(Troisième Chambre)
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 3 octobre 1995 et 8 mars 1996 au greffe de la Cour, présentés pour M. Y... FATEH, demeurant Tell Naar dint Kuchab à BURHAN (Pakistan), ayant pour avocat de la SCP Claire WAQUET et autres, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Il demande que la Cour :
1 / annule le jugement, en date du 5 juillet 1995, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'Intérieur, en date du 8 mars 1994, prononçant son expulsion du territoire français ;
2 / annule l'arrêté ministériel susmentionné ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 1997 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Conseiller ;
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il y ait lieu de statuer sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion .... 4 L'étranger, marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française" ; qu'aux termes de l'article 26 de la même ordonnance : "L'expulsion peut être prononcée : ... .... b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. FATEH Y..., de nationalité pakistanaise, a été le principal instigateur du mariage organisé au Pakistan, selon la coutume locale, entre son frère, agriculteur du Pendjab, père de quatre enfants, et une ressortissante française, à laquelle le voyage avait été offert et dont la liberté d'aller et de venir, une fois rendue sur place, avait été supprimée dans l'attente de la célébration du mariage ; qu'en outre le requérant a été trouvé, le 28 avril 1993, en possession de faux documents administratifs, délit pour lequel une procédure a été diligentée à son encontre devant le Tribunal correctionnel de Paris ; que, toutefois, même si la présence de M. X... sur le territoire français constitue, compte tenu du comportement délictuel décrit ci-avant, une menace pour l'ordre public, elle ne présente pas le caractère d'une menace d'une gravité telle qu'elle justifie l'utilisation de la procédure prévue à l'article 26-b de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, en estimant que son expulsion constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique, le ministre de l'Intérieur a commis une erreur d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, en date du 8 mars 1994, ordonnant son expulsion du territoire français ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens, en date du 5 juillet 1995, et la décision du ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire, en date du 8 mars 1994, sont annulés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'Intérieur.