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02/07/1998 | FRANCE | N°92NC00214

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 02 juillet 1998, 92NC00214


(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 6 mars 1992 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE (S.A.N.E.F.), société anonyme dont le siège est ... (7ème), représentée par ses dirigeants légaux en exercice, par la société civile professionnelle Montigny et Doyen, avocats au barreau d'Amiens ;
La SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement n 901002 du 18 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à payer les sommes r

espectives de 14 906,90 F à la caisse meusienne d'assurances mutuelles et ...

(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 6 mars 1992 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE (S.A.N.E.F.), société anonyme dont le siège est ... (7ème), représentée par ses dirigeants légaux en exercice, par la société civile professionnelle Montigny et Doyen, avocats au barreau d'Amiens ;
La SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE demande à la Cour :
1 - d'annuler le jugement n 901002 du 18 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à payer les sommes respectives de 14 906,90 F à la caisse meusienne d'assurances mutuelles et de 457 925 F à la caisse départementale des incendiés de la Meuse en réparation du préjudice subi par les victimes d'inondations survenues en 1982, 1983, 1984 et 1985, dans les droits desquelles elles sont subrogées, et a rejeté ses appels en garantie dirigés contre l'Etat, le syndicat intercommunal à vocation multiple d'Etain et la commune de Saint-Jean-les-Buzy ;
2 - de rejeter la demande de la caisse meusienne d'assurances mutuelles et de la caisse départementale des incendiés de la Meuse devant le tribunal administratif de Nancy ;
3 - subsidiairement, d'ordonner une expertise concernant les causes, l'imputabilité et l'étendue des sinistres ainsi que le montant des préjudices invoqués ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu l'arrêt du 10 novembre 1993 par lequel la cour a ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 1998 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président ;
- les observations de Me X..., représentant la société civile professionnelle Montigny et Doyen, avocat de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, et de Me LARZILLIERE, avocat de la caisse meusienne d'assurances mutuelles et de la caisse départementale des incendiés de la Meuse,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la caisse meusienne d'assurances mutuelles et la caisse départementale des incendiés de la Meuse, subrogées dans les droits de leurs assurés, ont recherché devant le tribunal administratif de Nancy la responsabilité de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE à raison de l'existence de l'ouvrage public que constitue l'autoroute A4, à laquelle elles imputent les inondations dont ceux-ci ont été victimes en 1982, 1983, 1984 et 1985 ; qu'avant de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE tendant à l'annulation du jugement du 18 décembre 1991 par lequel ledit tribunal a fait droit aux conclusions desdites caisses, la cour a, par arrêt susvisé en date du 10 novembre 1993, ordonné une expertise en vue de déterminer si les inondations qui se sont produites les 14, 15 et 16 février 1990 sur le territoire de la commune de Parfondrupt ont été provoquées, en tout ou en partie, par l'existence de l'autoroute A4 ; que, par ledit arrêt, la cour a en outre répondu à la fin de non-recevoir opposée par la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE et tirée de l'irrecevabilité de la demande des caisses précitées devant le tribunal administratif ainsi qu'au moyen tiré par celles-ci de l'autorité de la chose jugée qui serait attachée à un précédent jugement du tribunal en date du 20 décembre 1988 ; qu'il appartient à la cour par la présente décision de se prononcer sur le surplus des conclusions et moyens de la requête et des mémoires subséquents de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE ;
Sur les responsabilités :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par l'arrêt précité du 10 novembre 1993, dont les conclusions sont transposables aux inondations en cause en l'espèce, que la rivière Orne, après avoir emprunté un couloir hydraulique, débouche à hauteur du village de Parfondrupt (Meuse) dans une plaine alluviale formant un réservoir naturel en raison du caractère imperméable des sols, de la très faible pente du cours de la rivière et de la présence en aval de seuils calcaires, de sorte que la commune a toujours présenté un risque d'inondations en cas de fortes pluies ; que les dangers d'inondation résultant de la disposition géographique des lieux et de la nature géologique des sols ont été accrus par l'orientation récente des productions agricoles et le développement des pratiques culturales modernes, lesquelles favorisent l'augmentation du ruissellement et, par voie de conséquence, l'alimentation rapide en eau du réservoir naturel à partir du bassin versant ; que l'ampleur et la durée des inondations qui ont endommagé les biens dont sont propriétaires les assurés des caisses précitées sont toutefois également pour partie imputables à l'ouvrage public que constitue le remblai de l'autoroute A4, construite en aval de Parfondrupt dans la partie supérieure du réservoir naturel précité et munie d'ouvrages de décharge sous-dimensionnés et en mauvais état d'entretien, de telle manière qu'en cas d'inondation, le niveau de l'eau atteint à hauteur desdits ouvrages est sensiblement plus élevé que celui constaté à hauteur de l'ouvrage principal franchissant le lit mineur de l'Orne ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'aggravation des inondations à laquelle a contribué l'ouvrage public dont elle est concessionnaire justifie que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE soit déclarée responsable du quart des conséquences dommageables subies par les personnes assurées auprès de la caisse meusienne d'assurances mutuelles et de la caisse départementale des incendiés de la Meuse, qui ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage ; qu'il suit de là que la société requérante est fondée à demander la réformation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Nancy l'a déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables des inondations précitées ;
Sur le préjudice :
Considérant que les caisses précitées justifient suffisamment la nature et l'étendue du préjudice dont elles sont fondées à demander réparation en produisant un état détaillé des dommages matériels subis par leurs assurés, qui ne fait l'objet d'aucune critique précise de la société requérante ; que le préjudice de la caisse meusienne d'assurances mutuelles et de la caisse départementale des incendiés de la Meuse devant ainsi être fixé respectivement à 14 906,90 F et 457 925 F, il y a lieu de condamner la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE à payer à celles-ci les sommes respectives de 3 726,72 F et de 114 481,25 F ;
Sur les appels en garantie :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant, en premier lieu, que s'il est constant que la direction départementale de l'agriculture de la Meuse, appelée à examiner en 1972 la conformité de l'ouvrage autoroutier au regard de ses incidences hydrauliques, s'est référée pour ce faire à un débit centennal de l'Orne de cent mètres cubes par seconde qui s'est avéré ultérieurement correspondre à une crue décennale, cette seule indication erronée, issue de la documentation disponible à l'époque, ne constitue pas une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat vis à vis de la société requérante ;
Considérant, en second lieu, que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE n'établit pas que la direction départementale de l'agriculture se serait opposée au curage des ouvrages hydrauliques de décharge de l'autoroute A4, qu'il lui appartient d'entretenir en sa qualité de concessionnaire ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux incidences qu'une telle intervention serait susceptible de comporter sur les propriétés situées en aval de l'autoroute, le préfet de la Meuse n'a pas commis une faute lourde en n'usant pas du pouvoir de police des cours d'eau non domaniaux qu'il tient du code rural afin d'obliger les propriétaires riverains à procéder au curage de l'Orne et de ses affluents ; que, dès lors, les conclusions de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE dirigées contre l'Etat doivent être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le syndicat intercommunal à vocation multiple d'Etain et la commune de Saint-Jean-les-Buzy :
Considérant, d'une part, qu'il résulte des énonciations du rapport d'expertise que l'amélioration que pourrait apporter le nettoyage du lit de l'Orne ne serait que très modérée et insusceptible d'empêcher l'inondation des bas quartiers de Parfondrupt ; que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE ne contredit pas utilement les conclusions de l'expert sur ce point en produisant au dossier des éléments issus d'une étude réalisée non contradictoirement ;
Considérant, d'autre part, que s'il est constant que l'effondrement partiel du pont appartenant à la commune de Saint-Jean-les-Buzy et situé en aval de l'autoroute a contribué à l'ensablement du lit mineur de l'Orne, il ne résulte pas de l'instruction que l'état de cet ouvrage ait contribué aux inondations en cause, dues à la rétention des eaux en amont du remblai de l'autoroute ; que, par suite, les conclusions de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE tendant à être garantie par le syndicat intercommunal à vocation multiple d'Etain et la commune de Saint-Jean-les-Buzy des condamnations prononcées à son encontre ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise exposés devant la cour :
Considérant qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, de mettre ces frais à la charge de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE à verser à la caisse meusienne d'assurances mutuelles et à la caisse départementale des incendiés de la Meuse la somme qu'elles demandent sur le fondement des dispositions précitées ; que ladite société étant tenue aux dépens, ces dispositions font en outre obstacle à ce que celle-ci demande la condamnation de l'Etat, du syndicat intercommunal à vocation multiple d'Etain et de la commune de Saint-Jean-les-Buzy à lui verser une somme au titre des frais d'instance qu'elle a exposés ;
Article 1er : Les sommes de 14 906,90 F et de 457 925 Fque la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE a été condamnée à verser à la caisse meusienne d'assurances mutuelles et à la caisse départementale des incendiés de la Meuse par le jugement du tribunal administratif de Nancy, en date du 18 décembre 1991, sont ramenées respectivement à 3 726,72 F et à 114 481,25 F.
Article 2 : Les frais d'expertise exposés devant la cour sont mis à la charge de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 18 décembre 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE est rejeté ainsi que les conclusions de la caisse meusienne d'assurances mutuelles et de la caisse départementale des incendiés de la Meuse tendant au versement des frais irrépétibles.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, à la caisse meusienne d'assurances mutuelles,à la caisse départementale des incendiés de la Meuse, au ministre de l'agriculture et de la pêche, au syndicat intercommunal à vocation multiple d'Etain et à la commune de Saint-Jean-les-Buzy.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 92NC00214
Date de la décision : 02/07/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES COURS D'EAU NON DOMANIAUX.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - LIEN DE CAUSALITE - EXISTENCE.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITE PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVEE - ACTION EN GARANTIE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONCEPTION ET AMENAGEMENT DE L'OUVRAGE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R217, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MOUSTACHE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-07-02;92nc00214 ?
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