Vu le recours et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 22 juin, 22 juillet et 23 octobre 1998, présentés par la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
La ministre demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du 30 décembre 1997 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 11 octobre 1993 rejetant la demande d'autorisation d'exploitation d'une carrière sur le territoire des communes de Condren et Tergnier présentée par la Compagnie des Sablières de la Seine ;
2°) - de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif d'Amiens par la Compagnie des Sablières de la Seine ;
3°) - d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du 30 décembre 1987 ;
Code : C
Classement CNIJ : 40-02-02-06
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Vu le jugement et la décision attaqués ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêt du 10 décembre 1998 par lequel la Cour a rejeté les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
Vu le code minier ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 modifiée ;
Vu la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 ;
Vu la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 ;
Vu le décret n° 79-1108 du 20 décembre 1979 modifié ;
Vu le décret n° 93-351 du 15 mars 1993 ;
Vu le décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2003 :
- le rapport de M. JOB, Président,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la Compagnie des Sablières de la Seine a demandé le 24 décembre 1991 au préfet de l'Aisne l'autorisation d'exploiter une carrière sur un site de 47 hectares sur le territoire des communes de Condren et Tergnier ; que, par sa décision du 11 octobre 1993, le préfet a rejeté la demande en se fondant en premier lieu sur l'interdiction par le plan d'occupation des sols de la commune de Condren de toute exploitation de carrières sur la partie de territoire de la commune concernée par la demande, en deuxième lieu sur la situation d'une partie de l'exploitation envisagée en zone rouge du plan d'exposition aux risques d'inondation (PERI)qui interdit toute exploitation de carrière, en troisième lieu sur les carences du dossier de demande d'autorisation quant à l'analyse des risques de divagation de l'Oise dans les fosses et les garanties de la qualité hydraulique du secteur, en quatrième lieu sur la situation du projet dans une zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique (ZNIEFF) où se trouvent des espèces protégées par les arrêts ministériels des 24 avril 1979 et 17 avril 1981 et dont la destruction ou l'enlèvement sont interdits, enfin sur la situation de projet dans une zone classée d'intérêt communautaire pour les oiseaux (ZICO) qui fait l'objet d'un programme d'intervention communautaire, et d'une étude pour son classement en zone de protection spéciale ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 23 du décret du 20 décembre 1979 susvisé : 1° L'arrêté préfectoral accordant l'autorisation d'exploiter une carrière précise les nom, prénom... en détermine les limites territoriales... ; qu'il résulte desdites dispositions qu' en vue notamment de réduire les inconvénients du projet pour la préservation du site et pour la protection de l'environnement, il appartient au préfet de déterminer les limites territoriales de l'autorisation ;
Considérant que si la société demanderesse ne conteste pas le bien fondé du motif tiré de ce que le plan d'occupation des sols de la commune de Condren interdisait toute exploitation de carrières sur la partie de territoire de la commune concernée par la demande au lieudit La Hamelle, en revanche, le préfet de l'Aisne ne pouvait, au motif qu'une partie de ses terrains concernés ne pouvaient faire l'objet d'une exploitation, légalement lui refuser l'autorisation d'exploitation pour la totalité des terrains concernés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 alors en vigueur : I. L'Etat élabore et met en application des plans d'exposition aux risques naturels prévisibles, qui déterminent notamment les zones exposées et les techniques de prévention à y mettre en oeuvre... Ces plans sont élaborés et révisés dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Ils valent servitudes d'utilité publique et sont annexés au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L.123-10 du code de l'urbanisme ; repris depuis son abrogation par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, par l'article L.126-1 du même code ; qu'aux termes de l'article 9 du décret n° 93-351 du 15 mars 1993 : Le plan d'exposition aux risques, éventuellement modifié pour tenir compte des avis des conseils municipaux, est approuvé par arrêté préfectoral ; qu'il s'ensuit que le préfet ne pouvait se fonder sur un tel plan dès lors qu'il n'était pas encore approuvé pour rejeter la demande ; que si le préfet ne pouvait ignorer, pour prendre sa décision, les risques tels qu'ils figuraient dans le projet de plan et se fonder sur de tels risques, il n'a pas motivé sa décision par lesdits risques, mais par le seul classement en zone rouge du plan d'exposition aux risques d'inondation ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 106 du code minier dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Sous réserve des cas fixés par décret en Conseil d'Etat, la mise en exploitation de toute carrière par le propriétaire ou ses ayants-droit est subordonnée à une autorisation délivrée par le préfet (...). L'autorisation ne peut être refusée que si l'exploitation est susceptible de faire obstacle à l'application d'une disposition d'intérêt général. Le refus intervient par arrêté motivé (...) ; qu'aux termes des premier et deuxième alinéas de l'article 22 du décret du 20 décembre 1979 susvisé : L'autorisation est subordonnée au respect des dispositions législatives applicables aux installations en cause et aux textes pris pour leur application. / Elle ne peut être refusée au titre du code minier que pour les motifs suivants : / 1°) L'exploitation envisagée est susceptible de faire obstacle à l'application d'une disposition d'intérêt général et notamment si les dangers et inconvénients qu'elle présente en particulier au regard des intérêts visés par l'article 84 du code minier ne peuvent être prévenus, compensés, réduits ou supprimés par des mesures appropriées (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le commissaire-enquêteur dans son rapport du 20 décembre 1992 a motivé son avis favorable à l'autorisation du projet par de rares réserves expresses en matière d'hydrogéologie relatives à l'édification d'un merlon le long du chemin des Sarts à Condren, et la surveillance piézométrique du site durant l'exploitation, en revanche, tous les services administratifs consultés lors de l'instruction de la demande ont émis des avis défavorables ou très défavorables au projet en raison de l'atteinte qui serait portée tant aux intérêts hydrauliques du secteur qu'à l'environnement écologique, faunistique et floristique, ainsi qu'aux oiseaux ;
Considérant, d'une part, que si les trois études hydrologiques produites par la société demanderesse établissent l'existence d'un secteur hydraulique instable, le risque lié à une possible divagation de l'Oise dans les fosses d'extraction est faible voire inexistant ; qu' il est prévu une exploitation distante de 15 mètres des berges et un aménagement de fin de travaux à 30 mètres de celles-ci avec rétablissement d'une en fin d'exploitation ; qu'au surplus, les conditions d'extraction tiennent compte de l'instabilité du système hydraulique ; que si les études hydrauliques relatives aux extractions envisagées sur les communes d'Amigny Rouy, Beautaur et Servais soulignent l'intérêt en aval du secteur de Condren de zones favorables à de futurs captages d'eau potable, l'étude d'impact permet d'évaluer de très faible à nul le risque qui résulterait de l'exploitation de carrières pour le milieu souterrain et pour la nappe phréatique vulnérable ; qu'au surplus, le nouveau captage de Tergnier est situé dans le champ d'exclusion d'extraction dans le plan d'occupation des sols de la commune de Tergnier ; que, dans ces conditions, dans la mesure où le préfet s'est fondé sur le défaut par le dossier de demande d'autorisation d'analyse des risques de divagation de l'Oise dans les futures fosses d'extraction, ne permettant pas de garantir la stabilité hydraulique du secteur, alors que ces risques sont analysés par des études hydrauliques d'impact, le ministre ne saurait se fonder légalement sur l'insuffisance d'une telle étude à un motif différent de celui retenu par le préfet qui n'était pas en situation de compétence liée ;
Considérant d'autre part, qu'il ressort des trois études menées sur la moyenne vallée de l'Oise délimitée par une ZNIEFF, une ZICO de niveau national ou européen que le site d'Amigny Rouy sur la berge est de l'Oise face à celui de Condren est une zone caractéristique dont l'écosystème présente d'un point de vue floristique et faunistique une valeur remarquable justifiant une protection toute particulière alors que toute exploitation de carrières lui causerait un dommage irréversible ; qu'en revanche, l'inclusion dans ces mêmes périmètres des sites de Condren-Tergnier dont l'intérêt écologique est faible, botanique et faunistique à majorité faible ou moyen, répond à un simple rôle de tampon entre leurs zones d'intérêt à fortes activités agricoles ou industrielles et les secteurs écologiques sensibles d'Amigny Rouy dont il n'est pas établi que l'exploitation mesurée de carrières serait de nature à causer à l'écosystème un dommage ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté préfectoral refusant à la Compagnie des Sablières de la Seine l'autorisation d'exploiter une carrière sur le territoire des communes de Tergnier et Condren ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la Compagnie des Sablières de la Seine la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative dont les dispositions se sont substituées à celles de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : Le recours du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est rejeté.
ARTICLE 2 : L'Etat versera à la Compagnie des Sablières de la Seine la somme de mille euros (1 000) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ARTICLE 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'écologie et du développement durable et à la Compagnie des Sablières de la Seine.
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