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09/12/1999 | FRANCE | N°96NC02771

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 09 décembre 1999, 96NC02771


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 octobre 1996 sous le N 96NC02771, présentée par M. José X..., demeurant ... à Châlons-en-Champagne (Marne) ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 94-2001 en date du 17 septembre 1996, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 14 décembre 1994 du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Marne lui refusant le bénéfice de l'aide à la création d'entreprise, à la condamnatio

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 octobre 1996 sous le N 96NC02771, présentée par M. José X..., demeurant ... à Châlons-en-Champagne (Marne) ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement n 94-2001 en date du 17 septembre 1996, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 14 décembre 1994 du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Marne lui refusant le bénéfice de l'aide à la création d'entreprise, à la condamnation de l'Etat à lui verser une aide de 32 000 F avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts, ainsi qu'une indemnité de 102 000 F à titre de dommages intérêts ;
2 ) - d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 14 décembre 1994 ;
3 ) - de condamner l'Etat à lui verser la somme de 32 000 F au titre de l'aide à la création d'entreprise, avec intérêts moratoires et capitalisation des intérêts à la date du 1er janvier 1995 et à lui délivrer une attestation en vue de l'exonération des charges sociales pendant un an ;
4 ) - de condamner l'Etat à lui payer une somme de 52 000 F hors taxe au titre des bénéfices attendus d'une opération commerciale, et une somme de 50 000 F à titre de dommages intérêts ;
5 ) - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance en date du 27 septembre 1999 du président de la 1ère chambre clôturant l'instruction au 14 octobre 1999 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 86-76 du 17 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n 95-125 du 8 février 1995 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1999 :
- le rapport de M. COMMENVILLE, Premier Conseiller ;
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.351-24 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 20 décembre 1993 : "Ont droit à une aide de l'Etat les personnes énumérées ci-après qui créent ou reprennent une entreprise industrielle commerciale ou agricole ( ...) :
1 les bénéficiaires d'un des revenus de remplacement prévus à l'article L.351-2 ; 2 les chômeurs inscrits comme demandeurs d'emploi depuis six mois et les bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion ; le montant forfaitaire de cette aide est fixé par décret. Elle est réputée accordée si un refus explicite n'intervient pas dans le mois qui suit la demande ( ...). Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article." et qu'aux termes de l'article R.351-43 du même code : "I ( ...) la demande doit être accompagnée d'un dossier permettant d'apprécier la réalité et la consistance du projet de création ou reprise de l'entreprise ou d'exercice de la nouvelle activité ; ce dossier doit comporter des indications précises sur le contenu du projet, ( ...). II. Si le dossier est incomplet, la demande fait l'objet d'une décision de rejet en l'état dans le délai d'un mois à compter de sa réception. Cette décision fait connaître au demandeur la liste des pièces manquantes ou incomplètes. L'envoi au préfet du complément de dossier, par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal, fait courir de nouveau le délai d'un mois mentionné au deuxième alinéa de l'article L.351-24";
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., alors demandeur d'emploi, qui envisageait de créer une agence commerciale, a adressé le 15 juillet 1994 au préfet de la Marne une demande suffisamment explicite d'aide à la création d'emploi en application des dispositions précitées, dont il a été accusé réception le 18 juillet 1994 ; qu'en l'absence de toute réponse, l'intéressé a confirmé sa demande le 23 novembre 1994, à la suite de quoi, par décision en date du 1er septembre 1994, le directeur départemental du travail et de l'emploi du département de la Marne lui a fait connaître que sa demande était rejetée à défaut d'avoir été accompagnée du dossier susmentionné dont la production est prévue par l'article R.351-43 précité ;
Considérant qu'il résulte clairement de l'ensemble des dispositions précitées que toute demande incomplète doit faire l'objet d'une décision de rejet en l'état dans le délai d'un mois à partir de sa réception, faute de quoi le bénéfice de l'aide est réputé accordé ; qu'à la suite d'une telle décision implicite d'acceptation, l'autorité administrative se trouve dessaisie et qu'il ne lui est plus possible de revenir sur ladite décision ; que, par suite, la décision susmentionnée du 1er décembre 1994, intervenue plus d'un mois après la présentation de la demande de M. X... et en prononçant le rejet, est illégale et doit être annulée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8- 2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt ( ...) ; qu'invité par lettre du greffier de la première chambre de la cour administrative d'appel à faire savoir si la situation de M. X... a été modifiée en fait ou en droit depuis le 18 août 1994, date à laquelle l'aide lui a été réputée accordée, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet ou que des circonstances postérieures à la date de ladite décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet, le ministre du travail et des affaires sociales n'a pas donné suite à cette demande ; que par suite, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de prescrire à l'autorité compétente de verser à M. X... l'aide d'un montant de 32 000 F prévue par l'article 1 du décret du 21 mars 1994, ainsi que la délivrance de l'attestation qu'implique la reconnaissance du droit à l'aide, prévue à l'article R.351-43-2 du code du travail et permettant à l'intéressé de bénéficier des avantages prévus par les articles L.161-1 et L.161-24 du code de la sécurité sociale et par l'article 4 de la loi n 79-10 du 3 janvier 1979 modifiée ;
Sur les conclusions à fin de condamnation de l'Etat au versement de dommages intérêts et d'intérêts moratoires capitalisés :
Considérant qu'aux termes de l'article R.116 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés à peine d'irrecevabilité par l'un des mandataires mentionnés à l'article R.108 ; toutefois, sont dispensés du ministère d'avocat devant la cour administrative d'appel les litiges en matière : 1 ) d'élections ; 2 ) de contraventions de grande voirie ; 3 ) de contributions directes, de taxes sur le chiffre d'affaires et de taxes assimilées ;
4 ) de pensions, d'aide sociale, d'emplois réservés, d'indemnisation des rapatriés ;
Sont également dispensées du ministère d'avocat les requêtes dirigées contre les décisions des tribunaux administratifs statuant sur les recours pour excès de pouvoir contre les actes des diverses autorités administratives" ;

Considérant, d'une part, que les conclusions de M. X... tendent à la condamnation de l'Etat à lui verser des intérêts moratoires capitalisés ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour lui du refus, comme il est dit ci-dessus, par l'administration de lui accorder le bénéfice de l'aide à la création d'emploi prévue par l'article L.351-24 du code du travail ; que le litige de plein contentieux ainsi soulevé ne peut être regardé comme étant en matière d'aide sociale au sens des dispositions précitées de l'article R.116 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, dès lors, ladite requête n'entre dans aucun des cas dispensés par cet article du ministère d'avocat devant la cour ;
Considérant, d'autre part, que si l'article 6 paragraphe 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que "tout accusé a droit notamment à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix ...", ces dispositions ne sont applicables qu'en matière pénale ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
Considérant, par suite, que M. X... ayant présenté ses conclusions à fin de dommages et intérêts sans le ministère d'avocat et n'ayant pas donné suite à l'invitation à la régulariser qui lui a été adressée par le greffe de la cour, lesdites conclusions ne sont pas recevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de sa requête tendant ensemble à l'annulation de la décision du 1er décembre 1994 lui refusant le bénéfice de l'aide à la création d'entreprises, et à la prescription de mesures d'exécution de son jugement à cet égard ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cour administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 1 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision en date du 1er décembre 1994 du directeur départemental du travail et de l'emploi du département de la Marne rejetant la demande d'aide à la création d'entreprise présentée par M. X... est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'Etat (ministre de l'emploi et de la solidarité) de verser à M. X... la somme de trente deux mille (32 000 F) et de lui délivrer l'attestation prévue à l'article R.351-43-2 du code du travail.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. X... une somme de 1 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96NC02771
Date de la décision : 09/12/1999
Sens de l'arrêt : Annulation injonction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DISPARITION DE L'ACTE - RETRAIT - RETRAIT DES ACTES CREATEURS DE DROITS - CONDITIONS DU RETRAIT - CAS PARTICULIERS - RETRAIT DES AUTORISATIONS TACITES - Aide à la création d'entreprises par les salariés involontairement privés d'emploi (art - L - 351-24 et R - 351-43 du code du travail) - Absence de refus explicite d'octroi de l'aide prononcé dans le délai d'un mois suivant la demande - Aide réputée accordée - Illégalité du retrait (1).

01-09-01-02-01-04-02, 66-10-01 L'aide étant, en vertu de l'article L. 351-24 du code du travail, réputée accordée en l'absence d'un refus explicite intervenu dans le mois qui suit la demande, son bénéfice ne peut être retiré après l'expiration de ce délai au motif que le dossier était incomplet.

- RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - AIDE A L'EMPLOI - Aide à la création d'entreprises par les salariés involontairement privés d'emploi (art - L - 351-24 et R - 351-43 du code du travail) - Retrait d'une aide réputée accordée en l'absence d'un refus explicite prononcé dans le délai d'un mois suivant la demande - Illégalité (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R108, R116, L8-1
Code du travail L351-24
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6-3

1.

Cf. CE, Section, 1969-11-14, Sieur Eve, p. 498


Composition du Tribunal
Président : M. Laporte
Rapporteur ?: M. Commenville
Rapporteur public ?: Mme Rousselle

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-12-09;96nc02771 ?
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