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14/06/2001 | FRANCE | N°96NC01888

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 14 juin 2001, 96NC01888


(Formation plénière )
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 11 juillet 1996, présentée pour Mme Jeanine X... et les héritiers de M. Jean X..., demeurant à Tours-sur-Marne (Marne), par Me Madignier, avocat à la Cour :
Les consorts X... demandent à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 94-33 en date du 11 juin 1996, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande des époux X... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1988 et 1989

dans les rôles de la commune de Tours-sur-Marne ;
2 ) - de prononcer la dé...

(Formation plénière )
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 11 juillet 1996, présentée pour Mme Jeanine X... et les héritiers de M. Jean X..., demeurant à Tours-sur-Marne (Marne), par Me Madignier, avocat à la Cour :
Les consorts X... demandent à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 94-33 en date du 11 juin 1996, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande des époux X... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1988 et 1989 dans les rôles de la commune de Tours-sur-Marne ;
2 ) - de prononcer la décharge demandée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 12 avril 2000 du président de la deuxième chambre clôturant l'instruction au 19 mai 2000 ;
Vu l'ordonnance en date 24 mai 2000 du président de la deuxième chambre rouvrant l'instruction ;
Vu l'ordonnance en date du 13 décembre 2000 du président de la deuxième chambre clôturant l'instruction au 10 janvier 2001 ;
Vu, en date du 14 février 2001, l'avis envoyé par le président de la Chambre aux parties en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative les informant que le recours lui paraissait tardif en tant qu'il critiquait le bien-fondé du jugement ;
Vu l'ordonnance en date 3 mars 2001 du président de la deuxième chambre rouvrant l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2001 :
- le rapport de M. COMMENVILLE, Président,
- les observations de Me MADIGNIER, avocat des consorts X...,
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, pour contester le caractère d'acte anormal de gestion qui résultait selon l'administration de la vente par l'entreprise individuelle de Mme

Y...

et par la société civile d' exploitation viticole

Y...

de vins en bouteilles et en fûts à prix minorés au profit de la SARL Champagne Chauvet, les consorts X... avaient notamment soutenu devant le Tribunal administratif que la circonstance que les deux exploitations en cause entretenaient des relations commerciales privilégiées et exclusives avec la SARL Champagne Chauvet était de nature à justifier la pratique d'un prix de cession inférieur à celui qui correspond au niveau général du marché; qu'en estimant que l'administration établissait que les ventes en cause constituaient pour l'entreprise individuelle de Mme

Y...

et pour la société civile d'exploitation viticole

Y...

des actes anormaux de gestion, sans se prononcer sur l'argumentation susrappelée des requérants, les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur réponse au moyen soulevé devant eux ; que les consorts X... sont dès lors fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les consorts X... devant le Tribunal administratif de Châlons-en- Champagne ;
Sur les redressements résultant de la constatation d'actes de gestion anormaux :

Considérant que, d'une part, l'entreprise commerciale de négoce de vins de Champagne de la marque " Champagne Chauvet ", exploitée sous forme individuelle par Mme Y..., a vendu en 1988 des vins en bouteille non achevées (dites " sur lattes ") et " terminées ", et, en 1989, des vins en bouteilles " sur lattes " et en fûts (dits " en cercles ") à la SARL Champagne Chauvet crée en 1988 entre Mme Y... et ses quatre enfants afin de succéder à l'entreprise individuelle pour la commercialisation des produits de la marque " Champagne Chauvet " ; que, d'autre part, la société civile d'exploitation viticole (SCEV) PAILLARD-CHAUVET, constituée entre M. X... et son épouse susnommée, a également cédé en 1989 à la SARL Champagne Chauvet des bouteilles de vin "sur lattes" et "terminées" en vue de leur commercialisation sous la marque " Champagne Chauvet" ; qu'à l'issue de la vérification des comptabilités de l'entreprise individuelle de Mme
Y...
et de la SCEV PAILLARD-CHAUVET, l'administration a estimé que les ventes consenties par ces deux exploitations à la SARL Champagne Chauvet avaient été effectuées à des prix minorés et que les entreprises venderesses avaient ainsi, par l'effet d'un acte anormal de gestion, renoncé à percevoir des recettes dont le montant devait être réintégré dans les résultats de chaque exploitation ; qu'elle a, par suite, réintégré à ce titre, à l'issue de procédures contradictoires et sans consulter la commission départementale des impôts, les sommes de 1 136 763 F en 1988 et 128 282 F en 1989 dans les bénéfices industriels et commerciaux du négoce de Mme Y... et de 689 797 F en 1989 dans les bénéfices agricoles de la SCEV
Y...
; que Mme X... et ses quatre fils en leur qualité d' héritiers de M. X... contestent les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondant à ces réintégrations mises à la charge des époux X... au titre des années 1988 et 1989 ;
Considérant que, lorsque l'administration soutient, comme en l'espèce, qu'une opération retracée en comptabilité et consistant en une livraison de biens ou une fourniture de services aurait été insuffisamment facturée au client, il lui appartient d'établir les faits dont il ressortirait que l'entreprise aurait renoncé, sans justification, à percevoir une fraction des recettes qui lui auraient été dues et qui conféreraient à cet acte un caractère anormal ;

Considérant, en premier lieu, que pour évaluer à 42 F (HT) en 1988 et à 44 F en 1989 la valeur moyenne de cession confondue des bouteilles de vin de Champagne "sur lattes" ou "terminées ", au lieu de 24,20 F et 25,269 F, l'administration fait état de termes de comparaison relevés à l'occasion de transactions prétendument similaires intervenues pendant la même période, sur le même terroir ; que, toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que les vins de Champagne sont commercialisés dans trois marchés où sont pratiqués des prix très différents, à savoir le marché des coopératives, le marché des "récoltes maisons", dans lequel interviennent les requérants, et le marché des ventes "en spéculation", l'administration ne justifie pas, ni même ne précise, sur lequel de ces marchés elle a relevé ses termes de comparaison, alors que les requérants soutiennent qu'ils correspondent à ceux du marché, qui n'est pas le leur, des ventes en spéculation, lequel marché, au surplus, était à l'époque, un "marché de pénurie" ; que l'administration ne précise pas davantage si ses termes de comparaison correspondent à des cessions de vins "sur lattes" ou de bouteilles terminées, ni les millésimes correspondants ; qu'en revanche les requérants produisent de nombreuses pièces émanant notamment de maisons concurrentes, du centre départemental d'économie rurale, de l'union des maisons de Champagne et du syndicat professionnel des courtiers en vins de Champagne établissant que des transactions ont eu lieu pendant la même période à des prix moyens très inférieurs à ceux qu'a retenus l'administration ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour réévaluer de 3 730 F à 4 500 F par hectolitre le produit de la vente de 20 hectolitres de vin "en cercles" cédés en 1989 par la SCEV Paillard- Chauvet à la SARL Champagnes Chauvet, et procéder en conséquence à un redressement de 15 400 F, le service a entendu se fonder exclusivement sur des comparaisons internes ; qu'il s'est ainsi référé à une unique autre vente faite aux établissements Champagne Gosset, mais dont il n'est pas contesté qu'elle portait sur du vin de l'année 1985 pouvant être immédiatement mis à la consommation, alors que la vente litigieuse portait sur du vin de la récolte de l'année 1988 insusceptible d'être vendu en l'état aux consommateurs compte tenu d'une maturation insuffisante ;
Considérant que, dans ces conditions , l'administration n'établit pas que, d'une part, l'entreprise de négoce de Mme
Y...
, et, d'autre part, la SCEV
Y...
, auraient consenti, par des facturations minorées, des abandons de recettes au profit de la SARL Champagne Chauvet au cours des années 1988 et 1989 ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur requête, les consorts X... sont fondés à soutenir que lesdits redressements ne sont pas justifiés ;
Sur les autres redressements :
Considérant que, si les consorts X... demandent la décharge de l'intégralité des rappels d'impôt sur le revenu résultant de la vérification des comptabilités des exploitations susmentionnées, ils n'ont assorti leurs conclusions d'aucun moyen au soutien de la contestation des autres redressements constitués, dans chaque exploitation, par la réintégration de charges non déductibles ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les consorts X... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande en décharge des impositions résultant des réintégrations de 1 136 763 F et 128 282 F dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux respectivement au titre des années 1988 et 1989, et de 689 797 F dans la catégorie des bénéfices agricoles au titre de l'année 1989 ;
Article 1er : Le jugement en date du 11 juin 1996 du tribunal administratif de Châlons-en- Champagne est annulé .
Article 2 : Le montant du résultat à retenir dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour la détermination de l'impôt sur le revenu de M. et Mme X... est ramené à un déficit de 126 947 F au titre de l'année 1988 et à un bénéfice de 12 512 F au titre de l'année 1989.
Article 3 : Le montant global des bénéfices à retenir dans la catégorie des bénéfices agricoles pour la détermination de l'impôt sur le revenu de M. et Mme X... au titre de l'année 1989 est ramené à 331 888 F.
Article 4 : M. et Mme X... sont déchargés de la différence entre l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1988 et 1989 et celui qui résulte des articles 2 et 3 ci-dessus.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par les consorts X... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et des conclusions de leur requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux consorts X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 96NC01888
Date de la décision : 14/06/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. COMMENVILLE
Rapporteur public ?: M. STAMM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2001-06-14;96nc01888 ?
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