 18 mai 2012, présenté pour M. Quan , demeurant ..., par Me Mengus, avocat ;

M. conclut :

- avant dire droit, au renvoi à la Cour de Justice de l'Union Européenne aux fins de répondre à la question : " les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour sont-elles compatibles et conformes aux exigences posées par l'article 12 de la directive 2008/115/CE ;

- d'ordonner le sursis à statuer sur le recours jusqu'à ce que la Cour de Justice se soit prononcée ;

- de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat aux fins de rendre un avis sur les deux questions suivantes :

* " un magistrat de l'ordre administratif peut-il être désigné par le Préfet au titre de " personne qualifiée " pour siéger au sein de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 321-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 modifiant ledit article qu'il est essentiel, pour une bonne administration de la justice, d'écarter tout juge administratif de la composition de ladite commission '

* un représentant de la police aux frontières, qui dispose d'une délégation de signature du préfet dans le cadre des procédures de reconduite à la frontière, peut-il être désigné par le Préfet au titre de " personnalité qualifiée " pour siéger au sein de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 321-1 du code de l'entrée et du séjour alors même qu'il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 modifiant ledit article que le but de la commission du titre de séjour est de faire examiner la situation des étrangers par des personnalités présentant une indépendance totale avec le préfet ' "

- au rejet de la requête aux fins de sursis et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'avis rendu par la commission du titre de séjour est irrégulier dès lors que sa composition est irrégulière ; l'article 21 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 y a supprimé la présence de tout magistrat ; or, le préfet a désigné un magistrat administratif au titre de " personne qualifiée " tel que prévue par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en outre, un membre de la police de l'air et des frontières fait également partie de ladite commission alors que l'esprit de la loi, ainsi que cela résulte des travaux parlementaires, vise des personnalités totalement indépendantes de la préfecture ; le maire désigné n'est que le suppléant de celui figurant sur l'arrêté et sa désignation ne relève pas du préfet mais de l'association des maires du Bas-Rhin ; par suite, la composition de ladite commission n'est pas impartiale et indépendante ;

- il est bien intégré économiquement et socialement dans la société française où il dispose de nombreuses attaches privées, qui ne sont pas seulement issues de l'immigration chinoise ; il exerce actuellement la profession de cuisinier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; il suit des cours de français tant à l'Alliance française de Grenoble qu'à l'université ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée et ce en méconnaissance de l'article 12 § 1 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dès lors qu'elle ne comporte aucun motif spécifique susceptible de justifier le délai de l'obligation de quitter le territoire français ;

- à titre subsidiaire, il demande que la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne pour savoir si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont compatibles et conformes avec les exigences de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Aras, avocat de M. ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 11NC01768 et 11NC01769 du PREFET DU BAS-RHIN tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 11NC01768 :

Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal en ce qui concerne la légalité de l'arrêté en date du 17 mars 2011 :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au jour de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine " ; que si M. soutient qu'il réside en France depuis 1999, qu'il a entretenu une relation amoureuse durant les années 2000 à 2009 avec Mlle Li, de nationalité française, et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en tant que chef cuisinier dans le restaurant que celle-ci vient de créer, le requérant, arrivé en France en qualité d'étudiant, célibataire et sans enfant, ne fait état d'aucune autre attache familiale en France, alors que, fils unique, il entretient toujours des liens étroits avec ses parents qui résident en Chine et qu'il visite régulièrement ; qu'il ne produit aucun élément établissant les nombreuses attaches privées qu'il invoque ; que la seule circonstance qu'il aurait obtenu un diplôme universitaire de technologie en France ne saurait lui ouvrir droit à l'attribution d'un titre de séjour ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 313 11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur les motifs tirés de l'atteinte au respect de la vie privée et familiale de M. , de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour annuler l'arrêté du 17 mars 2011 par lequel le PREFET DU BAS-RHIN a refusé de délivrer à M. un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. devant le Tribunal administratif de Strasbourg et devant la Cour ;

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi du 20 novembre 2007 : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour composée : a) D'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris ; b) De deux personnalités qualifiées désignées par le préfet ou, à Paris, le préfet de police. Le président de la commission du titre de séjour est désigné, parmi ses membres, par le préfet ou, à Paris, le préfet de police. Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements. " ; que M. soutient que les personnalités désignées par le préfet du Bas-Rhin, au titre des " personnalités qualifiées " de la commission du titre de séjour du Bas-Rhin ne présentaient pas les garanties appropriées permettant de satisfaire aux principes d'impartialité et d'indépendance ;

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient M. , les dispositions précitées, même éclairées par les travaux parlementaires, n'ont pas entendu exclure des " personnalités qualifiées " nommées par le préfet les magistrats de l'ordre administratif ; que, par suite, le préfet du département du Bas-Rhin a pu régulièrement désigner en qualité de " personnalité qualifiée " un magistrat du Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant, d'autre part, que la commission du titre de séjour est consultée par le préfet lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ; que les membres de la commission du titre de séjour sont soumis à une obligation d'indépendance et d'impartialité pour l'examen des affaires qui relèvent de sa compétence ; que la présence de fonctionnaires parmi les membres de la commission ne peut être, en elle-même, de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur le respect de cette obligation que si, eu égard aux fonctions qu'ils exercent, l'impartialité desdits fonctionnaires est susceptible, même en apparence, d'être suspectée ; qu'en l'espèce, la circonstance que le directeur départemental de la police de l'air et des frontières du Bas-Rhin ait été membre de la commission du titre de séjour du Bas-Rhin au titre des " personnes qualifiées " peut faire naître un doute sur son impartialité objectivement justifié par le fait qu'il est chargé de veiller, entre autres, au respect de l'entrée et du séjour des étrangers sur le territoire du Bas-Rhin, et cela quand bien même il n'aurait pas participé directement aux poursuites préalables ou à l'instruction de l'affaire en cause ; que par suite, la commission du titre de séjour du Bas-Rhin a été irrégulièrement composée ;

Considérant que, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

Considérant qu'en l'espèce, la présence du directeur départemental de la police de l'air et des frontières du Bas-Rhin, en qualité de membre de la commission du titre de séjour du Bas-Rhin, lors de la réunion de ladite commission le 2 mars 2011 au cours de laquelle a été examinée la situation de M. , a privé l'intéressé des garanties d'impartialité auxquelles il était en droit de prétendre ; qu'il résulte de ce tout ce qui précède que l'irrégularité de la composition de la commission du titre de séjour a vicié l'avis émis par ladite commission et a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'arrêté du 17 mars 2011 refusant à M. la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions litigieuses portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne de questions préjudicielles, que le PREFET DU BAS-RHIN n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par jugement n° 1005397-1103206 en date du 13 octobre 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 17 mars 2011 par lequel le PREFET DU BAS-RHIN a refusé de délivrer à M. un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, a enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

Sur la requête n° 11NC01769 :

Considérant que la présente décision statue sur la requête n° 11NC01768 du PREFET DU BAS-RHIN à fin d'annulation du jugement dont il est demandé le sursis à exécution ; que, dès lors, la requête n° 11NC01769 à fin de sursis à exécution du jugement est devenue sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du PREFET DU BAS-RHIN tendant au sursis à exécution du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 octobre 2011.

Article 2 : La requête du PREFET DU BAS-RHIN est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Quan .

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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11NC01768-11NC01769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Formation plenière
Numéro d'arrêt : 11NC01768
Date de la décision : 07/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative - Questions générales.

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative - Composition de l'organisme consulté.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme PIERART
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : MENGUS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-07;11nc01768 ?
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