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16/05/2012 | FRANCE | N°12NC00069

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 16 mai 2012, 12NC00069


Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2012, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1106612 du 4 janvier 2012 par lequel le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté préfectoral en date du 29 août 2011 en tant qu'il oblige M. A à quitter le territoire français et fixe l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions de M. A ;

Le PREFET soutient que :

- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité compétente ;



- M. A pourra effectivement bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays...

Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2012, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1106612 du 4 janvier 2012 par lequel le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté préfectoral en date du 29 août 2011 en tant qu'il oblige M. A à quitter le territoire français et fixe l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter l'ensemble des conclusions de M. A ;

Le PREFET soutient que :

- l'arrêté litigieux a été pris par une autorité compétente ;

- M. A pourra effectivement bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays et il pouvait ainsi légalement lui refuser le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 modifié ;

- son arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5° de l'accord franco-algérien dès lors qu'il a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie, qu'il n'est pas établi qu'il ait tissé des liens importants avec ses frères résidant en France ni qu'il soit dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser, sur sa proposition, le rapporteur public de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :

- le rapport de Mme Piérart, président de la Cour ;

Sur les conclusions d'annulation :

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien né en 1963, souffre d'un état anxio-dépressif survenu dans un contexte familial difficile pour lequel il a bénéficié d'un suivi médico-social et psychologique ; que l'intéressé, qui est entré en France le 10 juillet 2010 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités autrichiennes à Alger, s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire à l'expiration de son visa le 20 juillet 2010 ; que, par décision du 29 août 2011, le PREFET DU BAS-RHIN a rejeté la demande de M. A tendant à la délivrance sur le fondement des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié susvisé d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " et l'a assortie d'une obligation de quitter le territoire, après avoir sollicité l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, au motif que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait cependant bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Algérie, vers lequel il peut voyager sans risque ; que si M. A a soutenu devant le président du Tribunal administratif de Strasbourg qu'il n'aurait pas accès aux soins dont il a besoin en Algérie, où il sera isolé et sans ressources, et que les médicaments qui lui ont été prescrits en France n'y sont pas disponibles, il n'a apporté aucune justification ni aucune précision à l'appui de ses allégations de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur l'accessibilité des soins et du traitement approprié dans son pays d'origine, lequel dispose d'un système de santé et de couverture sociale ; que s'il prétend, sans toutefois l'établir, qu'il est originaire d'une région qui connaîtrait des défaillances durables dans la fourniture de médicaments, leur disponibilité ne saurait être, en tout état de cause, appréciée au niveau local, mais doit être assurée dans le pays considéré ; que les seuls éléments produits par M. A, consistant en un certificat médical, au demeurant postérieur à la décision contestée, qui se borne à indiquer qu'il bénéficie d'un suivi psychologique et d'un traitement médicamenteux depuis janvier 2011, et en une attestation établie le 17 mai 2011 par la permanence d'accès aux soins de santé des hôpitaux universitaires de Strasbourg exposant les dates auxquelles il s'y est rendu dans le cadre d'un suivi médico-social pour la période allant de 2001 à 2010, ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations du médecin de l'agence régionale de santé établies le 1er juillet 2011 selon lesquelles l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, c'est à tort que le président du Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur le motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Strasbourg que devant la Cour ;

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Considérant que M. Theuil, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, a reçu délégation de signature par arrêté en date du 29 août 2011 du préfet du Bas-Rhin, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des arrêtés de conflit " ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 29 août 2011 par lequel le préfet lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi est entaché d'incompétence de son auteur ;

Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6, 7° de l'accord franco-algérien :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 issu du protocole du 11 juillet 2001, publié par le décret du 29 décembre 2002 et entré en vigueur le 1er janvier 2003 : " Le certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que si M. A soutient qu'il souffre d'un état anxio-dépressif, qu'il n'aura pas accès aux soins dont il a besoin en Algérie et que les médicaments qui lui ont été prescrits en France n'y sont pas disponibles, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 1er juillet 2011, lequel s'est prononcé au vu des pièces produites par le requérant et des informations en sa possession relatives à l'état sanitaire de l'Algérie, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut bénéficier d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque ; que l'avis précité n'est pas contredit par les deux attestations médicales produites par le requérant ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le PREFET DU BAS-RHIN et, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ne peut être accueilli ;

Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien :

Considérant qu'aux termes de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

Considérant que si M. A fait valoir que toutes ses attaches familiales sont fixées en France et qu'ainsi sa mère et deux de ses frères de nationalité française, lesquels pourvoient à son entretien, résident en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant sur le territoire national, que sa mère est également en situation irrégulière en France et fait l'objet d'une mesure d'éloignement confirmée par un jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 septembre 2010 et qu'enfin, il a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie, pays dans lequel d'ailleurs réside un de ses frères ; que dès lors, le PREFET DU BAS-RHIN, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien ;

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. A :

Considérant que si M. A soutient que la décision portant refus de délivrance du titre de séjour emporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à la nécessité de poursuivre son traitement en France et à la fixation de ses attaches familiales sur le territoire, il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, d'écarter ce moyen ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Considérant que, comme il a été dit précédemment, M. Michel Theuil avait compétence pour signer l'arrêté attaqué du 29 août 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la décision refusant la délivrance du titre de séjour " vie privée et familiale " n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut être accueilli ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, si M. A fait valoir que toute sa famille vit en France, il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, que sa mère est également en situation irrégulière sur le territoire national et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où il pourra, accompagné de sa mère, y rejoindre le plus jeune de ses frères ; que, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par M. A de ce que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle :

Considérant que si M. A fait valoir qu'il sera privé de ressources et de moyens de subsistance en cas de retour en Algérie, il n'apporte toutefois aucun élément attestant du bien-fondé de ses allégations ; que par suite, le PREFET DU BAS-RHIN n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 janvier 2012 du Tribunal administratif de Strasbourg et le rejet de l'ensemble des conclusions présentées par M. A ;

En ce qui concerne les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. A la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 4 janvier 2012 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Mohamed A.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Strasbourg.

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N°12NC00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00069
Date de la décision : 16/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PIERART
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-05-16;12nc00069 ?
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