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29/09/2011 | FRANCE | N°10NC01670

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 29 septembre 2011, 10NC01670


Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2010, complétée par les mémoires enregistrés les 15 décembre 2010 et 25 mai 2011, présentée pour Mme Rose A, demeurant ..., par Me Bohner ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004651 en date du 8 octobre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 3 octobre 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Guinée comme pays à destination duquel elle pourra ê

tre reconduite ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lu...

Vu la requête, enregistrée le 3 novembre 2010, complétée par les mémoires enregistrés les 15 décembre 2010 et 25 mai 2011, présentée pour Mme Rose A, demeurant ..., par Me Bohner ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004651 en date du 8 octobre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 3 octobre 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Guinée comme pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir au titre de l'article L 911-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé au titre de l'article L 911-2 du code de justice administrative ;

5°) d'accorder le bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à Me Bohner sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il se contente, pour motiver son analyse des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Guinée et écarter le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la CEDH, d'une part, de ne relever aucun élément dans le dossier permettant d'établir l'existence de risques personnels et réels pour sa vie dans son pays d'origine, d'autre part, d'opérer un renvoi aux décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision de reconduite à la frontière est entachée d'un vice d'incompétence dès lors que le préfet ne rapporte pas la preuve pas que le signataire de la décision était de permanence de responsabilité départementale au jour où l'arrêté de reconduite à la frontière a été pris ;

- l'arrêté de reconduite est privé de base légale en raison de l'illégalité de la décision du préfet lui refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dès lors que celle-ci ne lui a pas été régulièrement notifiée et est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- dans la mesure où elle a reconstruit en France une vie familiale avec le père de sa fille qui a fait les démarches nécessaires pour reconnaitre cet enfant, bénéficie d'un titre de séjour et justifie d'une activité régulière en France, le préfet méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- eu égard au fait que sa fille sera considérée comme une enfant illégitime, qu'elle encourt des risques élevés de subir une mutilation génitale en cas de retour en Guinée et qu'elle grandira sans son père, le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- dès lors qu'elle a été mariée de force, qu'elle a été victime de mauvais traitements du fait de son mari et qu'elle sera rejetée et maltraitée aussi bien par sa famille que par son mari eu égard au fait qu'elle est mère d'une enfant née hors mariage qui risque l'excision, le préfet de Meurthe-et-Moselle a violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté et attaqués ;

Vu, en date du 28 janvier 2011, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle, accordant à Mme A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, en date du 25 mars 2011, présenté par le préfet, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé, et, en outre, à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2011 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme A, le Tribunal administratif de Strasbourg, en répondant, après un examen de sa situation, qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la requérante serait personnellement et directement exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation, qu'en outre, il ne s'est pas estimé en compétence liée en mentionnant dans sa motivation de rejet du moyen tiré de la violation de des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le fait que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que la Cour Nationale du Droit d'Asile lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié ;

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que, par arrêté en date du 1er mars 2010, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 18 mars 2010, M.GONZALES, a régulièrement reçu délégation de signature du préfet de la Moselle, à l'effet de signer les mesures d'éloignement des ressortissants étrangers dans le cadre de la permanence de responsabilité départementale ; que, M. GONZALEZ étant de permanence responsabilité du 1 octobre 2010 à 20h au 4 octobre à 8h, pouvait régulièrement signer l'arrêté de reconduite à la frontière du 3 octobre 2010 ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision refusant son admission provisoire au séjour :

Considérant que Mme A a adressé le 20 juillet 2010 à la préfecture de la Moselle une lettre l'informant de sa décision de solliciter de l'office français de protection des réfugiés et apatrides un réexamen de sa demande d'asile et demandant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen et qu'elle s'est vu opposer un refus sur le fondement de l'article L. 741-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que si elle fait valoir, d'une part, que cette décision de refus de séjour est illégale du seul fait qu'elle ne mentionne nullement les voies et délais de recours, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision, d'autre part, que sa demande de réexamen ne présentait aucun caractère abusif dès lors qu'elle a reconnu les erreurs commises dans le cadre de sa première démarche auprès de l'office, notamment en utilisant l'identité de sa cousine, qu'elle a présentée des éléments nouveaux à l'appui de sa demande de réexamen, faite en dehors de toute mesure d'éloignement exécutoire, il ressort toutefois des pièces du dossier que, nonobstant la circonstance que Mme A ait sollicité spontanément le réexamen de sa demande d'asile le 20 juillet 2010 alors qu'elle n'avait pas encore été interpellée, celle-ci a déjà fait l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français en date du 6 mai 2008 et pouvait donc faire l'objet d'une reconduite à la frontière ; que, par ailleurs, sa demande de réexamen a été présentée sous une identité différente de celle donnée dans sa première demande en date du 7 novembre 2006 et elle n'apporte aucun élément nouveau, dès lors qu'elle n'appuie sa demande que d'un récit sans aucune pièce de nature à prouver les allégations avancées ; qu'ainsi, le préfet de la Moselle a pu légalement considérer que sa demande de réexamen présentait un caractère dilatoire et pouvait légalement prononcer une mesure de reconduite à son égard ; que, par suite, Mme A n'est pas fondé à soulever le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'admission provisoire au séjour ;

Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que Mme A, de nationalité guinéenne, entrée irrégulièrement sur le territoire français le 31 octobre 2006 à l'âge de 19 ans, fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis cinq ans et y a acquis des repères importants, qu'elle a dû fuir son pays d'origine dans la mesure où elle a été mariée de force à un homme d'environ 80 ans et qu'elle a été victime de mauvais traitements de sa part, qu'en outre, elle a repris une vie commune avec M. Camara depuis son retour de Suisse en mai 2010, dont elle était enceinte lors de son départ, et qu'ils envisagent de vivre ensemble au domicile de ce dernier, qui a reconnu l'enfant le 22 novembre 2010 et qui travaille en France en qualité d'intérimaire et pourra ainsi subvenir aux besoins de cet enfant, que par ailleurs elle attend un second enfant de M. Camara, qu'enfin elle ne pourrait mener une vie familiale normale en Guinée dès lors qu'elle serait rejetée et maltraitée tant par sa famille que par son mari ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que depuis son arrivée sur le territoire français elle est totalement prise en charge par le centre pour l'enfance, qu'elle ne justifie ni de l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec M. Camara ni de la réalité des liens effectifs entre sa fille et son père, que par ailleurs la reconnaissance de l'enfant effectuée le 22 novembre 2010 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, qu'elle n'établit nullement que M. Camara serait le père de l'enfant qu'elle porte, qu'en outre elle n'est pas dépourvue d'attaches en Guinée où réside l'ensemble de sa famille ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté pris à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant :

Considérant que Mme A fait valoir que sa fille sera rejetée par sa famille en Guinée où elle encourt également un risque d'excision et qu'elle grandira sans son père ; que toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de ses allégations et il ne ressort pas des pièces du dossier que le père de l'enfant entretiendrait des liens affectifs avec cette dernière ; que par suite, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme :

Considérant, d'une part, que si Mme A se prévaut de sa situation maritale passée en Guinée, elle n'établit pas qu'elle se trouverait personnellement exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté dont ni l'office français de protection des réfugiés et apatrides ni la commission des recours des réfugiés n'ont d'ailleurs retenu l'existence ;

Considérant, d'autre part, que si une étrangère peut se prévaloir de menaces d'excision encourue par sa fille pour contester la décision fixant le pays à destination duquel doit être exécutée la décision portant reconduite à la frontière, il lui appartient d'apporter des éléments de nature à établir que sa fille encourrait effectivement un tel risque ; que Mme A n'apporte aucun élément probant de nature à établir que sa fille serait exposée à un risque d'excision en cas de retour en Guinée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Rose A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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N°10NC01670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 10NC01670
Date de la décision : 29/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD Rapporteur
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-09-29;10nc01670 ?
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