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06/08/1998 | FRANCE | N°94NC01384

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2e chambre, 06 août 1998, 94NC01384


(Deuxième Chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 13 septembre 1994 sous le numéro 94NC01384, la requête présentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE-MARNE venant aux droits de l'ex-Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Haute-Marne, dont le siège social est situé ... ;
La C.R.C.A.M. DE L'AUBE ET DE LA HAUTE-MARNE demande à la Cour :
1° de réformer le jugement en date du 5 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des cotisations

supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujet...

(Deuxième Chambre)
Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 13 septembre 1994 sous le numéro 94NC01384, la requête présentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE-MARNE venant aux droits de l'ex-Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Haute-Marne, dont le siège social est situé ... ;
La C.R.C.A.M. DE L'AUBE ET DE LA HAUTE-MARNE demande à la Cour :
1° de réformer le jugement en date du 5 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985 à 1987 ;
2° de la décharger des impositions contestées à concurrence des sommes en litige, soit 1 243 232 francs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 1998 :
- le rapport de Mme ROUSSELLE, Conseiller,
- et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur les commissions de collecte d'épargne versées par la caisse nationale de crédit agricole et les cotisations de carte bancaire :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'effet des dispositions de l'article 209-1 du même code : "2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ..... L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient ..... l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues, mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution" ;
Considérant, d'une part, que le placement, auprès de la clientèle, des produits financiers proposés par la caisse nationale de crédit agricole mutuel, donne lieu au versement, au profit de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE, d'une commission unique composée de deux parts, l'une d'un montant fixe égal à 0,6% de la valeur nominale du produit placé, payé dès la souscription du produit, l'autre d'un montant variable de 0 à 0,3% en fonction de la durée pendant laquelle le produit a été conservé par le client et payé à la caisse régionale de crédit agricole mutuel de souscription par la caisse nationale de crédit agricole lors du remboursement du produit, quelle que soit, par ailleurs, la caisse procédant audit remboursement ; que, contrairement à ce que soutient la caisse requérante, la part variable lui est attribuée en fonction de la seule durée de détention des bons par les clients, quelles que soient les démarches, d'ailleurs non établies, effectuées auprès des souscripteurs de bons pour les inciter à les conserver jusqu'à leur échéance ; que, dès lors, les commissions doivent être regardées comme acquises dans leur totalité dès la conclusion du contrat de souscription, alors même que le montant d'une partie de cette rémunération n'aurait été fixé qu'au moment du remboursement au client ; que, dès lors, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande, sur ce point ;

Considérant, d'autre part, que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE-MARNE conteste le rattachement par l'administration de l'intégralité des cotisations annuelles payées par les titulaires de carte bancaire au résultat de l'année de leur versement, alors qu'elle avait procédé à un fractionnement de ces cotisations et les avait comptabilisées prorata temporis dans les produits de deux exercices successifs ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la carte bancaire est délivrée aux client de la caisse en exécution d'un contrat conclu à durée indéterminée, rémunéré par le paiement d'une cotisation annuelle ; qu'en contrepartie du versement de cette cotisation, le détenteur d'une carte bancaire bénéficie d'une prestation de services de la part de l'organisme émetteur, consistant notamment en la possibilité d'utiliser les distributeurs automatiques de billets, d'utiliser cette carte comme moyen de payement auprès de commerçants, de procéder à des retraits aux guichets d'établissements bancaires adhérents au réseau, d'empêcher toute utilisation frauduleuse de la carte en cas de perte ou de vol ; qu'en outre, sauf dénonciation du contrat, ladite carte est automatiquement renouvelée à échéance de sa durée de validité ; qu'en vertu des dispositions de l'article 38-2 bis précitées du code général de impôts, la caisse requérante était tenue de comptabiliser au titre de l'exercice de son échéance chaque redevance annuelle dans la mesure où elle rémunérait une prestation continue ; qu'il résulte de ce qui précède que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE-MARNE n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande, sur ce point ;
Sur la provision pour litige salarial :
Considérant que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE a constitué, au titre de l'exercice 1982, une provision en raison d'un litige concernant la valeur du point de salaire applicable au 1er novembre 1982 et opposant des salariés et une organisation syndicale à la fédération nationale de crédit agricole, dont l'administration a réintégré le montant dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1985 en considérant qu'elle n'était pas déductible ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes et charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ... " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut régulièrement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de faits constatées à la clôture de l'exercice et qu'enfin elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la fédération nationale de Crédit agricole, agissant en qualité de mandataire des caisses régionales, a conclu avec les organisations syndicales un accord salarial, en date du 18 février 1982 prévoyant plusieurs augmentations de la valeur du point servant à déterminer les rémunérations au cours de l'année 1982 ; que la loi du 30 juillet 1982 ayant déclaré, en son article 4-V que : "les stipulations contractuelles qui prévoyaient des augmentations de rémunération ... sont de nul effet en tant qu'elles concernent la période visée ... Les partenaires sociaux peuvent procéder dès maintenant à des négociations en vue d'arrêter les stipulations applicables à l'issue de la période de blocage ... Toutefois, aucun rappel ne pourra être alloué au titre de la période de blocage", un nouvel accord salarial était conclu, le 7 décembre 1982, entre la fédération nationale du crédit agricole et les organisations salariales, prévoyant une nouvelle valeur du point à compter du 1er décembre 1982, inférieure à celle qui aurait résulté de l'application de l'accord initial, et comportant, en outre, une clause stipulant que "dans le cas où une décision de justice, définitive, viendrait à fixer une valeur du point supérieure à celle prévue par le présent accord à un moment donné, cette augmentation s'imputera sur les augmentations prévues " ;

Considérant que, en raison du mandat confié par la caisse requérante à la fédération nationale de Crédit Agricole, les termes de l'accord conclu le 7 décembre 1982 lui étaient pleinement opposables ; qu'il est constant que des instances portant sur la détermination de la valeur du point d'indice applicable avaient été introduites devant les juridictions compétentes avant la fin de l'année 1982 par des salariés de certaines caisses régionales, qui tendaient, non à obtenir des rappels de salaires pour la période de blocage, ce qu'excluait la loi, mais à l'application, dès le 1er novembre, de la valeur du point prévu dans l'accord initial au 1er octobre 1982 ; que, dans ces conditions, même si la caisse concernée par la présente instance n'était pas assignée par un membre de son personnel, les contentieux introduits risquaient de générer, à son encontre, au titre dudit exercice, des charges, par ailleurs précises dans leur principe et leur montant ; que, par suite, la caisse requérante était en droit d'inscrire une provision pour litige salarial en raison de la probabilité de la charge dont s'agit au 31 décembre 1982 ; que, dès lors, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire liée à la réintégration, dans les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1985, de ladite provision ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1985 du fait de la réintégration dans son résultat imposable de la provision pour litige salarial ;
Article 1er : La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE est déchargée, à hauteur 130 235 F en droits et 25 396 F au titre des pénalités, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1985.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 5 juillet 1994 est réformé ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'AUBE ET DE LA HAUTE MARNE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01384
Date de la décision : 06/08/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - PROVISIONS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT.


Références :

CGI 38, 209, 39
Loi 82-660 du 30 juillet 1982 art. 4


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. COMMENVILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-08-06;94nc01384 ?
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