Vu, I, sous le n°11NC00704, la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée par le PREFET DU HAUT-RHIN ; il demande à la Cour
1°) d'annuler le jugement n°1101441, 1101442 du 29 mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 22 mars 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Admir B et Mme Selma A ;
2°) de rejeter les requêtes de M. B et Mme A ;
LE PREFET DU HAUT-RHIN soutient que :
- le premier juge a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant qu'il a entaché ses arrêtés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les requérants entraient dans le champ d'application de l'article L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'ils sont entrés irrégulièrement en France et qu'ils ont fait l'objet d'un refus d'admission au séjour ;
- le droit prévu à l'article 12§2 de la directive du 16 décembre 2008 a été respecté dans la mesure où les arrêtés portant reconduite à la frontière ont été notifiés à M. B et Mme A en présence d'un interprète ;
- les arrêtés contestés ne contenaient aucune décision implicite fixant le pays de destination et le couple n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'ils seraient soumis à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le délai de 7 jours pour exécuter volontairement la mesure d'éloignement est conforme à l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que un nouveau départ ne serait pas déstabilisant pour l'enfant compte tenu de son jeune âge et de la faible durée de présence en France de la famille ;
- les arrêtés attaqués ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales étant donné que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans un autre pays et que les intéressés ont des attaches familiales en Bosnie-Herzégovine ;
Vu, II, sous le n°11NC00706, la requête, enregistrée le 29 avril 2011, présentée par le PREFET DU HAUT-RHIN ; il demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement susvisé, rendu le 29 mars 2011 par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, enregistré le 26 septembre 2011, postérieurement à la clôture de l'instruction, le mémoire en défense présenté pour M. Admir B et Mme Selma A, par Me Rudloff ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,
- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,
- et les observations de M. Admir B et Mme Selma A ;
Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête à fin d'annulation :
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, pour annuler les arrêtés du 22 mars 2011 portant reconduite à la frontière de M. B et Mme A, le premier juge a estimé que le PREFET DU HAUT-RHIN a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ce moyen, au demeurant inopérant, ait été soulevé par M. B et Mme A en première instance ; qu'ainsi, le premier juge s'est fondé à tort sur ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, pour annuler les arrêtés du 22 mars 2011 ; que, par suite, le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 29 mars 2011 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B et Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
En ce qui concerne les décisions portant reconduite à la frontière :
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
Considérant que les arrêtés du PREFET DU HAUT-RHIN en date du 22 mars 2011 comportent, dans leurs visas et leurs motifs, les éléments de droit et de fait sur lesquels ils se fondent et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. B et Mme A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1, II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) et qu'aux termes de l'article L 742-6 du même code :: L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides , lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) ;
Considérant que l'admission au séjour de M. B et Mme A, ressortissants bosniaques, qui, entrés en France selon leurs déclarations le 29 mars 2010, ont présenté une demande d'asile, a été refusée par le PREFET DU HAUT-RHIN sur le fondement du 2° de l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que leurs demandes d'asiles ayant été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 13 juillet 2010, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 4 mars 2011, le PREFET DU HAUT-RHIN pouvait prendre une mesure d'éloignement à l'encontre de M. B et Mme A ; que les intéressés étant entrés irrégulièrement sur le territoire français, le préfet pouvait légalement ordonner leur reconduite à la frontière sur le fondement du 1° de l'article L. 511-1, II précité et n'a dès lors pas commis d'erreur de droit en ne fondant pas sa décision d'éloignement sur les dispositions du I de cet article L 511-1 relatives à l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai de départ volontaire de 7 jours accordé par le PREFET DU HAUT-RHIN dans ses arrêtés du 22 mars 2011 ne soit pas adapté à la situation de M. B et Mme A ; qu'ainsi ce moyen doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12§2 de la directive du 16 décembre 2008 :
Considérant qu'il ressort des mentions figurant dans la fiche de notification des arrêtés attaqués que M. B et Mme A ont été informés qu'ils pouvaient formuler une demande telle qu'énoncée à l'article 12 § 2 de la directive 2008/115/CE , que ladite notification a été faite en présence d'un interprète et signée après lecture faite par celui-ci ; que, dans ces conditions, les intéressés avaient connaissance de la possibilité qu'ils avaient de demander des informations au sujet de la décision prise à leur encontre et des voies de recours disponibles ; que, par suite, les arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière de M. B et Mme A n'ont pas méconnu les dispositions de l'article 12§2 de la directive du 16 décembre 2008 ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant :
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;
Considérant que la circonstance que l'enfant de M. B et Mme A est scolarisé en France, alors qu'il n'est pas établi que sa scolarisation ne pourrait être assurée en Bosnie et que ses conditions d'existence ne seraient garanties dans son pays d'origine, ne suffit pas à établir que les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 précitées ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle souffre de troubles de santé sérieux et se borne à produire un certificat médical en date du 7 février 2011, elle n'établit toutefois pas que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, les arrêtés attaqués n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
Considérant que le PREFET DU HAUT-RHIN n'ayant pas pris de décision fixant le pays de destination, M. B et Mme A ne peuvent utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de leur recours contre la décision prononçant leur reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU HAUT RHIN est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 22 mars 2011 par lesquels il a ordonné la reconduite à la frontière de M. B et Mme A ;
Sur la requête à fin de sursis à exécution :
Considérant que le présent arrêt statuant sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par le PREFET DU HAUT-RHIN contre ce même jugement ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 29 mars 2011 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg du 29 mars 2011.
Article 3 : Les demandes présentées par M. B et Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Admir B et Mme Selma A ainsi qu'au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Colmar.
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N° 11NC00704, 11NC00706