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06/08/1998 | FRANCE | N°95NC01524

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 août 1998, 95NC01524


(Deuxième Chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 25 septembre 1995 sous le n 95NC01524, la requête présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN ;
Le ministre demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement en date du 16 mai 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos de 1987 à 1989, en tant que ces suppléments résultent de la remise en cause des modalités de rattachem

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(Deuxième Chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 25 septembre 1995 sous le n 95NC01524, la requête présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN ;
Le ministre demande à la Cour :
1 / de réformer le jugement en date du 16 mai 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos de 1987 à 1989, en tant que ces suppléments résultent de la remise en cause des modalités de rattachement des commissions de placement versées par la Caisse nationale de Crédit agricole, de la réintégration de la provision pour médaille du travail et des subventions accordées au Centre départemental des jeunes agriculteurs ;
2 / de remettre intégralement à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme les impositions en litige ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1998 :
- le rapport de Mme ROUSSELLE, Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les subventions accordées au Centre Départemental des Jeunes Agriculteurs :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme a versé, au Centre Départemental des Jeunes Agriculteurs de ce même département, des subventions, d'un montant de 75 000 F en 1987, 95 000 F en 1988 et 15 000 F en 1989 ; qu'à l'issue du contrôle, estimant que ces subventions ne présentaient pas le caractère d'une charge déductible, l'administration a réintégré ces subventions dans le montant du bénéfice imposable de la caisse ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : "Le bénéfice net est établi, sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d' uvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire ... ;
7° les dépenses engagées dans le cadre de manifestations de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, lorsqu'elles sont exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation. " ; que l'article 238 bis du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition, prévoit : "1°- les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés sont autorisées à déduire du montant de leur bénéfice imposable, dans la limite de 1 pour mille de leur chiffre d'affaires, les versements qu'elles ont effectués au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel, ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises " ;
Considérant, en premier lieu, que le Centre départemental des jeunes agriculteurs est un syndicat professionnel dont l'objet est la défense et la sauvegarde des intérêts de ses membres ; que, dès lors, la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme n'est pas fondée à solliciter la déduction des subventions accordées en se prévalant des dispositions de l'article 238 bis du code général des impôts qui n'autorisent que la déduction des sommes versées à des organismes d'intérêt général ;

Considérant, en deuxième lieu, que la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme se borne à faire valoir qu'en raison du rôle important assuré par le C.D.J.A. dans la formation et la qualification des jeunes agriculteurs, le soutien apporté à cet organisme bénéficie à la caisse en améliorant la gestion des exploitations des intéressés ; que, toutefois, ces considérations d'ordre général, notamment en ce qui concerne les conséquences supposées de l'activité du C.D.J.A. ne sont appuyées d'aucune précision quant à la nature des manifestations organisées et leur intérêt commercial et financier pour la Caisse requérante, qui n'est dès lors pas fondée à procéder à la déduction des subventions accordées sur le fondement des dispositions de l'article 39-1-7° précitées ;
Considérant, en troisième lieu, que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Somme ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 615 du Code rural qui donne pour objet aux caisses de Crédit agricole mutuel "de faciliter et de garantir les opérations concernant la production agricole et l'équipement agricole et rural effectuées par leurs sociétaires" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme la décharge des cotisations supplémentaires résultant de la réintégration, dans ses bénéfices imposables des années 1987, 1988 et 1989, des subventions accordées au centre départemental des jeunes agriculteurs de la Somme ;
Sur les commissions de collecte d'épargne versées par la Caisse nationale de crédit agricole :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'effet des dispositions de l'article 209-1 du même code : "2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt .... L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient ... l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues, mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution" ;

Considérant que le placement, auprès de la clientèle, des produits financiers proposés par la caisse nationale de crédit agricole mutuel, donne lieu au versement, au profit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Somme, d'une commission unique composée de deux parts, l'une d'un montant fixe égal à 0,6 % de la valeur nominale du produit placé, payé dès la souscription du produit, l'autre d'un montant variable de 0 à 0,3 % en fonction de la durée pendant laquelle le produit a été conservé par le client et payé à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de souscription par la Caisse nationale de crédit agricole lors du remboursement du produit, quelle que soit, par ailleurs, la caisse procédant audit remboursement ; que, contrairement à ce que soutient la caisse requérante, la part variable lui est attribuée en fonction de la seule durée de détention des bons par les clients, quelles que soient les démarches, d'ailleurs non établies, effectuées par la Caisse auprès des souscripteurs des bons pour les inciter à les conserver jusqu'à leur échéance ; que, dès lors, les commissions doivent être regardées comme acquises dans leur totalité dès la conclusion du contrat de souscription, alors même que le montant d'une partie de cette rémunération n'aurait été fixé qu'au moment du remboursement au client ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la somme la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause des modalités de rattachement des commissions de placement des bons d'épargne ;
Sur la provision pour le versement d'une prime lors de l'attribution de la médaille du travail :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'article 34 de la convention collective du crédit agricole prévoit le versement d'une prime de deux cents points à l'occasion de l'obtention, par les salariés, de chacune des médailles d'honneur agricole auxquelles ils peuvent prétendre après 20, 30, 38 et 43 ans de service ; que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel a constitué une provision ajustée chaque année, dans le but de faire face à cette charge future, égale au montant des droits acquis par l'ensemble des salariés affecté de coefficients prenant en compte les taux de mortalité et de stabilité du personnel de l'entreprise ; que l'administration a réintégré le montant de cette provision, soit 3 031 706 francs, dans les résultats de l'exercice de la caisse clos en 1988 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes et charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ... " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut régulièrement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de faits constatées à la clôture de l'exercice et qu'enfin elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'article 34 de la convention collective du crédit agricole que l'attribution des médailles du travail au terme des périodes visées par ledit article revêt un caractère systématique ; que cette attribution entraîne automatiquement le versement d'une prime de 200 points ; qu'ainsi les employés de la caisse acquièrent d'année en année des droits au versement de ladite prime, laquelle constitue une charge future, précise quant à sa nature ; que le montant de cette charge a été évalué avec une approximation suffisante dès lors qu'il est tenu compte des droits acquis par les personnels concernés affectés des éléments statistiques propres à l'entreprise relatif au taux de mortalité et de stabilité du personnel ; qu'ainsi se trouvaient réunies les conditions justifiant la constitution de provisions en application de l'article 39-1-5° précité du code général des impôts ; que le Ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Somme la décharge des impositions supplémentaires résultant de la réintégration de ladite provision ;
Article 1er : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Somme a été assujettie au titre des exercices clos en 1987, 1988 et 1989, résultant d'une part, de la remise en cause des modalités de rattachement des commissions de placement des bons d'épargne C.N.C.A., d'autre part, de la réintégration dans ses résultats imposables des subventions accordées au Centre Départemental des Jeunes Agriculteurs de la Somme, sont intégralement remises à sa charge.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 16 mai 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la C.R.C.A.M. de la Somme.


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