(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 16 février 1996 au greffe de la Cour, présentée par Mme Madeleine X..., demeurant ... (Meurthe et Moselle) ;
Elle demande que la Cour :
1 ) annule le jugement, en date du 16 janvier 1996, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du service des pensions de La Poste et de France Télécom, en date du 17 mai 1993, portant refus de réviser sa pension de retraite par référence à l'indice brut 579 afférent au grade de contrôleur au 14ème échelon ;
2 ) annule la décision susmentionnée du 17 mai 1993 ;
3 ) prescrive son reclassement au 14ème échelon de la nouvelle échelle indiciaire du grade de contrôleur et enjoigne au service des pensions de La Poste de prendre une décision en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n 90-1237 du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n 91-58 du 10 janvier 1991 ;
Vu le décret n 92-928 du 7 septembre 1992 ;
Vu l'arrêté interministériel du 11 septembre 1992 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 1998 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.57 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les litiges relatifs aux pensions des agents des collectivités locales relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège de la personne publique dont l'agent intéressé relevait au moment de sa mise à la retraite. Pour les autres pensions dont le contentieux relève de la juridiction des tribunaux administratifs, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d'assignation du paiement de la pension ou, à défaut, soit qu'il n'y ait pas de lieu d'assignation, soit que la décision attaquée comporte refus de pension, la résidence du demandeur lors de l'introduction de sa réclamation" ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat d'inscription au grand livre de la dette publique que la pension dont est titulaire Mme X... a été assignée sur la trésorerie générale de la Moselle ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif de Strasbourg de connaître de la requête tendant à l'annulation de la décision du directeur du service des pensions de La Poste et de France Télécom, en date du 17 mai 1993, portant refus de réviser la pension de retraite de Mme X... ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Nancy, en date du 16 janvier 1996, doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nancy ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.15 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Les émoluments de base sont constitués par les derniers émoluments soumis à retenue afférents à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire ou militaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, dans le cas contraire, ... par les émoluments soumis à retenue afférents à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés de manière effective ..." ; qu'aux termes de l'article L.16 du même code : "En cas de réforme statutaire, l'indice de traitement mentionné à l'article L.15 sera fixé conformément à un tableau d'assimilation annexé au décret déterminant les modalités de cette réforme" ;
Considérant que Mme X..., chef de section de La Poste, a été admise à faire valoir des droits à une pension de retraite à compter du 1er août 1989 avec une pension liquidée sur la base de l'indice brut 533 qu'elle détenait depuis plus de sept années ; que cette pension a fait l'objet d'une révision à compter du 1er janvier 1991 en application des dispositions du décret du 31 décembre 1990 relatif au statut du corps des contrôleurs de La Poste et du corps des contrôleurs de France Télécom ainsi que des dispositions du décret du 10 janvier 1991 portant reclassement hiérarchique des grades et emplois des personnels des exploitants publics La Poste et France Télécom et a alors été liquidée sur la base de l'indice brut 548 à compter du 1er janvier 1991 ; que l'intéressée a ensuite demandé le bénéfice des dispositions des articles 12 et 13 du décret du 7 septembre 1992, relatif au statut particulier du corps des contrôleurs de La Poste et du corps des contrôleurs de France Télécom, prévoyant le reclassement des chefs de section qui ont atteint le 5ème échelon au grade de contrôleur au 14 ème échelon, lorqu'ils ont une ancienneté supérieure à un an ;
Considérant que le décret susvisé du 31 décembre 1990, qui crée un corps de contrôleurs pour chaque exploitant public, ne modifie pas la hiérarchie des grades concernés ; que le décret susvisé du 10 janvier 1991, s'il attribue une majoration indiciaire à l'ensemble des agents des deux exploitants publics, ne modifie pas la hiérarchie des échelles et échelons de ces personnels ; qu'ainsi, aucun de ces deux textes ne comporte une réforme statutaire au sens de l'article L.16 précité ;
Considérant, en revanche, que le décret susvisé du 7 septembre 1992 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs de La Poste et du corps des contrôleurs de France Télécom comporte, en son article 12, un tableau de correspondance qui supprime le grade de chef de section et qui détermine le grade et l'échelon dans lesquels les contrôleurs de La Poste ou de France Télécom sont reclassés compte tenu de l'ancienneté acquise dans leur corps d'origine ; que l'article 13 de ce décret, pris en application de l'article L.16 précité, prévoit que les assimilations décidées à l'article L.15 du même code pour fixer les nouveaux indices sont effectuées conformément à ce tableau de correspondance ; qu'il s'ensuit que ce décret constitue une réforme statutaire au sens de l'article L.16 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X..., dont il n'est pas contesté qu'elle remplit les conditions d'ancienneté d'échelon prévues audit article 12 du décret du 7 septembre 1992, est en droit d'obtenir que l'indice brut de traitement pour le calcul de sa pension de retraite soit, à compter du 1er juillet 1992, celui afférent au 14ème échelon du grade de contrôleur de La Poste ; que, par suite, la requérante est fondée à demander l'annulation de la décision du directeur du service des pensions de La Poste et de France Télécom, en date du 17 mai 1993, portant refus de procéder à la révision de sa pension de retraite par référence à l'indice brut 579 afférent au 14ème échelon du grade de contrôleur de La Poste ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal adminitratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt ..." ;
Considérant que l'annulation de la décision du directeur du service des pensions de La Poste refusant de procéder à la révision de la pension de retraite de Mme X... par référence à l'indice brut 579 afférent au 14ème échelon du grade de contrôleur, implique nécessairement, eu égard au motif de cette annulation, l'édiction d'une telle mesure de révision ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prescrire à La Poste de prendre ladite mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy, en date du 16 janvier 1996, et la décision du directeur du service des pensions de La Poste, en date du 17 mai 1993, sont annulés.
Article 2 : Il est prescrit à La Poste de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, les mesures nécessaires à la révision de la pension de Mme X... par référence à l'indice brut 579 afférent au 14ème échelon du grade de contrôleur de La Poste.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et à La Poste.