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17/12/1998 | FRANCE | N°94NC00524

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 17 décembre 1998, 94NC00524


(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 avril 1994, sous le n° 94NC00524 et le mémoire enregistré au greffe de la Cour le 27 avril 1994, présentés pour M. Michel Y..., demeurant ... (Somme), par Me Gilbert X..., avocat au barreau de Lille ;
M. Y... demande à la Cour :
- de réformer le jugement n° 89222 en date du 11 mars 1994 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles il a

été assujetti au titre des années 1983 à 1985 mis en recouvrement le 15 avr...

(Deuxième Chambre)
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 11 avril 1994, sous le n° 94NC00524 et le mémoire enregistré au greffe de la Cour le 27 avril 1994, présentés pour M. Michel Y..., demeurant ... (Somme), par Me Gilbert X..., avocat au barreau de Lille ;
M. Y... demande à la Cour :
- de réformer le jugement n° 89222 en date du 11 mars 1994 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983 à 1985 mis en recouvrement le 15 avril 1988, excédant les dégrèvements prononcés en cours d'instance ;
- de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 1998 :
- le rapport de Mme GESLAN-DEMARET, Premier Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. Y..., exploitant agricole soumis au régime réel d'imposition, fait appel du jugement en date du 11 mars 1994, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983 à 1985 mis en recouvrement le 15 avril 1988, excédant les dégrèvements prononcés en cours d'instance, à la suite des redressements dont il a fait l'objet après la vérification de comptabilité de son exploitation portant sur les exercices clos les 31 décembre 1983, 1984 et 1985, par des notifications en date du 23 décembre 1986, s'agissant du premier exercice, et des 12 mai et 7 juillet 1987, s'agissant des deux autres exercices ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 108 de la loi n 92-1376 du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993 : "I - Sauf dispositions contraires, les règles de procédure fiscales ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II - Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi" ; qu'en vertu de cette disposition interprétative, et contrairement à ce que soutient M. Y..., la formalité de la mise en demeure préalable à la mise en oeuvre de la procédure de l'évaluation d'office, requise par l'article 81-11 de la loi n 86-1317 du 30 décembre 1986, n'était pas applicable à la procédure d'évaluation d'office engagée à son encontre pour l'exercice 1983 par une notification en date du 23 décembre 1986, antérieure à cette entrée en vigueur ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par une notification en date du 7 juillet 1987, l'administration a substitué à la procédure d'évaluation d'office initialement suivie pour l'année 1984 dans la notification en date du 12 mai 1987, la procédure de redressement contradictoire ; qu'il résulte de l'examen de ladite notification rectificative, qu'elle comportait le montant et les motifs des redressements envisagés ; que les notifications des 12 mai et 7 juillet 1987 ont pu régulièrement, s'agissant du même contribuable et des mêmes chefs de redressement, faire en outre référence aux motivations contenues dans la notification du 23 décembre 1986 relative à l'année 1983 ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la décision d'admission partielle de sa réclamation en date du 22 décembre 1988 aurait été insuffisamment motivée, en ce qui concerne l'origine du dégrèvement de 1 409 F qui lui a été accordé, est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure ; que par ailleurs, il résulte de l'instruction que, contrairement à ses allégations, le dégrèvement de 194 343 F qui lui avait été annoncé, lui a bien été notifié le 1er février 1989 et a été pris en compte par voie de compensation, avec les impositions mises à sa charge, ce dont il a été informé au plus tard au cours de l'instruction de sa requête devant le tribunal ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la réintégration d'honoraires :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables de M. Y..., des honoraires pour lesquels il est constant qu'il n'avait pas souscrit la déclaration requise par les dispositions de l'article 240 du code général des impôts ; qu'à la suite de la production par ses soins, au cours de la procédure, d'un certain nombre d'attestations qui ont conduit à des dégrèvements en cours d'instance devant le tribunal, ne restent plus en litige à ce titre, contrairement à ses allégations, que les sommes de 5 414 F, 1 390 F et 5 416 F respectivement pour les années 1983, 1984 et 1985 ; qu'aucun justificatif supplémentaire n'étant produit par M. Y..., les redressements en cause ne peuvent qu'être maintenus ;
En ce qui concerne la comptabilisation des créances acquises :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 72 et 38 du code général des impôts, le bénéfice net d'une exploitation agricole soumise au régime réel d'imposition est déterminé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales et doit être fixé en prenant en compte les créances acquises et les dettes nées au cours de l'exercice et non les recettes encaissées et les dépenses payées ;
Considérant, en premier lieu, que, par convention conclue les 5 juillet et 18 octobre 1980, M. Y... a cédé à la société Matériaux Routière Moderne jusqu'en mai 1984, le droit d'exploiter une carrière moyennant une redevance annuelle de 5 F par m3, avec un minimum de 200 000 F indexés ; que, toutefois, à la clôture de l'exercice 1983, M. Y... n'avait comptabilisé que les sommes effectivement encaissées, soit 539 875 F au lieu des 574 880 F dus pour les années 1981 à 1983, et n'a rien comptabilisé au titre de l'exercice 1984 ; que c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes dues par la société Matériaux Routière Moderne, d'une part, la somme de 35 005 F au titre de l'exercice 1983, qui constituait une minoration d'actif rectifiable au titre du premier exercice non prescrit, d'autre part, celle de 101 006 F au titre de l'exercice 1984, sommes qui présentaient le caractère de créances acquises en vertu des clauses de la convention conclue entre les parties, nonobstant la liquidation judiciaire de ladite société qui n'autorisait que la constitution éventuelle d'une provision pour créance douteuse, en l'absence de démonstration que lesdites créances étaient devenues irrécouvrables à la date de clôture des exercices concernés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que M. Y... a effectué au cours de l'année 1985, des livraisons de pois et haricots à la société des producteurs réunis pour un montant global de 359 130 F ; qu'il n'a comptabilisé en 1985 que les acomptes versés par la société des producteurs réunis en estimant qu'il était impossible, à la date de clôture de l'exercice 1985, d'évaluer le prix définitif ; que toutefois, le prix des livraisons de pois et haricots à la société des producteurs réunis, qui pouvait, contrairement aux allégations de M. Y..., être chiffré à la date de dépôt de la déclaration de résultats, présentait le caractère d'une créance acquise et devait donc, comme l'a fait l'administration, être rattaché intégralement à l'exercice de la livraison, soit 1985 ;

Considérant, en troisième lieu, que le principe de l'annualité de l'impôt et de spécificité des exercices fait obstacle à ce que la demande de M. Y... en ce qui concerne les sommes qui auraient été imposées à tort en 1986, soit accueillie, le présent litige ne portant pas sur ladite année ;
Considérant, enfin, que M. Y... a donné à bail, à compter du 1er septembre 1985, des terres sises au Thuel, moyennant un fermage de 1 609 quintaux de blé par an ; que s'il n'a rien comptabilisé à ce titre en 1985, en alléguant que cette créance ne pouvait être chiffrée, il est constant que le prix du quintal de "blé fermage" était connu à la date du 31 décembre 1985, puisque fixé à 122,75 F par arrêté du 15 octobre 1985 ; qu'en conséquence, la créance du fermage dû par la SCEA Ferme de Beaumont pour la location des terres sises au Thuel a été à bon droit réintégrée dans les recettes de l'exercice 1985 pour un montant de 65 835 F ;
En ce qui concerne les charges déductibles :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice est établi sous déduction des charges exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; que les dépenses exposées par l'entreprise doivent, pour être admises en déduction du résultat imposable, être comprises dans les charges de l'exercice au cours duquel elles ont été engagées ;
Considérant, d'une part, que l'administration a réintégré dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1985, une somme de 78 809 F correspondant à la part des loyers de crédit-bail échus postérieurement à cette date, déduits par M. Y... en contradiction avec la règle de rattachement des charges aux exercices susrappelée ; que si M. Y... invoque une tolérance administrative, il n'apporte à l'appui de sa demande aucune précision sur la doctrine dont il entend se prévaloir ;
Considérant, d'autre part, que M. Y... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de l'existence d'un bail verbal, en vertu duquel il occupait 165 ha de terres appartenant à son frère Jacques Y..., et dont il n'est pas établi qu'il était consenti en contrepartie du versement d'un loyer, pour justifier le versement à ce dernier, d'une somme de 750 000 F, qui ne peut être regardée, contrairement à ce qu'il soutient, comme une indemnité compensant la résiliation prématurée dudit bail, et ne peut, par suite, être admise en charge déductible de son exploitation ;
En ce qui concerne la valeur d'inscription au bilan du corps de ferme du Thuel et les amortissements pratiqués :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts : " ... Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : ... Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale" ;

Considérant que, pour chacune des années litigieuses, l'administration a réintégré la fraction jugée excessive des amortissements que M. Y... avait pratiqués au titre du corps de ferme du Thuel ; qu'il est constant que ladite ferme avait été acquise à titre gratuit par M. Y... à la suite d'un partage effectué le 17 octobre 1968 avec son frère Jacques Y..., pour une valeur qui ressortait, en vertu de l'acte de partage, à 40 000 F, dont 4 000 F pour le terrain et 36 000 F pour le bâtiment ; que le requérant n'établit pas que, pour évaluer la valeur vénale de ce bien, il convient de retenir la valeur de 200 000 F qu'il avait inscrite au bilan d'ouverture du premier exercice soumis au régime réel d'imposition le 1er janvier 1972 et non celle qui ressort de l'acte de partage ;
En ce qui concerne la détermination des plus-values réalisées sur la vente de maisons ouvrières :
Considérant que M. Y... a procédé à la cession de trois maisons ouvrières en 1983 ; que, pour le calcul des plus-values résultant de ces cessions, l'administration a retenu la valeur d'entrée figurant au bilan du 1er janvier 1972, soit une base uniforme de 10 000 F par maison ; que M. Y... ne justifie pas de l'existence d'une différence de valeur en se bornant à faire valoir qu'une des maisons comportait un étage, à la différence des deux autres ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 11 mars 1994, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1983 à 1985 mis en recouvrement le 15 avril 1988, excédant les dégrèvements prononcés en cours d'instance ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC00524
Date de la décision : 17/12/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES AGRICOLES - REGIME DU BENEFICE REEL


Références :

CGI 240, 72, 38, 39
CGIAN3 38 quinquies
Loi 86-1317 du 30 décembre 1986 art. 81-11
Loi 92-1376 du 30 décembre 1992 art. 108


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-12-17;94nc00524 ?
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