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21/10/1999 | FRANCE | N°98NC02323

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 21 octobre 1999, 98NC02323


(Première Chambre)
Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 10 et 16 novembre 1998 et 28 juin 1999 sous le n 98NC02323 présentés pour M. Y... Moussa, demeurant au centre de détention de Saint-Mihiel (Meuse), par Me Z... et Denys X..., avocats ;
M. Y... demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement n 98-1017-981205 en date du 13 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 1998, par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du terri

toire français ;
2 / d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;...

(Première Chambre)
Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 10 et 16 novembre 1998 et 28 juin 1999 sous le n 98NC02323 présentés pour M. Y... Moussa, demeurant au centre de détention de Saint-Mihiel (Meuse), par Me Z... et Denys X..., avocats ;
M. Y... demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement n 98-1017-981205 en date du 13 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 1998, par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion du territoire français ;
2 / d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;
Il soutient que :
- la décision prononçant son expulsion viole l'article 8 de 1a convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif n'ayant pas motivé sa décision à cet égard, sans prendre en compte qu'il vit depuis l'âge de trois ans en France avec ses parents et ses frères et soeurs, n'ayant plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ;
- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à porter atteinte à la sécurité de l'Etat français ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que, étant d'origine kurde, son retour en Turquie aurait des conséquences dangereuses pour sa personne et négatives sur ses chances de réinsertion ;
- son expulsion administrative est en contradiction avec la décision judiciaire qui a limité la sanction accessoire à une interdiction de séjour dans le département de la Moselle pendant une durée de trois ans ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n 95-125 du 8 février 1995 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 1999 :
- le rapport de M. COMMENVILLE, Premier Conseiller ;
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant en premier lieu que selon l'article 156 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction, et qu'en vertu de l'article R.155 du même code, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... n'a fait état des dangers qu'il était susceptible de courir s'il devait retourner dans son pays d'origine et de la méconnaissance à cet égard, selon lui, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que dans un mémoire produit par télécopie le soir même de l'audience qui s'est tenue le 29 septembre 1998, alors même que l'instruction était close ; que le tribunal administratif n'était donc pas tenu de répondre à ce moyen ;
Considérant en second lieu, contrairement aux affirmations du requérant, que le jugement attaqué est suffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré par M Y... de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion :
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 : " L'expulsion peut être prononcée : ... b) lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., ressortissant turc né en 1977, a fait l'objet d'avril 1989 à août 1993 de trente-et-une procédures de police à l'issue desquelles il a été condamné par le tribunal pour enfants pour détention et transport de stupéfiants et, en dernier lieu par la cour d'appel de Metz le 20 novembre 1997, à trente mois d'emprisonnement et à une interdiction de séjour dans le département de la Moselle pendant trois ans, pour treize infractions, au nombre desquelles figurent le refus d'obtempérer, les outrages et violences à personnes dépositaires de l'autorité publique, la rebellion, la mise en danger d'autrui, la conduite d'un véhicule sans permis, et le délit de fuite ; que, par suite, eu égard à la persistance de ce comportement délictueux et asocial, le ministre de l'intérieur a pu légalement estimer que l'expulsion de M. Y... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant, en deuxième lieu, que la condamnation de M. Y... par la cour d'appel de Metz, comme il est dit ci-dessus, à une interdiction de séjour limitée au seul département de la Moselle et à une durée de trois ans, est sans influence sur la solution du présent litige ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. Y... est entré en France à l'âge de trois ans avec sa mère et ses trois frères dans le cadre du regroupement familial, il ressort des pièces du dossier, outre qu'il ne justifie pas d'une vie familiale effective, qu'il est célibataire et n'a aucune personne à charge ; que, dans ces conditions, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 27bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou qui doit être reconduit vers la frontière est éloigné : 1 - A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission de recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2 - Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3 - Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950" et qu'aux termes de l'article 27 ter de ladite ordonnance : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même" ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 27bis et 27 ter précités de ladite ordonnance que le moyen tiré des risques encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine, s'il peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel l'étranger doit être éloigné, ne peut en revanche être utilement invoqué à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant l'expulsion du territoire français d'un étranger, qui ne fixe pas le pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98NC02323
Date de la décision : 21/10/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-02-05 ETRANGERS - EXPULSION - URGENCE ABSOLUE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel 156, R155
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 26, art. 27 ter


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. COMMENVILLE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-10-21;98nc02323 ?
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