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16/04/1998 | FRANCE | N°94NC01387

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 16 avril 1998, 94NC01387


(Troisième chambre)
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 septembre 1994 et 27 mars 1995, au greffe de la Cour, présentés pour M. Michel Y..., demeurant à UZELLE (Doubs), ayant pour avocat Me Z... ;
Il demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement, en date du 15 juillet 1994, par lequel le tribunal administratif de Besançon, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'UZELLE (Doubs) à lui payer une somme de 430 621 F, avec intérêts de droit, en réparation des dommages causés à son troupeau de moutons par les e

aux polluées du ruisseau traversant l'une de ses pâtures et, d'autre part,...

(Troisième chambre)
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 septembre 1994 et 27 mars 1995, au greffe de la Cour, présentés pour M. Michel Y..., demeurant à UZELLE (Doubs), ayant pour avocat Me Z... ;
Il demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement, en date du 15 juillet 1994, par lequel le tribunal administratif de Besançon, d'une part, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'UZELLE (Doubs) à lui payer une somme de 430 621 F, avec intérêts de droit, en réparation des dommages causés à son troupeau de moutons par les eaux polluées du ruisseau traversant l'une de ses pâtures et, d'autre part, a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges ;
2 ) de condamner la commune d'UZELLE à lui verser la somme susmentionnée avec intérêts de droit à compte de la requête en référé ;
3 ) de condamner ladite commune à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1998 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
- et les observations de Me X... de la SCP BEGIN-NICOLIER-MILLER, avocat de la commune d'UZELLE,
- et les conclusions de M. VINCENT , Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts commis en référé par ordonnance du président du tribunal administratif de Besançon, que le ruisselet qui traverse la propriété de M. Y..., sise au lieudit "En Prodin" sur le territoire de la commune d'UZELLE (Doubs), dans laquelle il a fait pacager son troupeau d'ovins de juin à novembre 1992, charrie des eaux usées non assainies qui sont impropres à l'abreuvement des animaux ; qu'en outre les eaux fortement contaminées qui circulaient dans le canal effluent de la station d'épuration débordaient très régulièrement dans la propriété de M. RUFY, provoquant ainsi une "charge bactériologique" importante de celle-ci, notamment dans les dépressions du terrain ; que l'épizootie de paratuberculose accompagnée d'un fort parasitisme gastro-intestinal qui s'est déclarée à partir de juillet 1992 dans ledit troupeau n'a pu trouver son origine que dans la consommation par les animaux de l'eau qui s'accumule sur le terrain en cas de débordement du ruisseau ou du canal susmentionné ainsi que des plantes contaminées poussant au voisinage de ceux-ci et dont les animaux étaient particulièrement friands ; que l'existence d'un lien direct de causalité entre cette consommation et la forte mortalité du cheptel de M. RUFY se trouve, au demeurant, corroborée par la circonstance que les animaux qui n'ont pas été mis en pacage dans la prairie "En prodin" n'ont pas été atteints par l'épizootie ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le ruisselet qui circule dans la propriété de M. Y... recueille les eaux usées de plusieurs maisons d'habitation ainsi que les effluents des exploitations agricoles situées en amont de ladite propriété pour les conduire jusqu'à la station d'épuration communale qui jouxte la parcelle de M. Y... ; que ce cours d'eau, quand bien même il trouve son origine dans une source, que ses eaux sont grossies par deux fontaines de la commune et qu'il n'était que partiellement canalisé à la date des faits susrappelés, doit être regardé comme un élément du réseau d'assainissement de la commune d'UZELLE de nature à lui conférer le caractère d'un ouvrage public ; qu'au surplus, ainsi qu'il a été dit ci-avant, la propriété de M. Y... est également envahie régulièrement par les eaux débordant du canal effluent de la station d'épuration communale ; que, dès lors le requérant, qui a la qualité de tiers à l'égard de ces ouvrages, est fondé à rechercher la responsabilité de la commune d'UZELLE, du fait de l'exécution et du fonctionnement défectueux des ouvrages publics d'assainissement communaux, à raison des pertes constatées dans son cheptel au cours des années 1992 et 1993 ; que , par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à la condamnation de ladite commune à l'indemniser du préjudice qu'il a subi suite à l'anéantissement de son cheptel ovin ;
Sur le montant du préjudice subi :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport des experts désignés par les premiers juges que les pertes subies par M. Y... du fait de la destruction de son troupeau doivent être évaluées à 133 300 F ;

Considérant , en second lieu, que si M. Y... soutient avoir exposé diverses sommes au titre des traitements antiparisitaires administrés à son cheptel ovin, de la provende supplémentaire nécessitée par l'état de celui-ci, des frais de désinfection de la parcelle contaminée ainsi que des locaux de la bergerie, il n'a versé au dossier aucune pièce justificative de nature à établir la réalité de ses allégations ;
Considérant, en troisième lieu, que M. Y... n'établit pas davantage ses droits à percevoir une prime spéciale d'élevage d'un montant de 15 221 F ;
Considérant, en quatrième lieu, que les pertes prétendument subies par le requérant dans ses activités de débardage de coupes de bois, à les supposer même établies, ne sauraient être prises en compte pour l'évaluation du préjudice qu'il a subi dans la mesure où M. Y... n'apporte pas la preuve de l'existence d'un lien direct de causalité entre lesdites pertes et l'épizootie dont son troupeau a été atteint ;
Considérant, en cinquième lieu, que le requérant n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune d'UZELLE à lui payer une indemnité de 81 600 F au titre des pertes d'agnelage, un tel chef de préjudice ayant un caractère purement éventuel ;
Considérant, enfin, qu'il sera fait une juste estimation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence qui sont résultés pour M. Y... de l'épizootie dont son troupeau a été atteint en fixant à 10 000 F le montant de l'indemnité à laquelle il peut prétendre de ce chef ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune d'UZELLE doit être condamnée à payer à M. Y... une somme globale de 143 300 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 1994, date d'enregistrement de la demande du requérant devant le tribunal administratif de Besançon ,
Sur les frais de l'expertise :
Considérant que les frais de l'expertise prescrite par les premiers juges doivent, dans les circonstances de l'espèce, être mis à la charge de la commune d'UZELLE ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que M. Y..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné sur le fondement des dispositions précitées ; qu'en revanche, par application de ce même texte, il y a lieu de condamner la commune d'UZELLE à payer à M. Y... une somme de 8 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1ER : Le jugement du tribunal administratif de Besançon, en date du 15 juillet 1994, est annulé.
Article 2 : La commune d'UZELLE est condamnée à payer à M. Y... une indemnité de 143 300 F, somme qui portera intérêts de droit à compter du 27 janvier 1994.
Article 3 : La commune d'UZELLE est, en outre, condamnée à payer à M. Y... une somme de 8 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les frais de l'expertise de première instance sont mis à la charge de la commune d'UZELLE.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... et les conclusions de la commune d'UZELLE tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et à la commune d'UZELLE.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01387
Date de la décision : 16/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE TRAVAIL PUBLIC ET D'OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PUBLIC.

TRAVAUX PUBLICS - NOTION DE TRAVAIL PUBLIC ET D'OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PUBLIC - OUVRAGE PRESENTANT CE CARACTERE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'OUVRAGE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MOUSTACHE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-04-16;94nc01387 ?
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