Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 septembre 2001 sous le n° 01NC00967 , présentée pour M. Patrice X, élisant domicile ..., par Me Bonhomme, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 95-149 en date du 24 avril 2001 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1 % à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 100 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Il soutient que :
- que la prescription était acquise depuis le 1er janvier 1993 ; que le dépôt d'une déclaration rectificative n'a pu interrompre valablement la prescription ;
- que l'administration a commis une erreur substantielle en qualifiant les revenus qu'elle entendait redresser de revenus de capitaux mobiliers et non de bénéfices non commerciaux ;
-que l'opération à laquelle elle a participé n'est pas une opération d'apport partiel d'actif mais une opération de fusion à l'anglaise, qui doit bénéficier du régime dit de l'échange à caractère intercalaire ;
- que la reconstitution des prix de revient des actions cédées présente nécessairement un caractère aléatoire ;
- qu'il entend se prévaloir sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales de la réponse ministérielle à M. Correze et de la doctrine exprimée par le comité fiscal de la mission d'organisation administrative du 14 mars 1989 ;
- qu'il peut se prévaloir sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales de la prise de position formelle de l'administration sur sa situation, l'administration lui ayant notifié deux avis de dégrèvement pour la totalité de l'imposition contestée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 février 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2005 :
- le rapport de Mme Richer, président,
- les observations de Me Drouot, du cabinet juridique Lorette et Associés, avocat de M. X,
- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce sauf application de l'article L.168 A, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ; qu'aux termes de l'article L.189 du même livre : La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que pour tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous actes interruptifs de droit commun. ;
Considérant qu'en cas de retour à l'administration fiscale du pli recommandé contenant une notification de redressements, la preuve qui lui incombe d'établir que le contribuable en a reçu notification régulière peut résulter, soit des mentions précises claires et concordantes portées sur les documents retournés à l'expéditeur, soit d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le facteur, conformément à la réglementation postale en vigueur, d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le pli recommandé n° RA141944197FR contenant la notification de redressements adressée à M. X lui a été présenté le 11 décembre 1992 ; que, toutefois il n'était pas mentionné sur l'enveloppe que le destinataire du pli était avisé de sa mise en instance à la Poste ; que si une attestation établie le 19 juin 1996 par les services postaux à la demande de l'administration fiscale certifie que le pli recommandé déposé à la Poste le 10 décembre 1992 a été présenté à M. X le 11 décembre 1992 et a fait l'objet d'un avis de passage du facteur à cette même date, elle ne suffit pas à établir la réalité du dépôt de cet avis de passage dès lors qu'elle a été signée non pas par le responsable du bureau distributeur dont relève le domicile du contribuable mais par celui du bureau expéditeur ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme ayant apporté la preuve dont la charge lui incombe, que les redressements ont été régulièrement notifiés au contribuable ; que, par suite, la prescription n'a pas été valablement interrompue ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 24 avril 2001 est annulé.
Article 2 : M. X est déchargé de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et au prélèvement social à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989.
Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrice X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
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N° 01NC00967