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06/08/1998 | FRANCE | N°95NC00346

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 août 1998, 95NC00346


(Deuxième Chambre) Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mars 1995 sous le numéro 95NC00346, la requête présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN ;
Le ministre demande à la Cour :
1 à titre principal :
- de réformer le jugement en date du 4 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Besançon a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté, venant aux droits de la CRCAM de la Haute-Saône et du territoire de Belfort, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des

exercices clos en 1984 et 1986 en tant que ces suppléments résultent de la rem...

(Deuxième Chambre) Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 2 mars 1995 sous le numéro 95NC00346, la requête présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU PLAN ;
Le ministre demande à la Cour :
1 à titre principal :
- de réformer le jugement en date du 4 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Besançon a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté, venant aux droits de la CRCAM de la Haute-Saône et du territoire de Belfort, la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 1984 et 1986 en tant que ces suppléments résultent de la remise en cause des modalités de rattachement des commissions de placement versées par la Caisse Nationale du Crédit Agricole ainsi que de la constitution d'une provision pour litige salarial;
- de remettre à la charge de la Caisse les impositions en litige, soit 1 312 722 F au titre de 1984 et 61 488 F au titre de 1986 ;
2 à titre subsidiaire :
- de rétablir au titre de l'année 1984 un montant d'intérêts de retard de 7 933 F ;
- de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1998 :
- le rapport de Mme ROUSSELLE, Conseiller,
- les observations de Me Patrick BINET, avocat de la C.R.C.A.M. de Franche-Comté,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions principales du ministre :
Sur les commissions de collecte d'épargne versées par la caisse nationale de crédit agricole :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'effet des dispositions de l'article 209-1 du même code : "2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ... L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient ... l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues, mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution" ;
Considérant que le placement, auprès de la clientèle, des produits financiers proposés par la caisse nationale de crédit agricole mutuel, donne lieu au versement, au profit de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Franche Comté, d'une commission unique composée de deux parts, l'une d'un montant fixe égal à 0,6% de la valeur nominale du produit placé, payé dès la souscription du produit, l'autre d'un montant variable de 0 à 0,3% en fonction de la durée pendant laquelle le produit a été conservé par le client et payé à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de souscription par la Caisse nationale de crédit agricole lors du remboursement du produit, quelle que soit, par ailleurs, la caisse procédant audit remboursement ; que, contrairement à ce que soutient la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Franche Comté, la part variable lui est attribuée en fonction de la durée de détention des bons par les clients, quelles que soient les démarches, d'ailleurs non établies, effectuées auprès des souscripteurs de bons pour les inciter à les conserver jusqu'à leur échéance ; que, dès lors, les commissions doivent être regardées comme acquises dans leur totalité dès la conclusion du contrat de souscription, alors même que le montant d'une partie de cette rémunération n'aurait été fixé qu'au moment du remboursement au client ; que le ministre du budget est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a accordé à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Franche Comte la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause des modalités de rattachement des commissions de placement versées par la caisse nationale ; qu'il y a lieu de remettre intégralement à la charge de la caisse les impositions en cause soit, au titre de 1984, une somme de 766 747 F en droits auxquels s'ajoutent les intérêts de retard, au titre de 1985, une somme de 61 488 F ;
Sur la provision pour litige salarial :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche Comté a constitué, au titre de l'exercice 1982, une provision en raison d'un litige concernant la valeur du point de salaire applicable au 1er novembre 1982 et opposant des salariés et une organisation syndicale à la fédération nationale de crédit agricole, dont l'administration a réintégré le montant dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1984 en considérant qu'elle n'était pas déductible ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes et charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ... " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut régulièrement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de faits constatées à la clôture de l'exercice et qu'enfin elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la fédération nationale de Crédit agricole, agissant en qualité de mandataire des caisses régionales, a conclu avec les organisations syndicales un accord salarial, en date du 18 février 1982 prévoyant plusieurs augmentations de la valeur du point servant à déterminer les rémunérations au cours de l'année 1982 ; que la loi du 30 juillet 1982 ayant déclaré, en son article 4-V que " les stipulations contractuelles qui prévoyaient des augmentations de rémunération ... sont de nul effet en tant qu'elles concernent la période visée ... Les partenaires sociaux peuvent procéder dès maintenant à des négociations en vue d'arrêter les stipulations applicables à l'issue de la période de blocage ... Toutefois, aucun rappel ne pourra être alloué au titre de la période de blocage", un nouvel accord salarial était conclu, le 7 décembre 1982, entre la fédération nationale du Crédit agricole et les organisations salariales, prévoyant une nouvelle valeur du point à compter du 1er décembre 1982, inférieure à celle qui aurait résulté de l'application de l'accord initial, et comportant, en outre, une clause stipulant que "dans le cas où une décision de justice, définitive, viendrait à fixer une valeur du point supérieure à celle prévue par le présent accord à un moment donné, cette augmentation s'imputera sur les augmentations prévues" ;

Considérant que, en raison du mandat confié par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche Comté à la Fédération nationale de Crédit Agricole, les termes de l'accord conclu le 7 décembre 1982 lui étaient pleinement opposables ; qu'il est constant que des instances portant sur la détermination de la valeur du point d'indice applicable avaient été introduites devant les juridictions compétentes avant la fin de l'année 1982 par des salariés de certaines caisses régionales, qui tendaient, non à obtenir des rappels de salaires pour la période de blocage, ce qu'excluait la loi, mais à l'application, dès le 1er novembre, de la valeur du point prévu dans l'accord initial au 1er octobre 1982 ; que, dans ces conditions, même si la caisse concernée par la présente instance n'était pas assignée par un membre de son personnel, les contentieux introduits risquaient de générer, à son encontre, au titre dudit exercice, des charges, par ailleurs précises dans leur principe et leur montant ; que, par suite, la caisse requérante était en droit d'inscrire une provision pour litige salarial en raison de la probabilité de la charge dont s'agit au 31 décembre 1982 ; que, dès lors, le ministre du Budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Besançon a accordé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Franche Comté la décharge de la cotisation supplémentaire liée à la réintégration, dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1984, de ladite provision ;
Sur les conclusions subsidiaires du ministre :
Sur l'erreur commise par le tribunal :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, au titre de l'année 1984, les intérêts de retard mis en recouvrement se montaient à 246 142 F ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir qu'en accordant à la Caisse Régionale de Crédit Agricole de franche-Comté une décharge desdits intérêts à hauteur de 254 075 F, le tribunal administratif de Besançon a, dans la limite de 7 933 F, prononcé une décharge supérieure à la demande dont il était réellement saisi ; que, par suite, le jugement doit également être réformé dans cette mesure ;
Sur les conclusions de la Caisse tendant à l'octroi de frais irrépétibles :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche Comté tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche Comté est rétablie aux rôles de l'impôt sur les sociétés des années 1984 et 1986 à raison des droits et intérêts dus en conséquence des redressements relatifs à la remise en cause des modalités de rattachement des commissions de placement versées par la Caisse Nationale de Crédit agricole.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon est réformé :
- en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt ;
- en tant qu'il a prononcé une décharge de l'imposition supplémentaire de 1984 supérieure d'un montant de 7 933 F à celle qui pouvait être accordée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Franche Comté tendant à l'octroi de frais irrépétibles sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES, ET DE L'INDUSTRIE et à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00346
Date de la décision : 06/08/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT.


Références :

CGI 38, 39, 209
Loi 82-660 du 30 juillet 1982 art. 4


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-08-06;95nc00346 ?
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