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16/12/2004 | FRANCE | N°00NC00094

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 16 décembre 2004, 00NC00094


Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2000, ainsi que les mémoires complémentaires enregistrés les 21 et 26 septembre 2000, 1er décembre 2000, 1er mars 2002 et 12 novembre 2003, présentés pour M. Jacques X, élisant domicile ... (68110), par Me Goepp, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502138 du 14 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 à 1990 ;

2°)

de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;

3°) de prononcer la décharge d...

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2000, ainsi que les mémoires complémentaires enregistrés les 21 et 26 septembre 2000, 1er décembre 2000, 1er mars 2002 et 12 novembre 2003, présentés pour M. Jacques X, élisant domicile ... (68110), par Me Goepp, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9502138 du 14 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 à 1990 ;

2°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;

3°) de prononcer la décharge demandée ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que :

- l'administration doit apporter la preuve de la régularité de la notification des plis recommandés qu'elle a adressés au contribuable ;

- il a été irrégulièrement privé du débat oral obligatoirement mis en oeuvre dans la procédure de taxation d'office ;

- l'administration ne lui a pas restitué les documents bancaires qu'elle a utilisés et que le contribuable est en droit de ne pas détenir ;

- la taxation d'office de somme dans la catégorie des bénéfices non commerciaux est illicite ;

- la substitution de base légale ne peut être admise dès lors qu'il a été privé de la garantie que constitue la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, et sans que le service n'ait procédé préalablement à un dégrèvement des impositions en cause ;

- les rapatriements d'avoirs détenus à l'étranger qu'il a effectués dans le cadre de l'amnistie fiscale justifient les crédits regardés comme inexpliqués par le service ;

- il justifie les crédits bancaires par des documents et des justificatifs, en réponse aux demandes d'éclaircissement ou de justification concernant les années 1988, 1989 et 1990 ;

- les pénalités ne sont pas suffisamment motivées et sont discriminatoires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 29 mai 2000 présenté pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que les mémoires complémentaires enregistrés les 6 juillet 2000, 15 janvier 2001, 29 octobre 2001 et 21 octobre 2003 ; il conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance en date du 6 janvier 2004, par laquelle le président de la deuxième chambre de la Cour a, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, fixé la date de clôture de l'instruction au 28 janvier 2004 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2004 :

- le rapport de Mme Richer, président,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de M. X, demeurant à ..., dans le département du Haut-Rhin, qui a porté sur la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, l'administration des impôts, estimant que le contribuable pouvait avoir disposé de revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés, lui a adressé les 17 septembre 1991, au titre de l'année 1988 et 27 février 1992, au titre des années 1989 et 1990, des demandes d'éclaircissements et de justifications, sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que M. X qui n'a fourni aucune réponse pour l'année 1988 et ses réponses ayant été regardées comme insuffisantes pour les années 1989 et 1990, a été taxé d'office, en application des dispositions de l'article L. 69 du même livre, à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, par une notification de redressement reçue le 6 janvier 1992 au titre de l'année 1988 et une notification de redressement reçue le 3 août 1992 au titre des années 1989 et 1990 ; qu'à la suite du rejet le 31 mai 1995 de sa réclamation du 31 décembre 1994, M. X s'est pourvu devant le Tribunal administratif de Strasbourg, et fait régulièrement appel du jugement en date du 14 décembre 1999 par lequel sa demande a été intégralement rejetée ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision en date du 20 avril 2000 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Lorraine a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 188 258,07 euros (1 234 892 F), du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti au titre des années 1988, 1989 et 1990 ; qu'il en résulte, d'une part, que les conclusions tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquels M. X a été assujetti au titre de l'année 1990 sont devenues sans objet et, d'autre part, que les conclusions de la requête de M. X relatives, aux impositions auxquelles il a été assujetti au titre des années 1988 et 1989 sont, à concurrence des sommes dégrevées, devenues sans objet ;

Sur les impositions demeurant en litige :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et fixer à l'intéressé, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur au délai de trente jours prévu à l'article L. 11 ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même code : Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ;

Considérant que si la méconnaissance par le vérificateur de l'obligation qui lui est faite, en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, de rechercher un dialogue contradictoire avec le contribuable faisant l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu avant même d'avoir recours à la procédure contraignante de demande de justifications visée à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que M. X n'a pas été mis en mesure de présenter des observations orales est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les relevés bancaires à partir desquels l'administration des impôts a formulé les demandes d'éclaircissements et de justification en application des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales lui ont été communiqués pour les établissements bancaires sur le fondement de l'article L. 83 du même livre ; qu'ainsi, et en tout état de cause, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne lui aurait pas restitué des documents qu'il s'est abstenu de produire ;

Considérant que si M. X fait valoir que le pli recommandé contenant la demande relative à l'année 1988 ne lui a pas été adressé, le moyen manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de la notification de redressement du 31 juillet 1992 que, contrairement à ce que soutient M. X, l'administration des impôts n'était pas en mesure de rattacher les sommes taxées d'office à une catégorie particulière d'impositions, à laquelle seul le contribuable faisait référence pour tenter de justifier l'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le service a mis en oeuvre irrégulièrement la procédure de taxation d'office pour imposer des sommes dont elle pouvait déterminer la nature catégorielle manque en fait ;

Sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient à M. X, qui a été, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, régulièrement taxé d'office, d'apporter la preuve du caractère exagéré des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti ;

En ce qui concerne la substitution de base légale au titre de l'année 1988 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction modifiée par l'article 9-V de la loi du 8 juillet 1987 : Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues par l'article L. 59 ; qu'aux termes de l'article L.59 : Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code... ;

Considérant qu'en appel, le ministre propose de justifier l'imposition des sommes demeurant en litige en les rattachant au revenu global à titre de revenus d'origine indéterminée ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la substitution de base légale peut être admise à tout moment de la procédure, sans que le service soit tenu de procéder préalablement à un dégrèvement des sommes en cause, dès lors que le contribuable n'est privé d'aucune garantie ; que M. X, qui a été taxé d'office en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, n'a, en l'absence de réponse à la notification de redressement susmentionnée du 23 décembre 1991 reçue le 6 janvier 1992, exprimé aucun désaccord sur les redressements notifiés ; que, par suite, il ne peut soutenir avoir été privé de la garantie que constitue la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article L. 76 précité du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, il y a lieu de faire droit à la substitution de base légale proposée par le ministre ;

En ce qui concerne les impositions demeurant en litige :

Considérant en premier lieu que M. X invoque le bénéfice des dispositions de l'article 11 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986, modifiée par la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986, qui institue une imposition spécifique des rapatriements d'avoirs régulièrement détenus à l'étranger ; que, toutefois, le service a pris en compte une partie des fonds que le requérant a rapatriés le 19 décembre 1986 pour un montant de 2 millions de francs, en ramenant la taxation des crédits bancaires initialement évalués à hauteur de 1 325 467 F à la somme de 195 761 F ; que pour le reste des crédits demeurés injustifiés, M. X, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit aucune corrélation entre les crédits bancaires taxés d'office et les sommes qui ont bénéficié de la régularisation effectuée en application de l'article 11 précité ;

Considérant en second lieu que M. X persiste en appel à contester le bien-fondé des impositions demeurant en litige en produisant des documents et des justificatifs, qui viennent en réponse aux demandes d'éclaircissement ou de justification concernant les années 1988, 1989 et 1990 ; que, ce faisant, le requérant, d'une part, en se bornant à reprendre les moyens et documents présentés devant les premiers juges, ne tient aucun compte des dégrèvements susvisés qui ont réduit le complément d'impôt sur le revenu auquel l'intéressé a été assujetti au titre des années 1988 et 1989, et qui ont abouti à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel l'intéressé à été assujetti au titre de l'année 1990 et, d'autre part, ne formule aucune critique à l'encontre des motifs du jugement attaqué relatifs à la justification des sommes en cause ; que, dans ces conditions, le requérant ne met pas le juge d'appel en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait commises le tribunal administratif en écartant les moyens susvisés ; qu'il suit de là que lesdits moyens ne peuvent être que rejetés ;

Sur les pénalités :

Considérant, en premier lieu, que la mise à la charge d'un contribuable d'intérêts de retard, qui ne constituent pas une sanction au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, n'est pas nombre des décisions qui doivent, en vertu dudit article, être motivées ;

Considérant, en second lieu, que si les dispositions combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 de son premier protocole additionnel peuvent être invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports instituées entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'existence d'une différence de taux entre, d'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts et, d'autre part, les intérêts moratoires mentionnés aux articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales n'est pas susceptible d'être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé se plaindre ce de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : A concurrence de la somme de 188 258,07 euros (1 234 892 F), en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti au titre des années 1988, 1989 et 1990, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Une copie en sera adressée, pour information, au trésorier-payeur général du département du Haut-Rhin.

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N° 00NC00094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00NC00094
Date de la décision : 16/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LUZI
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : GOEPP DUCOURTIOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-12-16;00nc00094 ?
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