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22/02/2001 | FRANCE | N°96NC00560

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 22 février 2001, 96NC00560


(Formation plénière)
Vu la requête, enregistrée le 13 février 1996 au greffe de la Cour, présentée pour la société CARIPLO BANQUE, société anonyme dont le siège est ... (8ème), représentée par son président-directeur général en exercice, par Mes Ottaway et Blein, avocats au barreau de Paris ;
La Société CARIPLO BANQUE demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 5 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une somme de 15 810 000 F avec intérêts a

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(Formation plénière)
Vu la requête, enregistrée le 13 février 1996 au greffe de la Cour, présentée pour la société CARIPLO BANQUE, société anonyme dont le siège est ... (8ème), représentée par son président-directeur général en exercice, par Mes Ottaway et Blein, avocats au barreau de Paris ;
La Société CARIPLO BANQUE demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 5 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une somme de 15 810 000 F avec intérêts au taux légal en réparation du préjudice subi du fait du remboursement au cédant du montant d'une créance consistant en un crédit remboursable de taxe sur la valeur ajoutée, que ce dernier lui avait cédée, d'autre part, une somme de 3 000 000 F à titre de dommages intérêts ;
2 / de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15 810 000 F en réparation du préjudice subi du fait du paiement entre les mains du cédant du crédit de la taxe à la valeur ajoutée remboursable, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date dudit remboursement ;
3 / de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la cour, portant clôture de l'instruction à compter du 16 octobre 2000 à 16 heures ;
Vu la correspondance du 8 janvier 2001 par laquelle le président de la Cour a informé les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 81-1 du 2 janvier 1981 modifiée ;
Vu le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n 81-862 du 9 septembre 1981 modifié pris pour l'application de la loi du 2 janvier 1981 susvisée ;
Vu le décret n 93-977 du 31 juillet 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2001 :
- le rapport de M. VINCENT, Président,
- les observations de Me X..., substituant Me Y...,
avocat de la SOCIETE CARIPLO BANQUE,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 2 janvier 1981 : "Tout crédit qu'un établissement de crédit consent ... à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ... par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ..." ; qu'aux termes de l'article 4 de ladite loi : "La cession ... prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau ..." ; qu'enfin, en vertu de l'article 5 de la même loi : "L'établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ... de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, ... le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit" ;
Considérant que M. Vincent, marchand de biens, a cédé sur le fondement de ces dispositions à la Compagnie internationale de banque par bordereau en date du 12 avril 1990 une créance d'un montant de 15 810 000 F, consistant en un crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'il estimait détenir sur l'Etat à raison de l'acquisition d'un immeuble ayant donné lieu à un prêt consenti à l'intéressé par cet établissement ; que, toutefois, après que le ministre chargé du budget ait admis le principe et le montant de la dette de l'Etat relative au crédit de la taxe sur la valeur ajoutée afférent à cette opération, le trésorier payeur général de la Marne, soutenant ne pas avoir reçu notification d'une telle cession, a opéré le versement correspondant sur un compte ouvert par M. Vincent auprès de ses services, et non sur celui détenu par l'intéressé auprès de la Compagnie internationale de banque ; que la société CARIPLO BANQUE, venant aux droits de la Compagnie internationale de banque, relève appel du jugement du 5 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser cette somme assortie des intérêts légaux à compter du jour du paiement à M. Vincent ainsi qu'une somme de 3 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que, comme il vient d'être dit, la requête de la société CARIPLO BANQUE tend à demander le remboursement par l'Etat, débiteur cédé, du montant de la créance qu'elle détient sur lui consistant en un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'à lui verser une somme de 3 000 000 F de dommages et intérêts ; que de telles conclusions relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; que si celle-ci ne serait en revanche pas compétente pour se prononcer sur l'éventuelle irrégularité de la cession de créance entre le signataire et le bénéficiaire du bordereau, la régularité d'une telle cession et la date à laquelle celle-ci est intervenue n'ont fait l'objet d'aucune contestation entre les parties à l'acte de cession ; que, par application des dispositions sus-rappelées de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1981, la cession est opposable aux tiers à compter de la date portée sur le bordereau, soit en l'espèce le 12 avril 1990 ; que, par suite, il n'y avait pas lieu pour le tribunal administratif de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de la cession de créance ;
Sur le droit de la Compagnie internationale de banque au remboursement de sa créance :
Considérant qu'il ressort des dispositions précitées de l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 que la seule condition à laquelle est subordonné le bénéfice par le cessionnaire de la créance du droit d'obtenir que le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de lui est de notifier à ce dernier l'interdiction de payer entre les mains du cédant ; qu'il ne résulte d'aucune disposition de nature législative que cette notification ne doive être faite qu'au comptable assignataire de la dépense, à l'exclusion de l'ordonnateur ; que s'il ressort également des dispositions dudit article que les formes de cette notification sont fixées par décret en Conseil d'Etat, ce décret, intervenu le 9 septembre 1981 et modifié le 3 décembre 1985, ne comporte, hormis le domaine des marchés publics ou d'une commande publique hors marché, aucune obligation de cette nature, qui n'a été introduite que par le décret susvisé du 31 juillet 1993, postérieur à la notification litigieuse ;
Considérant il est vrai qu'aux termes de l'article 36 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : "Toutes oppositions ou autres significations ayant pour objet d'arrêter un paiement doivent être faites entre les mains du comptable public assignataire de la dépense" ; que, toutefois, ces dispositions réglementaires, qui fixent la procédure à suivre pour "arrêter un paiement" par le comptable, n'ont pas et ne sauraient avoir légalement pour effet d'imposer cette procédure à l'établissement de crédit cessionnaire qui a la faculté, ouverte par les dispositions législatives précitées, "d'interdire au débiteur" de la créance cédée de payer entre les mains du titulaire du bordereau par une notification, à tout moment des opérations de dépenses, de cette interdiction au représentant du débiteur ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 9 septembre 1981 modifié : "La notification prévue à l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 peut être faite par tout moyen ... En cas de litige, l'établissement qui a notifié doit apporter la preuve de la connaissance par le débiteur de la notification ..." ; que si la requérante n'établit pas que la notification en date du 4 avril 1991 qu'elle aurait adressée au trésorier payeur général de la Marne, comptable assignataire des dépenses de l'Etat territorialement compétent en l'espèce, aurait été reçue par ce dernier, qui soutient ne pas en avoir été rendu destinataire, il est en revanche constant qu'elle a également notifié la cession de créance dont s'agit au directeur des services fiscaux de la Marne, par pli adressé le 20 janvier 1992, dont l'accusé de réception lui a été retourné le 27 janvier 1992 ; qu'eu égard à ce qui précède, ladite notification doit être regardée comme régulièrement adressée à ce dernier, qui constitue l'autorité déconcentrée territorialement compétente à l'effet d'ordonnancer la dépense correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée ; que, nonobstant cette notification, le directeur des services fiscaux, qui allègue que ses services n'en auraient pas effectivement pris connaissance, alors qu'ils en ont accusé réception, n'a pas demandé au trésorier-payeur général, qui a effectué le règlement de la somme litigieuse le 11 juin 1992 sur un compte ouvert au nom de M. Vincent, de ne se libérer qu'auprès de la Compagnie internationale de banque ; que, par suite, la société CARIPLO BANQUE, venant aux droits de celle-ci, est fondée à demander le remboursement de sa créance, s'élevant à 15 810 000 F, et, par voie de conséquence, l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de dommages et intérêts :
Considérant que la société CARIPLO BANQUE ne justifie pas d'un préjudice distinct de l'impossibilité d'obtenir le remboursement de sa créance ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit, outre le montant de celle-ci, condamné à lui verser la somme de 3 000 000 F à titre de dommages et intérêts doivent être rejetées ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société CARIPLO BANQUE a droit aux intérêts de la somme de 15 810 000 F à compter du jour de la réception par le trésorier-payeur général de la Marne de sa demande préalable en date du 14 septembre 1992 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 5 décembre 1995 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société BANCA INTESA (FRANCE), venant aux droits de la société CARIPLO BANQUE, la somme de 15 810 000 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par le trésorier payeur général de la Marne de la demande préalable en date du 14 septembre 1992.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société CARIPLO BANQUE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société BANCA INTESA (FRANCE) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 96NC00560
Date de la décision : 22/02/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

18-05 COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - AUTRES QUESTIONS


Références :

Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 36
Décret 81-862 du 09 septembre 1981 art. 2
Décret 93-977 du 31 juillet 1993
Loi 81-1 du 02 janvier 1981 art. 1, art. 5, art. 4


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. VINCENT
Rapporteur public ?: M. ADRIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2001-02-22;96nc00560 ?
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