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08/04/2004 | FRANCE | N°98NC02202

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 08 avril 2004, 98NC02202


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 octobre 1998 sous le n° 98NC02202, complétée par des mémoires enregistrés les 17 mars, 26 mars et 21 juillet 1999 et le 14 décembre 2000, présentée pour Mme Irène X demeurant ..., par Me Roth-Pignon, avocat ;

Mme Irène X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 août 1998 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 800 000 F au titre de la perte de valeur et une somme de 646 370

F au titre des travaux confortatifs en réparation des désordres subis par son ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 octobre 1998 sous le n° 98NC02202, complétée par des mémoires enregistrés les 17 mars, 26 mars et 21 juillet 1999 et le 14 décembre 2000, présentée pour Mme Irène X demeurant ..., par Me Roth-Pignon, avocat ;

Mme Irène X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 août 1998 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 800 000 F au titre de la perte de valeur et une somme de 646 370 F au titre des travaux confortatifs en réparation des désordres subis par son immeuble sis ... ;

2°) -de condamner la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser les sommes susvisées ;

Code : C+

Plan de classement : 67-02-03

67-02-04-01

3°) - de condamner la communauté urbaine de Strasbourg à lui verser une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé exclusivement sur le rapport d'expertise de M. B et a attribué la cause des sinistres à une prétendue fragilité de l'assise des fondations des immeubles concernés due à l'existence de galeries brassicoles souterraines ainsi qu'à des infiltrations d'eau de pluie en provenance d'une conduite d'évacuation des eaux pluviales située dans la cour de l'immeuble X ;

- le lien de causalité entre les infiltrations liées à la rupture d'une conduite de distribution d'eau potable et les désordres est au contraire nettement établi par les expertises effectuées par la société Simecsol et par M. Y ; les immeubles ont cessé de s'effondrer aussitôt après la réparation en 1995 par la Communauté urbaine de Strasbourg de la conduite d'eau défectueuse ; en outre, les galeries étaient en bon état de conservation ;

- le préjudice consiste en une perte sur la valeur de l'immeuble à la revente de l'immeuble de l'ordre de 800 000 F, à laquelle s'ajoute le coût des travaux de réparation des fissures et de consolidation évalué à 646 370 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 11 décembre 1998, 26 mars 1999, 14 décembre 2000, 15 octobre 2002 et 1er mars 2004, présentés pour M. Jean Philippe Z, demeurant ..., et Mme Marie-Madeleine A, demeurant ..., par Me Huffschmitt, avocat

Ils concluent :

- à l'annulation du jugement susvisé en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Communauté urbaine de Strasbourg à leur verser une somme de 242 191, 85 F en réparation des dommages subis par leur immeuble situé au n° ...... ;

- à la condamnation de la Communauté urbaine de Strasbourg à leur verser la somme susvisée avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 1990 et capitalisation des intérêts à la date du 11 décembre 1998 ;

- à la condamnation de la Communauté urbaine de Strasbourg à leur verser une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- à la condamnation de la Communauté urbaine de Strasbourg à leur verser une somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Ils soutiennent que :

- leurs conclusions sont recevables en tant qu'intervention et en tant qu'appel incident ;

- c'est à tort que le tribunal administratif leur a opposé les conclusions du rapport de M. B commis dans la procédure diligentée par Mme X ; ce rapport, qui ne concerne pas directement leur immeuble, est entaché d'erreurs de fait ;

- le lien de causalité entre les désordres et les infiltrations en provenance des ruptures des canalisations de la Communauté urbaine de Strasbourg est établi par les rapports Simecsol et Y ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 février et 30 avril 1999, présentés pour la communauté urbaine de Strasbourg, représentée par son président en exercice, dont le siège est Centre administratif, Place de l'Etoile à Strasbourg (67000), par la SCP Gasse-Carnel-Gasse, avocats ;

La Communauté urbaine de Strasbourg conclut :

- au rejet de la requête de Mme X et des conclusions de M. Z et Mme A ;

- à la condamnation de Mme X ainsi que de M. Z et Mme A à lui verser une somme de 8 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Elle soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu les conclusions du rapport B alors que le rapport Simecsol, trop ancien, n'a pu tenir compte des recherches effectuées ultérieurement et que le rapport Y est partial et a été établi de façon non contradictoire ;

- les conclusions du rapport Y ont été remises en cause par les observations de l'expert M. B, elles-mêmes confortées par les précisons apportées par le sapiteur de M. Y, M. C , d'où il ressort que c'est la création d'un vide souterrain, lié à la présence de galeries brassicoles, qui a provoqué la rupture de la canalisation d'eau et non l'inverse ;

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que la cause principale de l'affaissement de l'immeuble réside dans la fragilité de l'assise du bâtiment de Mme X due aux galeries brassicoles, aggravée par la circonstance que l'immeuble a été surélevé d'un étage après 1920 sur des fondations déjà précaires et par le fait que les galeries ont été envahies par les eaux pluviales en raison de la déficience d'une canalisation privée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre en date du 6 janvier 2004 fixant la date de clôture de l'instruction au 2 février 2004 ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre en date du 12 février 2004 communiquant aux parties les moyens d'ordre public concernant l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. Z et Mme A ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2004 :

- le rapport de M. MARTINEZ, Premier conseiller,

- les observations de Me DIETMANN-LAURENT, substituant Me ROTH-PIGNON, avocat de Mme X, et de Me HUFFSCHMITT, avocat de M. et de Mme ;

- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité présentées par M. Z et Mme A :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur : sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 211 ;

Considérant que les conclusions de M. Z et Mme A, présentées d'ailleurs comme des conclusions d'appel, tendent à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 août 1998 ayant rejeté leur demande tendant à la condamnation de la Communauté urbaine de Strasbourg à leur verser une somme de 242 191,85 F, en réparation des désordres subis par leur immeuble ainsi qu'à la condamnation de l'intimée à leur verser ladite somme, et doivent ainsi être regardées comme un appel principal dirigé contre ledit jugement ;

Considérant que les conclusions susvisées n'ont été enregistrées que le 11 décembre 1998 soit après l'expiration du délai de deux mois imparti pour faire appel par l'article R.229 précité ; que, contrairement à ce que soutiennent les intéressés, le courrier du 30 octobre 1998 par lequel le greffe de la Cour leur a communiqué une copie de la requête de Mme X et les a invités à faire valoir leurs observations dans un délai de deux mois, n'avait ni pour effet ni pour objet de proroger le délai du recours contentieux susmentionné ; que, dès lors, les conclusions de M. Z et Mme A sont tardives et doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité présentées par Mme Irène X :

Considérant que le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer au tiers tant en ce qui concerne leur existence que leur fonctionnement ;

Sur le lien de causalité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des rapports d'expertise produits en première instance et en appel, que consécutivement à une première fuite en 1982 en provenance de la canalisation d'eau potable située sous la chaussée de la rue des Petites fermes, des écoulements, attirés par les vides existant dans le sous-sol au niveau des galeries brassicoles incomplètement remblayées, se sont propagés dans les maçonneries des murs et des souterrains situées sous les caves des immeubles adjacents et ont entraîné, en particulier, l'érosion des matériaux situés sous la canalisation et sous la fondation de la façade de l'immeuble de Mme X ; que cette érosion a provoqué la rupture de la canalisation

privée alors de support et a, par suite, accentué l'humidification du loess au droit des fondations attenantes de l'immeuble ; qu'il s'en est suivi un phénomène de tassement significatif puis de fissuration affectant ledit immeuble jusqu'au remplacement en 1983 de la conduite défectueuse ; que, cependant, à compter de février 1985, est survenue une deuxième fuite liée à une nouvelle rupture de la canalisation qui a contribué à renforcer l'humidification des loess provoquant un nouvel affaissement de l'immeuble n° 11 et en conséquence, l'aggravation des fissures ; que, dès lors, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que , par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation au motif que le lien de causalité entre les désordres et l'ouvrage public litigieux n'était pas établi ;

Considérant, toutefois, qu'il y a lieu de statuer par l'effet dévolutif sur les exceptions et fin de non-recevoir soulevées en première instance par la Communauté urbaine de Strasbourg et qui n'ont pas été expressément abandonnées en appel ;

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient la Communauté urbaine de Strasbourg , la circonstance que Mme X avait revendu son immeuble avant l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif ne faisait pas obstacle à ce qu'elle formât une action en responsabilité aux fins d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en sa qualité de propriétaire à la date de réalisation des dommages ;

Considérant, d'autre part, que compte tenu de l'interruption du délai de prescription résultant des démarches accomplies par l'intéressée auprès de l'administration dès juin 1985 et des demandes qu'elle a introduites devant le Tribunal administratif de Strasbourg en 1989 puis en 1992 afin d'obtenir une indemnisation au titre des désordres dont s'agit, le moyen tiré de l'exception de prescription quadriennale soulevé en première instance par Communauté urbaine de Strasbourg doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnité ;

Sur le partage de responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'existence des galeries souterraines brassicoles qui a favorisé et aggravé le phénomène d'érosion susmentionné et eu égard à la fragilité de l'assise des fondations dudit immeuble caractérisées par un déficit de portance accentué par l'instabilité liée à la nature particulière du sol constitué de loess, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en limitant la charge du maître de l'ouvrage à 50% des conséquences dommageables ;

Sur le préjudice :

Considérant que si le devis d'architecte présenté par Mme X à l'appui de ses prétentions est, sur certains points, insuffisamment détaillé, il n'est pas allégué que le coût des travaux de réfection visant notamment à traiter les fissures corresponde à d'autres travaux que ceux qui étaient strictement nécessaires, ni que les procédés envisagés pour la remise en état n'étaient pas les moins onéreux possibles ; qu'il n'est pas davantage allégué que le coût des travaux excède la valeur vénale de l'immeuble ; qu'il sera fait une suffisante appréciation de l'indemnité que la Communauté urbaine de Strasbourg devra payer à Mme X au titre des travaux de réfection en la fixant à la somme de 50 000 euros ; qu'en revanche, Mme X n'apporte aucun élément permettant d'établir la perte de valeur vénale qu'elle aurait subie lors de la revente de son immeuble construit dans les années 1900 ; qu'il suit de là que, compte tenu du partage de responsabilité susmentionné, la Communauté urbaine de Strasbourg est condamnée à verser à Mme X une somme de 25 000 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et alors que l'exagération de la demande de Mme X n'a pas eu pour effet de rendre les opérations d'expertise plus onéreuses, il y a lieu de mettre la totalité des frais de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif, et ayant donné lieu au rapport de M. B déposé le 1er juin 1992, à la charge de la Communauté urbaine de Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la Communauté urbaine de Strasbourg doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il n'y pas lieu, en application des dispositions précitées, de faire droit à la demande présentée par M. Z et Mme A ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Communauté urbaine de Strasbourg à payer à Mme X une somme de 800 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de M. Z et Mme A sont rejetées.

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 31 août 1998 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnité présentée par Mme X.

Article 3 : La Communauté urbaine de Strasbourg est condamnée à payer à Mme X une somme de 25 000 euros en réparation des désordres causés à son immeuble.

Article 4 : Les conclusions de la Communauté urbaine de Strasbourg tendant à la condamnation de Mme X, de M. Z et de Mme A au paiement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : La Communauté urbaine de Strasbourg versera à Mme X une somme de 800 (huit-cents) € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif, initialement mis à la charge de Mme X pour un montant de 23 705 F (soit trois mille six-cent treize euros quatre-vingt), sont remis à la charge de la Communauté urbaine de Strasbourg.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à M. Z, à Mme A et à la Communauté urbaine de Strasbourg.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC02202
Date de la décision : 08/04/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. KINTZ
Rapporteur ?: M. MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : ROTH-PIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-04-08;98nc02202 ?
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