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21/03/2002 | FRANCE | N°96NC02807;97NC01675

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 21 mars 2002, 96NC02807 et 97NC01675


(Troisième chambre)
I ) Vu la requête n 96NC02807 et le mémoire ampliatif, enregistrés les 31 octobre 1996 et 27 mai 1997, présentés pour les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG dont le siège est 1, place de l'Hôpital à Strasbourg, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG demandent à la Cour :
- d'annuler le jugement n 882297 du 3 septembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg les a déclarés entièrement responsables des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale

subie par M. Francis Z... le 13 avril 1988 et a invité les consorts Z.....

(Troisième chambre)
I ) Vu la requête n 96NC02807 et le mémoire ampliatif, enregistrés les 31 octobre 1996 et 27 mai 1997, présentés pour les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG dont le siège est 1, place de l'Hôpital à Strasbourg, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG demandent à la Cour :
- d'annuler le jugement n 882297 du 3 septembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg les a déclarés entièrement responsables des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par M. Francis Z... le 13 avril 1988 et a invité les consorts Z... et la caisse des français à l'étranger à justifier l'ensemble de leur préjudice ;
- de rejeter la demande des consorts Z... et de la caisse des français à l'étranger ;
Vu le jugement attaqué ;
II) Vu la requête n 97NC01675, enregistrée le 21 juillet 1997, et le mémoire ampliatif, enregistré le 26 décembre 1997, présentés pour les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG demandent à la Cour :
- d'annuler le jugement n 882297 du 27 mai 1997 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à verser à M. Francis Z... une somme de 2 500 000 francs, 200 000 francs à Mme Margaret Z..., 240 000 francs aux enfants mineurs Arnaud et Maxime Z..., 200 000 francs à M. et Mme Louis Z..., 3 668 477,90 francs à la caisse des français à l'étranger, outre les arrérages de la pension d'invalidité et des frais d'hospitalisation en long séjour d'un montant de 1 793 364,06 francs ;
- de rejeter les conclusions des consorts Z... et de la caisse des français à l'étranger ;
Les consorts Z... demandent à la Cour :
- de rejeter l'appel principal des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ;
- de les condamner à leur verser une somme de 20 000 francs sur le fondement des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- par appel incident, de condamner les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG à verser ; + aux époux Francis Z... une somme de 4 000 000 francs au titre de la perte de revenus du foyer, une somme de 300 000 francs au titre des frais divers exposés par le ménage ; + à M. Francis Z... une somme de 2 000 000 francs au titre des troubles non physiologiques dans les conditions d'existence, du
préjudice d'agrément et du pretium doloris éprouvé, outre une somme de 4 000 000 francs au titre des troubles physiologiques dans ses conditions d'existence ; + à Mme Margareth Z... une somme de 300 000 francs au titre de son préjudice moral ; + à l'enfant majeur Arnaud Z... une somme de 300 000 francs au titre de son préjudice moral et la même somme pour l'enfant mineur Maxime Z... ;
- à ce que l'ensemble de ces sommes portent intérêts à compter de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif le 6 décembre 1988, outre la capitalisation des intérêts ;
- à la condamnation des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG à payer les entiers frais et dépens de l'instance y compris ceux relatifs à la procédure de référé expertise et à l'expertise ;
- à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à payer une somme de 30 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'arrêt de la Cour en date du 19 mars 1998 accordant le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 septembre 1996 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2002 :
- le rapport de M. QUENCEZ, président, - les observations de Me X... pour Me LE PRADO, avocat des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, de Me A... pour la SCP WACHSMANN, avocat de M. et Mme F. Z... et de Me Y... pour la SCP BERARD-JEMOLI, avocat de M. et Mme L. Z... ;
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes présentées par les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG sont relatives aux conséquences de la même opération médicale et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement en date du 3 septembre 1996 :
Considérant que si les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG soutiennent que ce jugement a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière car le tribunal a sollicité un complément d'expertise sans en aviser les parties et sans décision juridictionnelle, ils ne sont pas recevables à invoquer un tel moyen pour la première fois devant le juge d'appel ;
Sur la régularité du jugement en date du 27 mai 1997 :
Considérant que si les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG invoquent l'insuffisance de motivation de ce jugement, ils n'apportent aucun élément précis à l'appui de leur affirmation ; que ce moyen doit en conséquence être écarté ;
Sur la responsabilité des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement d'un malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des trois experts désignés par le tribunal administratif de Strasbourg, que si l'origine exacte de l'enchaînement des faits ayant conduit à l'arrêt cardiaque dont a été victime M. Z... au cours d'une opération de la colonne vertébrale qu'il a subie le 13 avril 1988 n'a pu être déterminée avec précision, cet arrêt cardiaque est survenu lors de l'intervention sous anesthésie générale en décubitus ventral, complication qui est connue mais qui présente un caractère exceptionnel ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. Z... était particulièrement exposé à un risque d'arrêt cardiaque compte tenu de son affection ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que dès lors que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG ne contestent pas que les autres conditions d'engagement de la responsabilité sans faute étaient remplies, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le dommage subi par M. Z... pouvait être indemnisé sur ce fondement ;
Sur le préjudice et les conclusions incidentes des consorts Z... :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que M. Francis Z..., âgé de 34 ans, est dans le coma à la suite de l'accident survenu lors de l'opération qu'il a subie le 13 avril 1988 et reste atteint de séquelles lui occasionnant une incapacité permanente totale de 100 % à raison de laquelle une pension lui est versée par la caisse des français de l'étranger agissant en tant qu'organisme de sécurité sociale ; que pour évaluer le montant global de l'indemnité qui doit être mise à la charge des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, il y a lieu non d'additionner, comme l'a fait à tort le tribunal administratif, les créances respectives de M. Z... et de la caisse des français de l'étranger, ces dernières étant calculées en fonction des règles propres à la législation de la sécurité sociale, mais d'évaluer, selon les règles du droit commun, le dommage causé par l'accident ;
En ce qui concerne le préjudice global :
Considérant que les frais d'hospitalisation de M. Z... se sont élevés à la somme de 4 541 441 francs ; que M. Z... est dans un état de coma végétatif depuis son accident et qu'aucune évolution favorable ne peut être raisonnablement envisagée ; que l'intéressé est ainsi privé de toute intégrité physique et devra, sa vie durant, être hospitalisé ; que compte tenu des circonstances de l'accident, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait ressenti des douleurs justifiant une indemnisation à ce titre ; que les troubles dans les conditions d'existence, en l'absence de préjudice d'agrément, se limitent à la perte de l'intégrité physique et peuvent être évalués à la somme de 1,5 millions de francs ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à la perte de revenus en le fixant à 1,5 millions de francs ; que le préjudice total dont la réparation doit être mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg doit être fixé à 7 541 441 francs soit 1 149 685,30 euros ;
En ce qui concerne les droits de la caisse des français de l'étranger :
Considérant que la caisse des français de l'étranger justifie de débours résultant, en premier lieu, des frais d'hospitalisation pour un montant de 4 542 441 francs, en deuxième lieu, d'indemnités journalières pour une somme de 70 044 francs, en troisième lieu, d'arrérages de pension déjà versés à hauteur de 498 624 francs ; qu'elle demande également le remboursement du capital représentatif des arrérages de la pension à verser à M. Z... auquel s'ajoute la facture annuelle d'hospitalisation en long séjour d'un montant total de 1 793 364,06 francs ; que le montant total de la créance de la caisse des français de l'étranger s'élève en conséquence à 6 904 473 francs soit 1 052 580,10 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale : "( ...) si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ( ...) la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part de l'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime à l'exclusion de la part d'indemnité de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ( ...)." ;

Considérant qu'il en résulte que les créances invoquées par la caisse des français de l'étranger peuvent s'imputer sur le montant des frais d'hospitalisation, sur la part physiologique des troubles dans les conditions d'existence ainsi que sur le montant de l'indemnité réparant la perte de revenus, d'un montant total de 7 541 441 francs soit 1 149 685,30 euros ;
Considérant que la caisse des français de l'étranger a droit au remboursement des sommes déjà versées soit une somme de 5 111 109 francs et que pour ce qui concerne les arrérages de la pension et les frais d'hospitalisation en long séjour à compter du 24 octobre 1996, il y a lieu, dès lors, que leur montant global est inférieur au montant du préjudice sur lequel ces sommes peuvent venir s'imputer, de condamner les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG à leur remboursement au fur et à mesure de leurs échéances ;
En ce qui concerne les droits de M. Z... :
Considérant que le préjudice indemnisable de M. Z... est constitué par la différence entre le montant du préjudice total et les sommes dues à la caisse des français de l'étranger, soit un montant de 636 968 francs ou 91 105,15 euros ;
En ce qui concerne les préjudices subis par Mme Margareth Z... et par les deux enfants Arnaud et Maxime :
Considérant qu'en ayant accordé les sommes de 200 000 francs à Mme Margareth Z... et de 240 000 francs à ses enfants en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi, le premier juge n'a pas procédé à une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ;
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :
Considérant que si Mme Margareth Z... ne justifie pas du lien direct entre l'accident survenu à son mari et les frais liés à l'achat d'un véhicule ou d'aménagement d'une nouvelle maison, dès lors en particulier que M. Z... doit rester hospitalisé, en revanche, elle est fondée à demander réparation pour les frais de trajet entre son domicile et le lieu d'hospitalisation de son mari ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ces frais en les fixant à 50 000 francs soit 7 622,45 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, d'une part, que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG sont fondés à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a accordé une indemnité de 2,5 millions de francs à M. Francis Z... et, d'autre part, que les consorts Z... ne sont pas fondés à demander une majoration des indemnités qui leur ont été accordées par le premier juge ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que M. Francis Z..., son épouse et leurs deux enfants ont droit aux intérêts des indemnités à compter du 6 décembre 1988, date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif ;

Considérant que la capitalisation de ces intérêts a été demandée par M. Francis Z..., son épouse et ses deux enfants le 12 mars 1988 et le 18 février 2002 ; qu'à ces dates et au cas où le jugement n'aurait pas été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG n'étant pas dans le présent litige, la partie perdante, les consorts Z... ne sont pas fondés à demander leur condamnation à leur verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le montant de la condamnation fixée par l'article 1er du jugement du 27 mai 1997 au profit de M. Francis Z... est ramenée de 2 500 000 francs, soit 381 122,54 euros, à 636 968 francs, soit 91 105,15 euros.
Article 2 : L'article 4 du jugement précité du tribunal est modifié comme suit : "LES HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG" sont condamnés à payer à la caisse des français à l'étranger, d'une part, une indemnité de 5 111 109 francs, soit 779 183,54 euros, et, d'autre part, au fur et à mesure de leurs échéances postérieures au 24 octobre 1996 les arrérages de la pension d'invalidité et des frais d'hospitalisation en long séjour."
Article 3 : Les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG sont condamnés à verser une somme de 50 000 francs, soit 7 622,45 euros, à M. Francis Z... en réparation du préjudice lié aux frais de déplacements de Mme Z... et de ses enfants.
Article 4 : Les indemnités versées à M. Francis Z..., à Mme Margareth Z... et à MM. Arnaud et Maxime Z... porteront intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 1988. Les intérêts afférents à ces indemnités échus le 12 mars 1988 et le 18 février 2002 seront, dans le cas où, à ces dates, elles n'auraient pas été
versées, capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mai 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, l'appel incident des consorts Z... et le surplus des conclusions de l'appel incident de la caisse des français de l'étranger sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG, à M. Francis Z..., à Mme Margareth Z..., à MM. Arnaud et Maxime Z..., aux époux Louis Z... et à la caisse des français de l'étranger.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96NC02807;97NC01675
Date de la décision : 21/03/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-005 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE SANS FAUTE


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L454-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. QUENCEZ
Rapporteur public ?: M. ADRIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2002-03-21;96nc02807 ?
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