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31/12/1997 | FRANCE | N°94NC01260

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 31 décembre 1997, 94NC01260


(Troisième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 12 août 1994 au greffe de la Cour, présentée pour L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, dont le siège est .... (Nord), représenté par son directeur général en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 22 juin 1994, ayant pour avocat Maître X... ;
Il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 9 juin 1994, par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à M. Y..., d'une part, une somme de 25 000 F avec intérêts

de droit à compter du 26 avril 1989 et capitalisation de ceux au 27 août 1993, ...

(Troisième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 12 août 1994 au greffe de la Cour, présentée pour L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, dont le siège est .... (Nord), représenté par son directeur général en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 22 juin 1994, ayant pour avocat Maître X... ;
Il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 9 juin 1994, par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamné à verser à M. Y..., d'une part, une somme de 25 000 F avec intérêts de droit à compter du 26 avril 1989 et capitalisation de ceux au 27 août 1993, en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son internement dans les services dudit établissement et, d'autre part, une somme de 3 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel
2) de rejeter la demande de M. Y... devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 1997 ;:
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

SUR LA REGULARITE DU JUGEMENT :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le moyen tiré par M. Y... de la méconnaissance par le centre hospitalier spécialisé d'Armentières, devenu l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, des dispositions de l'article L.345 du code de la santé publique, avait été invoqué dans la requête introductive d'instance enregistrée le 27 août 1993 au greffe du tribunal administratif de Lille ; que, dès lors, ledit établissement n'est pas fondé à soutenir que le moyen susmentionné a été soulevé pour la première fois dans un mémoire du requérant déposé la veille du jour de l'audience du tribunal et, par suite, celui-ci, en faisant droit au moyen ainsi soulevé, n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;
AU FOND :
Sur l'appel de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE :
Considérant que la circonstance que M. Y... n'ait pas reçu notification des arrêtés du préfet, délégué pour la police du département du Nord, en date des 20 décembre 1985 et 21 janvier 1987 prescrivant son placement d'office au centre hospitalier spécialisé d'Armentières et le maintenant dans cette situation jusqu'au 3 juin 1987, n'a pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient l'intéressé, de priver ces décisions de leur caractère exécutoire ; qu'il suit de là qu'en admettant M. Y... dans son établissement le 20 décembre 1985 au titre du placement d'office et en le maintenant dans cette position jusqu'à la date à laquelle il a été admis à quitter cet établissement hospitalier, le directeur de celui-ci s'est borné à exécuter les ordres du préfet et n'a pas pris lui-même des décisions susceptibles de faire grief à M. Y... et d'engager à l'endroit de ce dernier la responsabilité de l'établissement requérant ; que, dès lors, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé, pour le condamner, qu'il avait commis une faute en procédant à l'internement du malade en l'absence d'une décision exécutoire ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L.345 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés incriminés : " ... les directeurs ... des établissement seront tenus d'adresser aux prefets, dans le premier mois de chaque semestre, un rapport rédigé par le médicin de l'établissement sur l'état de chaque personne qui y sera retenue, sur la nature de sa maladie et les résultats du traitement. Le préfet prononcera sur chacune individuellement, ordonnera sa maintenance dans l'établissement ou sa sortie" ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant qu'un tel rapport n'a pas été adressé à l'autorité préfectorale dans le délai prescrit ; que si l'établissement public requérant soutient que le certificat dit "de quinzaine", prévu par l'article L.336 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur, a été établi le 4 janvier 1986, un tel document, qui concerne au demeurant les situations de placement volontaire et non les cas de placement d'office, ne saurait tenir lieu du rapport mentionné à l'article L.345 précité, lequel fait obligation au préfet de se prononcer sur le maintien ou non de l'intéressé dans l'établissement hospitalier ;

Considérant, d'autre part, qu'en s'abstenant de faire parvenir au préfet son rapport semestriel, le directeur de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE a commis une faute de service dont il appartient à la juridiction administrative de réparer les conséquences dommageables ; qu'en évaluant celles-ci à la somme de 25 000 F, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait une appréciation exagérée du préjudice subi par M. Y... qui, du fait de la faute susmentionnée, a été privé d'une chance de sortir plus rapidement de l'établissement hospitalier ;
Sur les demandes incidentes de M. Y... :
En ce qui concerne les conclusions tendant au relèvement de l'indemnité allouée par le tribunal :
Considérant que pour demander à la cour, par la voie de l'appel incident, de relever le montant de l'indemnité qui lui a été allouée par les premiers juges, M. Y... se prévaut, d'une part, des irrégularités entachant les décisions préfectorales de placement d'office et de maintien dans cette position et notamment du fait que ces décisions ne lui ont pas été notifiées et qu'ainsi celles-ci auraient été mises à exécution en violation des dispositions de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 9 2 du pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politique ; que, toutefois, il résulte de ce qui a été dit ci-avant qu'en admettant M. Y... dans son établissement alors même que l'arrêté du préfet de police ordonnant son placement d'office dans ledit établissement ne lui avait pas encore été notifié, le directeur du centre hospitalier d'Armentières n'a pas commis de faute ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, de connaître des litiges relatifs aux conditions dans lesquelles le centre hospitalier spécialisé susmentionné a pris les mesures que comportait l'exécution des arrêtés préfectoraux des 20 décembre 1985 et 21 janvier 1987 ; que, dès lors, M. Y... n'est pas fondé à se prévaloir, au soutien de ses conclusions incidentes, des conditions de sa prise en charge psychothérapeutique "qui auraient, selon lui, empêché les médecins de constater plus tôt que sa place n'était pas dans cet établissement", un tel moyen ressortissant à l'appréciation de la nécessité du placement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à solliciter le relèvement de l'indemnité qui lui a été accordée par le tribunal administratif de Lille ;
En ce qui concerne la demande de capitalisation des intérêts ;
Considérant que M. Y... a demandé le 14 novembre 1994 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Lille lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'en revanche M. Y... n'est pas fondé à demander le bénéfice de la capitalisation desdits intérêts à une date antérieure à celle de sa demande :
SUR LES CONCLUSIONS DE M. Y... TENDANT A
L'APPLICATION DE L'Article L.8-1 DU CODE DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET DES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE à payer à M. Y..., application des dispositions précitées, une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1 : La requête de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE et les conclusions de M. Y..., présentées par la voie de l'appel incident, tendant relèvement de l'indemnité que ledit établissement a été condamné à lui verser par le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 9 juin 1994, sont rejetées.
Article 2 :Les intérêts afférents à l'indemnité de 25 000 F que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE a été condamné à verser à M. Y... par le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 juin 1994 et échus le 14 novembre 1994 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE est condamné à payer à M. Y... une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, à M. Y... et au secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'emploi et de la solidarité, chargé de la santé.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC01260
Date de la décision : 31/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE.

SANTE PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLEAUX SOCIAUX - LUTTE CONTRE LES MALADIES MENTALES - ETABLISSEMENTS DE SOINS - MODE DE PLACEMENT DANS LES ETABLISSEMENTS DE SOINS - PLACEMENT D'OFFICE.


Références :

Code civil 1154
Code de la santé publique L345, L336, L8-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MOUSTACHE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1997-12-31;94nc01260 ?
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