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05/10/2006 | FRANCE | N°02NC01235

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 05 octobre 2006, 02NC01235


Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002, complétée par des mémoires respectivement enregistrés les 5 février 2003, 20 octobre 2003, 11 février 2004 et 5 septembre 2006, présentée par la SOCIETE FONDERIE DU DER, représentée par sa présidente, dont le siège est ... ; la SOCIETE FONDERIE DU DER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9600919 en date du 25 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été

assujettie au titre des exercices clos les 31 mai 1991, 31 mai 1992 et 30 avril ...

Vu la requête, enregistrée le 13 novembre 2002, complétée par des mémoires respectivement enregistrés les 5 février 2003, 20 octobre 2003, 11 février 2004 et 5 septembre 2006, présentée par la SOCIETE FONDERIE DU DER, représentée par sa présidente, dont le siège est ... ; la SOCIETE FONDERIE DU DER demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9600919 en date du 25 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mai 1991, 31 mai 1992 et 30 avril 1993 :

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 5 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés, tant en première instance qu'en appel ;

Elle soutient que :

- l'avance sans intérêt de 450 000 F consentie à la S.A.R.L. Carrière du Barbé pour la période du 12 octobre 1992 au 30 avril 1993 était justifiée par les relations commerciales qu'elle entretenait avec cette société cliente, l'intérêt stratégique du maintien de celle-ci et les difficultés financières qu'elle connaissait ;

- le taux d'intérêt de 8,80 % appliqué par l'administration à cette somme est excessif ;

- l'inscription d'une créance qu'elle détenait sur la société R.C.D., pour un montant de 1 620 536,78 F, en créance irrécouvrable était justifiée dès l'exercice clos en 1993, dès lors qu'il est établi que cette société ne présentait aucun actif au moment de sa mise en liquidation le 15 mai 1992 ;

- qu'à titre subsidiaire, le profit correspondant au rétablissement de cette créance à son actif doit être compensé par l'annulation de la reprise de la provision qu'elle avait auparavant constituée pour cette créance douteuse ;

- les intérêts de retard qui lui ont été appliqués constituent, du fait de leur importance, une pénalité qui, à défaut d'avoir été motivée, est contraire aux stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés respectivement les 19 juin 2003 et 21 novembre 2003, présentés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête, par les motifs qu'aucun des moyens présentés par la SOCIETE FONDERIE DU DER n'est fondé et que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables à défaut d'être chiffrées ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juin 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui maintient ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2006 :

- le rapport de M. Montsec, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE FONDERIE DU DER exerce à Chavanges (Aube) une activité de vente et usinage de toutes pièces ferrées ou non en bronze et aluminium et, en général, de tous autres métaux, ainsi que d'émaillerie sur métaux ; que, suite à une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 1989 au 31 avril 1993, l'administration fiscale a procédé à divers redressements au titre des trois exercices clos les 31 mai 1991, 31 mai 1992 et 30 avril 1993 ; que la SOCIETE FONDERIE DU DER fait appel du jugement en date du 25 juin 2002 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard y afférents auxquels elle a été, en conséquence, assujettie au titre des exercices clos en 1991, 1992 et 1993 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'avance sans intérêt consentie à la S.A.R.L. Carrière du Barbé :

Considérant que l'administration, estimant qu'une avance sans intérêt, d'un montant de 450 000 F, consentie à une société cliente, la SARL Carrière du Barbé, relevait d'une gestion anormale, a réintégré dans le bénéfice de la SOCIETE FONDERIE DU DER les intérêts que la société aurait dû, selon elle, percevoir sur cette avance, au taux de 8,80 %, soit un montant de 23 210 F au titre de l'exercice clos le 30 avril 1993 ;

Considérant, en premier lieu, que le fait de consentir des avances sans intérêt à un tiers constitue, en principe, une libéralité étrangère à une gestion commerciale normale, sauf s'il est établi l'existence d'une contrepartie ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour considérer qu'une avance sans intérêt constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve si l'auteur de l'avance n'est pas en mesure de justifier de l'existence de cette contrepartie ;

Considérant qu'il est constant que la SOCIETE FONDERIE DU DER n'a réclamé aucun intérêt à la S.A.R.L. Carrière du Barbé sur l'avance qu'elle lui a consentie ; que la circonstance que la S.A.R.L. Carrière du Barbé fabriquait des cheminées et était ainsi en relation commerciale avec la SOCIETE FONDERIE DU DER qui lui fournissait des inserts de cheminées, ne peut, à elle seule, constituer une justification de l'avantage ainsi accordé ; que la requérante n'établit pas, par ailleurs, que la S.A.R.L. Carrière du Barbé constituait, comme elle l'affirme, son unique débouché commercial dans la région du Sud-ouest, avec une ouverture sur l'Espagne, et que cette société connaissait, au moment où cette avance lui a été accordée, des difficultés financières de nature à justifier qu'elle renonce elle-même à la perception d'intérêts sur ladite avance ; que la requérante ne peut se prévaloir de ce qu'elle a repris ultérieurement cette entreprise, alors qu'il n'existait à l'époque aucun lien juridique entre les deux sociétés ; qu'ainsi, la SOCIETE FONDERIE DU DER ne justifie pas de l'existence de la contrepartie à caractère économique et commercial dont elle se prévaut ; que l'administration doit, dès lors, être regardée comme apportant la preuve d'une renonciation anormale de la société requérante à la perception des intérêts en litige ;

Considérant, en second lieu, que l'administration a appliqué, en l'espèce, un taux d'intérêt de 8,80 %, par référence au taux de rendement brut de l'émission des obligations des sociétés privées qui sert de base de calcul du taux maximum d'intérêt déductible pour la rémunération des comptes courants d'associés ; que, si la SOCIETE FONDERIE DU DER soutient que l'avance consentie ne constituait qu'une avance à vue ne devant pas donner lieu à la perception d'intérêts, elle ne l'établit pas en se bornant à faire valoir qu'elle n'avait donné lieu à aucune convention entre les deux sociétés ; que la société requérante, qui se borne à contester le taux d'intérêt appliqué sans en proposer un autre, ne démontre pas que le taux fixé par l'administration, selon la méthode susmentionnée, serait supérieur à ce qu'elle aurait pu obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel elle aurait placé la somme dont s'agit dans des conditions analogues ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à contester le taux d'intérêt de 8,80 % appliqué par l'administration ;

En ce qui concerne la créance irrécouvrable sur la société RCD :

Considérant que l'administration a remis en cause la déduction d'une perte déclarée par la société au titre de l'exercice clos le 30 avril 1993, pour une créance sur la société RCD, d'un montant de 1 620 536,78 F, qu'elle estimait être, dès ce moment, définitivement irrécouvrable ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la société RCD a été mise en redressement judiciaire le 20 mars 1992, puis en liquidation le 15 mai 1992, ne suffit pas à établir que la perte de la créance dont s'agit présentait un caractère certain et définitif à la clôture de l'exercice, le 30 avril 1993 ; que, si la société requérante produit en appel une attestation du mandataire liquidateur de la société RCD, datée du 2 décembre 2002, indiquant que la liquidation judiciaire dont s'agit ne présentait aucun actif, cette attestation ne saurait apporter la preuve, dont la charge incombe à la société, que cette information était disponible dès avant le 30 avril 1993, alors que la clôture des opérations de liquidation de la société RCD n'est intervenue que le 20 mai 1994 et qu'elle n'a elle-même obtenu un «certificat de non-recouvrabilité» de cette créance que le 20 juillet 1994 ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la perte correspondante au titre de l'exercice clos le 30 avril 1993 ; que, par ailleurs, la SOCIETE FONDERIE DU DER ne peut utilement invoquer, à cet égard, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu de la doctrine reprise dans la documentation administrative de base sous les n°s 3-D 1211 et 3-E 1414, qui ne concerne que les conditions de récupération de la taxe sur la valeur ajoutée en cas d'impayé ;

Considérant, en second lieu, que la SOCIETE FONDERIE DU DER, regardant la créance susmentionnée comme définitivement perdue, a spontanément comptabilisé, au titre de l'exercice clos le 30 avril 1993, une reprise de la provision pour créance douteuse qu'elle avait constituée ; que, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le caractère irrécouvrable de la perte de cette créance avant la fin de cet exercice n'est pas établi, la reprise anticipée de cette provision constitue une erreur comptable délibérée qui est opposable à la société contribuable ; que celle-ci n'est, dès lors, pas fondée à demander, à titre subsidiaire et de compensation, la rectification de cette erreur ; que, par suite, il n'y a pas lieu de procéder à l'imputation qu'elle demande du montant de cette reprise de provision sur celui de la perte sur créance irrécouvrable que l'administration a réintégrée dans les résultats de l'exercice clos le 30 avril 1993 ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : «Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions (…) / Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable et dont le montant a été différé» ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par les dispositions susmentionnées de l'article 1727 du code général des impôts, qui s'applique indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que, si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant le caractère d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié, qui est la seule référence utilisable pour apprécier l'éventuel caractère excessif de l'intérêt de retard ; que, par suite, la SOCIETE FONDERIE DU DER n'est pas fondée à soutenir que l'application de ces intérêts devait être motivée en tant qu'ils constitueraient une sanction ; que, par ailleurs, la seule circonstance qu'il existerait une différence de taux entre, d'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts et, d'autre part, les intérêts légaux ou moratoires, tels que mentionnés aux articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales, ne saurait être utilement invoquée par la SOCIETE FONDERIE DU DER pour contester les intérêts de retard qui lui ont été appliqués ; qu'enfin, les intérêts de retard dont s'agit ne résultant ni d'une accusation en matière pénale ni d'une contestation sur des droits et obligations de caractère civil, la société requérante ne peut davantage utilement invoquer les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que SOCIETE FONDERIE DU DER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 25 juin 2002, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le SOCIETE FONDERIE DU DER au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE FONDERIE DU DER est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE FONDERIE DU DER et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 02NC01235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01235
Date de la décision : 05/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-10-05;02nc01235 ?
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