Vu I°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 janvier 2002 sous le n° 02NC00095, complétée par des mémoires enregistrés les 17 septembre 2002, 18 mars 2003, 27 février 2004, présentée pour M. Bernard X et Mme Martine Y élisant domicile ..., par Mes Garnon, Scheffer, Cavelius, avocats au barreau de Strasbourg ; M. X et Mme Y demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-606 en date du 11 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à payer une amende de 5.000 F, leur a enjoint de quitter l'emplacement qu'ils occupent port de Plobsheim dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement sous peine d'une astreinte de 500 F par jour de retard, et les a condamnés à verser à Voies navigables de France la somme de 5 331,83 F, augmentée des intérêts légaux, au titre des redevances pour les années 1999 et 2000 et pour la période du 1er janvier 2001 au 21 novembre 2001 ;
2°) de condamner Voies navigables de France à leur verser la somme de 800 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que les premiers juges ont omis de statuer sur leur demande de sursis à exécution, en méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le directeur régional n'était pas compétent pour leur adresser la citation à comparaître ; que la notification et la citation à comparaître sont tardives ; que les poursuites ne sont pas fondées ; que la loi d'amnistie s'applique ; que la juridiction administrative n'était pas compétente pour se prononcer, les infractions commises sur le canal Rhin-Rhône relevant du tribunal de la Navigation du Rhin, en vertu de la convention de Mannheim ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 6 mai 2002, 25 novembre 2002 et 11 août 2002, présentés par Voies Navigables de France, dont le siège est 175 rue Ludovic Boutleux à Béthune (62408), représenté par son directeur général en exercice ;
Voies Navigables de France conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné l'évacuation sous astreinte du bateau des requérants pour la période comprise entre le 18 janvier 2002 et le 27 mars 2002 ;
Il soutient que la requête est irrecevable pour défaut de timbre et absence d'exposé des faits et moyens et qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 14 janvier 2005 ;
Vu II°) la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 novembre 2002 sous le n° 02NC01272, complétée par des mémoires enregistrés les 18 mars 2003, 9 juillet 2003 et
26 août 2004, présentés pour M. Bernard X et Mme Martine Y élisant domicile ..., par Mes Garnon, Scheffer, Cavelius, avocats au barreau de Strasbourg ; M. X et Mme Y demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201822 en date du 24 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à verser à titre d'astreinte à l'établissement public Voies Navigables de France la somme de 2.584 € ;
2°) de condamner Voies Navigables de France à leur verser la somme de 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont liquidé l'astreinte, alors que la procédure était pendante devant la Cour et que les indemnités d'occupation ont été payées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 19 mai 2003 et 18 novembre 2003, présentés par Voies navigables de France, dont le siège est 175 rue Ludovic Boutleux à Béthune (62408), représenté par son directeur juridique et financier ;
Voies Navigables de France conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M X et de Mme Y à lui verser une somme de 500 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la requête est irrecevable pour défaut de timbre et qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 24 décembre 2004 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention pour la navigation du Rhin signée à Mannheim le 17 octobre 1868 ;
Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant loi d'amnistie ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2005 :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
- et les conclusions de M.Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées n° 02NC00095 et n° 02NC01272 présentées pour M. X et Mme Y présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que M. X et Mme Y ont fait l'objet, le
26 septembre 2000, d'un procès-verbal de contravention de grande voirie pour avoir occupé sans droit ni titre le domaine public fluvial, avec leur bateau Claire Jeanne ; qu'ils demandent, d'une part, l'annulation du jugement du 11 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg, saisi des poursuites, les a condamnés à payer une amende de 5 000 F, leur a enjoint de quitter l'emplacement occupé au port de Plobsheim dans le délai de trente jours sous astreinte de 500 F par jour à compter de la notification du jugement, et les a condamnés à verser à Voies navigables de France la somme de 5 331,83 F, augmentée des intérêts légaux, au titre des redevances pour les années 1999 et 2000 et la période du 1er janvier au 21 novembre 2001 et, d'autre part l'annulation du jugement n° 0201822 en date du 24 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à verser à Voies navigables de France, à titre d'astreinte, pour la période du 18 janvier 2002 au 27 mars 2002, la somme de 2 584 € ;
Sur les conclusions relatives à l'amende :
Considérant que l'article 2 de la loi du 6 août 2002 susvisée, portant amnistie, dispose que : Sont amnistiées en raison de leur nature : 1°) les contraventions de police et les contraventions de grande voirie... ; que l'infraction pour laquelle M. X et Mme Y se sont vus dresser procès-verbal entre dans les prévisions de cette disposition ; que les dispositions de cette loi font désormais obstacle à l'exécution de la condamnation prononcée par l'article 1er du jugement attaqué du Tribunal administratif de Strasbourg du 11 décembre 2001 ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions susanalysées de M. X et de Mme Y ;
Considérant, toutefois, que si l'amnistie a pour effet d'effacer le caractère délictueux des infractions auxquelles elle s'applique et d'empêcher ainsi la répression de ces infractions, elle ne fait pas obstacle, en raison de l'imprescriptibilité du domaine public, à ce que soit poursuivie la réparation de l'atteinte portée audit domaine ;
Sur l'injonction de libérer le domaine public :
Considérant que M. X et Mme Y ont conclu avec Voies navigables de France, le 4 juillet 2002, une convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial prenant effet le 28 mars 2002, que, dès lors, les conclusions de la requête dirigées contre l'article 2 du jugement attaqué, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif a enjoint aux intéressés de quitter l'emplacement qu'ils occupaient indûment dans le port de Plobsheim, sont devenues sans objet ;
Sur les fins de non recevoir opposées à la requête par Voies Navigables de France :
Considérant que la requête de M. X et de Mme Y comporte le timbre exigé par les dispositions alors en vigueur des articles 1089 B et 1090 A-III du code général des impôts et contient l'exposé des faits, ainsi que l'imposent les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; qu'ainsi les fins de non recevoir opposées à la requête par Voies navigables de France ne peuvent être accueillies ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la convention de Mannheim du
17 octobre 1968, auquel se réfèrent les articles 233 et 235 du code du domaine public fluvial : Les tribunaux pour la navigation du Rhin seront compétents : I. en matière pénale pour instruire et juger toutes les contraventions aux prescriptions relatives à la navigation et à la police fluviale ; II. En matière civile pour prononcer sommairement sur les contestations relatives : ... c) aux dommages causés par les bateliers ou les flotteurs pendant le voyage ou en abordant (...) ; qu'il ressort de ces stipulations que les litiges en matière pénale et civile relatifs aux dommages causés par un batelier pendant le voyage ou en abordant, relèvent, quelle que soit leur nature, de la compétence ds tribunaux pour la navigation du Rhin ; que, toutefois, l'occupation par M. X et Mme Y d'une dépendance du canal Rhin-Rhône, à Plobsheim, est étrangère à la navigation sur le Rhin, telle qu'elle est définie par la convention de Mannheim ; que, par suite, l'action de Voie navigables de France ne relève pas des tribunaux pour la navigation du Rhin ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
Considérant qu'à supposer que les premiers juges n'aient pas statué sur la demande de sursis à exécution, cette circonstance est restée sans incidence sur la régularité des jugements attaqués ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L.13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable, dont les dispositions sont reprises à l'article L.774-2 du code de justice administrative : Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention et son affirmation quand elle est exigée, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal ainsi que l'affirmation avec citation à comparaître dans le délai d'un mois devant le tribunal administratif ; que les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 susvisée donnent compétence au président de Voies navigables de France, en cas d'atteinte à l'intégrité et à la conservation du domaine confié à cet établissement public, pour exercer les pouvoirs dévolus au préfet à l'article L.13 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et notamment pour notifier au contrevenant une copie du procès-verbal établi à son encontre et le citer à comparaître devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Bayle, chef du service de la navigation de Strasbourg, avait reçu délégation de signature à l'effet de signer tous actes relatifs à la répression des atteintes portées au domaine public confié à Voies navigables de France ;
Considérant que le procès-verbal de contravention de grande voirie établi le
26 septembre 2000 a été notifié, avec citation à comparaître, le 6 février 2001 à M. X et Mme Y ; que si cette notification est intervenue après l'expiration du délai de dix jours fixé par les dispositions législatives précitées, ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ; que la circonstance qu'il n'a pas été respecté n'a pas eu pour effet de priver M. X et Mme Y de la possibilité de se défendre, comme ils l'ont d'ailleurs fait ; que la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie étant un acte préalable à la saisine du tribunal, les dispositions de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
Sur la redevance due par M. X et Mme Y :
Considérant que du fait de l'occupation sans droit ni titre par M. X et Mme Y jusqu'au 28 mars 2002, du domaine public fluvial, Voies navigable de France est fondé à demander le paiement des sommes dues par l'intéressé à raison de cette occupation ; que la signature d'une convention d'occupation temporaire, prenant effet le 28 mars 2002, est sans incidence sur les droits et obligations des parties pour la période antérieure à cette date ; que les intéressés n'établissent pas que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif aurait commis une erreur en les condamnant à payer à ce titre à voies navigables de France la somme de 5.331,83 F, augmentée des intérêts, au titre des redevances pour les années 1999 et 2000 et du 1er janvier au 21 novembre 2001 ;
Sur l'astreinte au titre de la période jusqu'au 27 mars 2002 :
Considérant que pour contester la liquidation de l'astreinte par le jugement attaqué du 4 octobre 2002, M. X et Mme Y soutiennent que seul l'Etat est compétent pour demander cette liquidation ; qu'à défaut de dispositions contraires, une astreinte ne peut être liquidée qu'au bénéfice de la partie au procès en faveur de laquelle la condamnation assortie de ladite astreinte doit être exécutée ; qu'en matière de contravention de grande voirie infligée à raison d'infractions commises sur le domaine public fluvial géré par Voies navigables de France, cet établissement est, conformément aux dispositions du III de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1991 susvisé, substitué à l'Etat dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public qui lui est confié ; que, par suite, les condamnations tendant à la réparation des atteintes portées à l'intégrité du domaine dont il assure la gestion, ainsi que le cas échéant, les astreintes dont elles sont assorties doivent, en conséquence, être prononcées et liquidées en faveur dudit établissement ;
Considérant que les requérants n'établissent pas qu'en liquidant l'astreinte au titre de la période qui a couru jusqu'au 27 mars 2002, au cours de laquelle le jugement leur enjoignant à quitter les lieux n'a pas été exécuté, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif aurait commis une erreur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X et Mme Y ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à payer une redevance à Voies navigables de France, leur a enjoint sous astreinte de libérer le domaine public fluvial, et a procédé à la liquidation de cette astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X et Mme Y doivent dès lors être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête N° 02NC00095 de M. X et de Mme Y dirigées contre les articles 1er et 2 du jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg du 11 décembre 2001.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X et de Mme Y est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à Mme Y et aux Voies Navigables de France.
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N°02NC00095, 02NC01272