(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 avril 1995 sous le numéro 95NC00647 présenté pour M. André Y..., demeurant ... à Château-Thierry (Aisne ), par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1° - d'annuler le jugement en date du 9 février 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1982, 1983 et 1984 et de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er octobre 1981 au 30 septembre 1985 ;
2° - de prononcer la décharge sollicitée ;
3° - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 1999 :
- le rapport de Mme ROUSSELLE, Conseiller ;
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Y..., qui exploite un commerce de droguerie, peinture, papiers-peints, décoration a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sur les exercices clos les 30 septembre 1981 à 1985 et, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, sur la période du 1er octobre 1981 au 31 mars 1986, à la suite de laquelle lui ont été assignés des compléments d'impôt sur le revenu pour les années 1982, 1983, 1984 et 1985 et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 1981 au 30 septembre 1985 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant d'une part qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée au siège de l'entreprise ; que M. Y... ne démontre pas, par la seule référence à des divergences d'interprétation subsistant à l'issue de la vérification, que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues avec lui ; que le vérificateur n'était pas tenu, avant la notification de redressements, de demander des explications au contribuable ou bien de lui donner une information sur les redressements qu'il envisageait ;
Considérant d'autre part que le requérant ne peut utilement invoquer, en se fondant sur l'article L.80-A du livre des procédures fiscales , le contenu de diverses réponses ministérielles qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition ne peuvent pas être regardées comme comportant une "interprétation de la loi fiscale" au sens dudit article L.80-A ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi du 8 juillet 1987 applicable en l'espèce dès lors que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est prononcée le 12 octobre 1987 : "Lorsque l'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge" ;
Considérant que, s'agissant de l'exercice clos en 1981, le contribuable n'a été en mesure de présenter ni les documents comptables pour la période du 1er octobre au 31 décembre 1980, ni les inventaires détaillés des stocks à l'ouverture et à la clôture de l'exercice ; que, s'agissant de l'exercice clos en 1982, le contribuable n'a pas présenté d'inventaire de stock de début d'exercice, ni le détail des recettes en espèces pour trois mois de l'exercice ; qu'enfin, s'agissant des exercices ultérieurs, la comptabilité ne comportait pas les pièces justificatives des recettes en espèce, en particulier de bandes de caisse-enregistreuse justifiant leur montant ; que, dès lors, l'administration a pu, à bon droit, écarter la comptabilité comme non probante ; que les impositions résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires ayant été établies conformément à l'avis émis par la commission départementale le 12 octobre 1987, il appartient, en conséquence, au contribuable d'apporter la preuve de leur caractère exagéré ; qu'à cette fin et s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, il peut, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle était tenue de lui faire connaître, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour certains montants, à une exagération des bases d'imposition, soit soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation ;
Considérant que le vérificateur a reconstitué les recettes de M. Y... en sélectionnant un échantillon d'articles dans les différentes catégories de produits vendus, soit droguerie, peinture, papier-peint et cadeaux ; que les coefficients moyens de marge entre le prix de vente toutes taxes comprises par rapport au prix d'achat hors taxes, qui avaient été fixés respectivement à 2,08, 2,08, 2,04 et 2,29, ont été ramenés, après avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires à 1,80 s'agissant de la droguerie, de la peinture et du papier-peint, et à 2,20 s'agissant des cadeaux ; que, par ailleurs, le vérificateur a appliqué aux revêtements de murs et de sols vendus à l'occasion de travaux de décoration un coefficient de marge réduit à 1,74 sur 52 % du chiffre d'affaires des prestations de services, compte tenu de la pratique tarifaire de M. Y... pour ces prestations ; que le taux de remise a été déterminé à partir des remises constatées lors de la vérification, tant sur factures qu'au comptant ;
Considérant en premier lieu que si M. Y... soutient que l'échantillon retenu par le vérificateur n'était pas représentatif de la gamme des articles vendus, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation et, en particulier, ne démontre pas qu'un autre échantillon aurait abouti à des résultats inférieurs ;
Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce que soutient M. Y..., il a été tenu compte, par le vérificateur, des rabais, remises, et invendus pour la détermination des coefficients multiplicateurs ; que, de même, il a été tenu compte des vols et de la casse, déterminés au vu des indications fournies par le contribuable ;
Considérant en troisième lieu que si M. Y..., qui ne propose aucune autre méthode de reconstitution de recettes, reproche à l'administration d'avoir dégagé des résultats de l'exercice clos en 1985 un coefficient multiplicateur moyen et de l'avoir appliqué uniformément aux achats réalisés au cours des trois exercices précédents, il n'établit ni n'allègue que les conditions d'exploitation de son entreprise ont varié au cours des exercices vérifiés dans des conditions telles que cette extrapolation était imposible ;
Considérant en quatrième lieu que la circonstance, à la supposer établie, que les taux pratiqués par M. Y... étaient conformes à ceux relevés dans une monographie professionnelle ne permet pas de regarder les impositions, établies au vu des données propres de l'entreprise, comme exagérées ;
Considérant enfin que le faible écart entre les chiffres d'affaires déclarés par M. Y... et les chiffres retenus après avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut constituer, à lui seul, la preuve de l'exagération de ces derniers chiffres ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non couverts par les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.