Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2011, présentée pour M. Kabil A, demeurant chez M. B au ..., par Me Andreini ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1005641 en date du 3 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 30 novembre 2010 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 30 novembre 2010 pris par le préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;
M. A soutient que :
- le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg, qui ne mentionne ni l'alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susceptible de s'appliquer à sa situation ni ses craintes de persécutions en cas de retour au Sri Lanka, est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il a formé une demande d'asile dépourvue de toute ambiguïté au moment de son interpellation et qu'aucune circonstance ne justifie son refus d'admission au séjour ;
- l'arrêté préfectoral méconnaît l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où aucune circonstance ne justifie le traitement selon la procédure prioritaire de sa demande d'asile formée pendant son interpellation ;
- il méconnaît la circulaire du ministre de la Justice du 23 octobre 1991 compte tenu de ce qu'il a été pris moins de deux mois après son arrivée sur le territoire français ;
- pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les risques de persécutions liées à sa confession en cas de retour au Sri Lanka ont justifié le prononcé de mesures provisoires par la Cour européenne des droits de l'Homme ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu, en date du 7 avril 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu, enregistré le 26 septembre 2011, postérieurement à la clôture de l'instruction, le mémoire présenté par le préfet du Haut-Rhin ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :
- le rapport de M. Giltard, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève de l'autorité administrative compétente ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) ; que ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet, et ce dernier à enregistrer, une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, à l'occasion de son interpellation, formule une demande d'asile ; que, par voie de conséquence, elles font également obstacle à ce que le préfet fasse usage de ses pouvoirs en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant sri-lankais âgé de 18 ans, est entré pour la première fois en France moins d'un mois avant d'être interpellé le 30 novembre 2010 par le service de la police aux frontières de Saint-Louis ; que si le requérant n'a pas explicitement exprimé son souhait de solliciter l'asile, il a fait état non seulement de craintes de persécution dans son pays d'origine compte tenu de son appartenance à la communauté tamoule, mais également de son souhait de séjourner en France, plus précisément à Paris où vivrait un de ses oncles ; qu'il a en outre manifesté sans ambigüité son refus catégorique d'être renvoyé au Sri Lanka ou dans un pays autre que la France ; que ce n'est qu'au moment de son placement en centre de rétention où il a signé la notice l'informant de ses droits qu'il a été mis en mesure de présenter une demande d'asile qui a été transmise à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 décembre 2010 ; que par suite, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, le requérant devait être regardé comme ayant demandé, dès son interpellation, à bénéficier de l'asile ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que cette demande ait eu manifestement pour seul objet de faire échec à une décision de reconduite à la frontière ; que, par suite, M. A devait être autorisé à séjourner en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 30 novembre 2010 qui décide la reconduite à la frontière de M. A sans se prononcer au préalable sur la demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile est entaché d'excès de pouvoir ; que, par suite, M. A est fondé, par ce seul motif, à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que M. A, d'une part, a été mis en mesure de présenter une demande d'asile postérieurement à l'arrêté attaqué, rejetée par décision de l'OFPRA le *** et, d'autre part, est assigné à résidence sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour en raison d'une procédure pendante devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que par suite les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A doivent être rejetées ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant que qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
Considérant que, par décision du 7 avril 2011, le président du bureau d'aide juridictionnel a admis M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Andreini, avocate de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini de la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 décembre 2010 est annulé, ensemble l'arrêté du 30 novembre 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin ordonne la reconduite à la frontière de M. A et fixe le pays de destination.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Sous réserve que Me Andreini renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me Andreini, avocate de M. A, une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kabil A, au préfet du Haut-Rhin et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°11NC00694