(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 1996 au greffe de la Cour, présentée par Mlle Joëlle Y..., demeurant ... (Nord) ;
Elle demande que la Cour :
1 ) - annule le jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 23 mai 1996, en tant que celui-ci a rejeté ses demandes tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'Etat et de l'hôpital de Saint-Saulve à lui verser des dommages-intérêts à raison du placement d'office dans cet établissement dont elle a fait l'objet ;
2 ) - condamne l'Etat et ledit établissement hospitalier à lui verser une somme de 500 000 Frs en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 12 août 1996, présenté par Mlle Y... qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi N 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 1998 ;
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président-rapporteur,
- les observations de Me X..., substituant Me LE PRADO, avocat du centre de psychothérapie Duchesnois ;
- et les conclusions de M. Vincent, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle Y... ne demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 23 mai 1996, qu'en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation conjointe et solidaire de l'Etat et du centre hospitalier de psychothérapie de Valenciennes à lui verser des dommages-intérêts à raison du placement d'office dans cet établissement, qui a été prescrit par un arrêté du 8 août 1989 du préfet délégué pour la police du département du Nord et dont l'annulation a été prononcée par le jugement susmentionné par le motif qu'il était insuffisamment motivé ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que si l'autorité judiciaire est seule compétente, en vertu des articles L.333 et suivants du code de la santé publique, pour apprécier la nécessité d'une mesure de placement d'office en hôpital psychiatrique et les conséquences qui peuvent en résulter, il appartient à la juridiction administrative d'apprécier la régularité de la décision administrative qui ordonne le placement, et, le cas échéant, les conséquences dommageables de son défaut de notification ainsi que des fautes du service public qui auraient pu être commises à cet égard ;
Considérant qu'il ressort des termes de la requête introductive d'instance que pour demander aux premiers juges de condamner l'Etat et le centre hospitalier spécialisé dans lequel Mlle Y... a fait l'objet d'une mesure de placement d'office du 16 août au 15 septembre 1989, cette dernière s'est prévalue, d'une part, de l'absence d'altération de ses facultés mentales et du caractère injustifié de ladite mesure, et, d'autre part du défaut de notification de l'arrêté préfectoral de placement, lequel serait constitutif d'une violation des articles 4, 5-4, 6-1, 8-2, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 ; que s'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de statuer sur le litige portant sur la réparation du préjudice résultant de l'appréciation de la nécessité de la mesure de placement d'office, la juridiction administrative est compétente, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif par le jugement attaqué, pour apprécier les conséquences dommageables de l'irrégularité dont était entaché l'arrêté préfectoral du 8 août 1989 ainsi que de l'absence de notification à l'intéressée de cette mesure ;
Au fond
En tant que les conclusions à fin d'indemnité sont dirigées contre l'Etat :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision ; qu'il résulte de l'instruction que Mlle Y... n'a présenté aucune demande d'indemnité à l'autorité administrative avant de saisir le tribunal administratif de Lille de conclusions à fin de dommages-intérêts dirigées contre l'Etat ; que si, dans son pourvoi, elle allègue avoir saisi l'administration d'un "recours", une telle demande, dont au demeurant la réalité n'est pas établie par les pièces du dossier et qui n'aurait été présentée que postérieurement à l'intervention du jugement attaqué, n'est pas susceptible de rendre recevable les conclusions susmentionnées ; qu'ainsi Mlle Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable, en l'absence de décision préalable, la demande dont il avait été saisi par la requérante ;
En tant que les conclusions à fin d'indemnité sont dirigées contre le centre hospitalier :
Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il admet ou maintient dans son établissement un malade dont l'autorité compétente a ordonné le placement d'office ou le maintien dans cette situation, le directeur d'un hôpital psychiatrique se borne à exécuter cet ordre et ne prend pas lui-même une nouvelle décision susceptible de faire grief à ce malade et d'engager à l'endroit de ce dernier la responsabilité de l'établissement hospitalier ; que dès lors, la demande d'indemnité présentée par Mlle Y... et fondée sur l'irrégularité des conditions d'admission de cette dernière au centre hospitalier spécialisé de Valenciennes, lesquelles seraient constitutives d'une violation des articles 4, 5-4, 6-1 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sauraient, en tout état de cause, être accueillies en tant qu'elles sont dirigées contre ledit hôpital ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes de la requête introductive d'instance que pour demander aux premiers juges de condamner le centre hospitalier spécialisé dans lequel Mlle Y... a fait l'objet d'une mesure de placement d'office du 16 août au 15 septembre 1989, cette dernière s'est prévalue de l'absence d'altération de ses facultés mentales et du caractère injustifié de ladite mesure ; qu'à supposer que l'intéressée, qui n'invoque aucune autre faute de service, ait entendu ainsi soutenir qu'il aurait été fait, notamment par les médecins dudit établissement, une mauvaise appréciation de la nécessité de l'admettre et de la maintenir en situation de placement d'office, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur les conséquences dommageables d'une telle appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, rendu le 23 mai 1996, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé de Valenciennes à lui verser une indemnité en réparation de son admission et de son maintien en placement d'office dans cet établissement pendant la période du 16 août au 15 septembre 1989 ;
Article 1 : La requête de Mlle Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Y... et au centre hospitalier de Valenciennes