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16/04/1998 | FRANCE | N°95NC00056

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 16 avril 1998, 95NC00056


(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 1995 au greffe de la Cour, présentée pour M. Edmond X..., demeurant ... (Bas-Rhin) ayant pour avocat Me Eymeri Y... ;
Il demande que la Cour :
1 - annule le jugement, en date du 18 novembre 1994, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Domfessel, en date du 14 décembre 1989, réduisant le "coefficient d'emploi" du secrétaire de mairie-instituteur de 35 à 20 % et, d'autre part, à la condamnation de l

adite commune à lui verser une indemnité de 77 400,06 F en réparation ...

(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 1995 au greffe de la Cour, présentée pour M. Edmond X..., demeurant ... (Bas-Rhin) ayant pour avocat Me Eymeri Y... ;
Il demande que la Cour :
1 - annule le jugement, en date du 18 novembre 1994, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Domfessel, en date du 14 décembre 1989, réduisant le "coefficient d'emploi" du secrétaire de mairie-instituteur de 35 à 20 % et, d'autre part, à la condamnation de ladite commune à lui verser une indemnité de 77 400,06 F en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la délibération susmentionnée ;
2 - condamne la commune de Domfessel à lui payer une indemnité de 116 340 F avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts, ainsi qu'une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1998 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président ;
- les observations de Me BOUTON, avocat de M. X...,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par une délibération en date du 14 décembre 1989, le conseil municipal de la commune de Domfessel a réduit de quatorze à huit heures hebdomadaires l'horaire de travail de M. X..., secrétaire de mairie-instituteur, ramenant ainsi de 35 % à 20 % son "coefficient d'emploi" ; que par une délibération du 26 juillet 1995, le conseil municipal, entérinant un protocole d'accord conclu le même jour entre le maire de ladite commune et M. X..., a décidé d'annuler sa précédente délibération, de rétablir l'horaire de travail initial du secrétaire de mairie et d'octroyer à ce dernier une indemnité de 35 000 F en réparation du préjudice financier qu'il avait subi ; que, toutefois, par une troisième délibération, adoptée le 20 octobre 1995 à la suite des observations faites par le sous-préfet de Saverne dans le cadre du contrôle de légalité, le conseil municipal a annulé la précédente délibération tout en maintenant le rétablissement à quatorze heures de travail par semaine pour l'emploi de secrétaire de mairie ; que, dans le dernier état de ses écritures devant la Cour, M. X... soutient que ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 14 décembre 1989 sont devenues sans objet mais maintient sa demande d'indemnité dirigée contre la commune de Domfessel à raison de l'illégalité de cette délibération ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :
Considérant que si, postérieurement à l'introduction du pourvoi, M. X... a, ainsi qu'il a été dit ci-avant, obtenu le rétablissement de son horaire de travail hebdomadaire, il est constant que la délibération du conseil municipal de Domfessel, en date du 14 décembre 1989, a reçu application du 1er janvier 1990 au mois de septembre 1995 et que le rétablissement susmentionné n'équivaut pas à un retrait de ladite délibération ; que dans ces conditions, la requête de M. X..., qui tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de cette même délibération, a conservé son objet ; que, dès lors, les conclusions à fin de non-lieu présentées par le requérant ne peuvent être accueillies ; qu'elles doivent être regardées comme équivalant à un désistement pur et simple dont rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la responsabilité de la commune de Domfessel :
Considérant que s'il appartenait au conseil municipal de la commune de Domfessel élu en mars 1989 de fixer le nouvel horaire de travail hebdomadaire du secrétaire de mairie, il ne pouvait le faire sans tenir compte de l'importance réelle des tâches confiées à l'intéressé ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les tâches administratives de M. X... aient été notablement réduites à la suite du changement de municipalité qui s'est produit en 1989 ; qu'en particulier si la commune a soutenu que le secrétaire de mairie s'était vu retirer la rédaction des procès-verbaux des séances du conseil municipal ainsi que la participation à l'élaboration du budget municipal, il résulte de l'instruction que M. X... effectuait ces tâches à titre bénévole, en sus de son horaire de travail initialement fixé à quatorze heures par semaine ; qu'au demeurant la commune de Domfessel n'a produit ni devant les premiers juges ni en appel un quelconque document, tel qu'une note de service, de nature à corroborer ses allégations relatives à une nouvelle répartition des tâches au sein de la municipalité pour la période du 1er janvier 1990 au mois de septembre 1995, date à laquelle la municipalité issue des élections de mars 1995 a rétabli le "coefficient d'emploi" antérieur du secrétaire de mairie ; qu'il n'est pas davantage établi qu'au cours de la période considérée, M. X... n'a pas continué à assumer l'essentiel de la rédaction du courrier municipal ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que la délibération du conseil municipal de Domfessel, en date du 14 décembre 1989, qui repose sur des faits matériellement inexacts, est entachée d'illégalité ; que cette illégalité a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Domfessel à l'égard de M. X... et, par suite, ce dernier est en droit d'obtenir la condamnation de ladite commune à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette délibération illégale ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, M. X... demande que la commune de Domfessel soit condamnée à lui verser une indemnité de 35 000 F en réparation du préjudice financier que lui a causé la réduction illégale de son horaire hebdomadaire de travail ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande qui n'est pas exagérée et correspond, au demeurant, au montant de l'indemnité qui avait été fixé entre les parties lors de la conclusion du protocole d'accord signé le 26 juillet 1995 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg, en date du 18 novembre 1994, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Domfessel à l'indemniser de son préjudice financier à hauteur de 35 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que la somme susmentionnée de 35 000 F portera intérêts de droit à hauteur de 5 422 F, à compter du 12 avril 1990, date de réception par la mairie de Domfessel de la demande préalable de M. X..., à compter du 20 juin 1990 à hauteur de 4 518 F, à compter du 21 mai 1991 à hauteur de 21 302,31 F et, pour le surplus, à compter du 29 juin 1992, ces trois dernières dates correspondant à celles de l'enregistrement devant le tribunal administratif de Strasbourg des mémoires comportant sommation de payer et marquant le point de départ des intérêts au taux légal ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 29 juin 1992, 14 juin 1993, 15 juin 1994 et 13 janvier 1995 ; qu'à la première de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts sur les sommes de 5 422 F, 4 518 F et 21 302,31 F ; qu'il en va de même pour la troisième des dates susmentionnées en ce qui concerne la totalité de la somme due par la commune ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit aux deux demandes de capitalisation susmentionnées ;
Considérant, en revanche, que les demandes de capitalisation formées les 14 juin 1993 et 13 janvier 1995 doivent être rejetées dès lors qu'à chacune de ces dates il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de Domfessel à verser à M. X... une somme de 5 000 F sur le fondement des dispositions précitées ; qu'en revanche celles-ci font obstacle à ce que M. X..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à ladite commune la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de M. X... tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Domfessel en date du 14 décembre 1989.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il rejette la demande d'indemnité de M. X....
Article 3 : La commune de Domfessel est condamnée à payer à M. X... une somme de 35 000 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 12 avril 1990 à hauteur de 5 422 F, du 20 juin 1990 à hauteur de 4 518 F, du 21 mai 1991 à hauteur de 21 302,31 F et, pour le surplus, à compter du 29 juin 1992.
Article 4 : Les intérêts échus les 29 juin 1992 et 15 juin 1994 seront capitalisés à chacune de ces deux dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : La commune de Domfessel versera à M. X... une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Les conclusions de la commune de Domfessel tendant au bénéfice de ce même article sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et à la commune de Domfessel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95NC00056
Date de la décision : 16/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MOUSTACHE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-04-16;95nc00056 ?
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