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05/05/1998 | FRANCE | N°94NC01295

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 05 mai 1998, 94NC01295


(Troisième chambre)
Vu la requête introductive d'instance et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 24 août et 7 novembre 1994, présentés pour la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE, ayant son siège au ..., par Me Cossa, avocat ;
La SOCIETE demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 31 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses deux demandes, tendant, d'une part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 18 343,58 F en réparation du préjudice subi par elle du fait du refus du Préfet de la Marn

e d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution d'un arrêt ...

(Troisième chambre)
Vu la requête introductive d'instance et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement les 24 août et 7 novembre 1994, présentés pour la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE, ayant son siège au ..., par Me Cossa, avocat ;
La SOCIETE demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 31 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses deux demandes, tendant, d'une part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 18 343,58 F en réparation du préjudice subi par elle du fait du refus du Préfet de la Marne d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Reims, en date du 25 mai 1989, ordonnant l'expulsion de Mme X..., locataire d'un logement lui appartenant, et, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 35 192,06 F en réparation du même préjudice ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité globale de 100 000 F en réparation de la perte de loyers, des troubles dans les conditions d'existence et de la dégradation des locaux irrégulièrement occupés, ladite somme produisant intérêts à compter du 22 octobre 1990 et ceux échus devant être capitalisés ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu, en date du 26 mars 1998, la communication faite aux parties en application de l'article l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 1998 :
- le rapport de MOUSTACHE, Président,
- les observations de Me BRIARD substituant Me COSSA, avocat de la Société Nationale Immobilière,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que par deux requêtes introductives d'instance, enregistrées les 13 mai et 21 octobre 1992, la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait du refus du concours de la force publique qui lui a été opposé par le Préfet de la Marne pour l'exécution d'un jugement du 4 juillet 1986 du Tribunal d'Instance d'Epernay, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Reims du 25 mai 1989, ordonnant l'expulsion de Mme X... du logement qu'elle occupait ... et qui est la propriété de ladite société ; que, par le jugement attaqué, dont cette dernière relève régulièrement appel, le tribunal administratif a rejeté la première requête pour défaut de demande préalable à l'administration et la seconde par le motif que la société requérante s'était abstenue de préciser le fondement juridique de sa demande d'indemnité ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le Président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ;
Considérant qu'en rejetant la seconde requête présentée par la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE pour le motif susmentionné, soulevé d'office, sans avoir satisfait à l'obligation qui lui était faite par l'article R.153-1 ci-dessus reproduit, d'informer les parties, avant la séance de jugement, de ce que sa décision était susceptible d'être fondée sur un tel moyen et de leur préciser le délai dans lequel ces dernières pourraient présenter leurs observations, le tribunal a entaché son jugement d'une irrégularité de procédure, en raison de laquelle il doit être annulé en tant qu'il a rejeté ladite requête ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer la demande présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE ;
Sur la responsabilité :
Considérant, d'une part, que tout justiciable nanti d'une décision de justice dûment revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur le concours de la force publique pour assurer l'exécution du titre qui lui est ainsi délivré ; que, d'autre part, il est constant que la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE a demandé le 19 avril 1990 le concours de la force publique aux fins d'obtenir le déguerpissement de Mme X... de l'appartement que celle-ci occupait sans droit ni titre à Epernay ; que compte tenu du délai normal de deux mois dont disposait l'administration pour déférer à cette demande, le refus qui lui a été opposé engage la responsabilité de l'Etat depuis le 19 juin 1990 jusqu'au 17 septembre 1991, date à laquelle l'expulsion de l'occupant sans droit a pu être réalisée ;
Sur le préjudice :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de la période d'indemnisation ci-avant définie, le montant de l'indemnité pour perte de loyers doit être fixé à 32 801,05 F ;
Considérant, d'autre part, que les demandes d'indemnité relatives aux "troubles dans conditions d'existence" et aux prétendues dégradations causées par Mme X... à l'appartement qu'elle occupait sans titre, sont fondées sur des chefs de préjudice distincts de celui invoqué en première instance et constituent, dès lors, des conclusions nouvelles en appel ; que, de telles conclusions ne sont pas recevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE une somme de 32 801,05 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 21 août 1992, date de la réception dans les services de la préfecture de la Marne de la demande préalable formée par la société requérante ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE le 24 août 1994 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêt sur le montant de l'indemnité ci-dessus arrêté ; que, dès lors, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur la subrogation :
Considérant, enfin, qu'il y a lieu de subordonner le versement des sommes allouées à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE à la subrogation de l'Etat dans les droits de cette dernière à l'encontre de Mme X... à raison de son occupation indue de l'appartement en cause pour la période du 19 juin 1990 au 17 septembre 1991 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté la première requête de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-avant que la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE a obtenu l'indemnisation du préjudice dont elle était fondée à demander réparation à raison du refus de concours de la force publique qui lui a été irrégulièrement opposé par le Préfet de la Marne ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté la première requête présentée devant le tribunal administratif par ladite société sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE une somme de 10 000 F au titre de frais exposées par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1ER : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté la requête de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE enregistrée le 13 mai 1992.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en date du 31 mai 1994, est annulé en tant qu'il a rejeté la requête de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE enregistrée le 21 octobre 1992.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE une somme de 32 801,95 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 21 août 1992 ; les intérêts échus le 24 août 1994 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE est rejeté.
Article 5 : Le versement de l'indemnité mentionnée à l'article 3 ci-dessus est subordonné à la subrogation de l'Etat dans les droits de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE à l'encontre de Mme X... à raison de l'occupation indue du logement sis ..., pour la période du 19 juin 1990 au 17 septembre 1991.
Article 6 : L'Etat est, en outre, condamné à verser à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE et au ministre de l'Intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01295
Date de la décision : 05/05/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-03-01-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MOUSTACHE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-05-05;94nc01295 ?
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