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29/04/1997 | FRANCE | N°94NC00569;94NC00673

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, 29 avril 1997, 94NC00569 et 94NC00673


(Troisième Chambre)
I - Vu la requête, enregistrée le 18 avril 1994 sous le n 94NC00569, présentée pour M. Bernard X... domicilié : ... et pour le G.A.N. ayant son siège : ... LA DEFENSE ;
M. X... et le G.A.N. demandent à la Cour :
1 ) de réformer le jugement en date du 1er février 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a condamné solidairement l'Etat, la commune de MOUZON et l'entreprise C.E.R.I.-ARDENNES à verser à M. X... une somme de 342 986 F,
2 ) de retenir l'entière responsabilité des débiteurs de cette indemnité, envers M. X...,


3 ) de rehausser l'indemnité accordée à M. X... pour pertes d'exploitation ...

(Troisième Chambre)
I - Vu la requête, enregistrée le 18 avril 1994 sous le n 94NC00569, présentée pour M. Bernard X... domicilié : ... et pour le G.A.N. ayant son siège : ... LA DEFENSE ;
M. X... et le G.A.N. demandent à la Cour :
1 ) de réformer le jugement en date du 1er février 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a condamné solidairement l'Etat, la commune de MOUZON et l'entreprise C.E.R.I.-ARDENNES à verser à M. X... une somme de 342 986 F,
2 ) de retenir l'entière responsabilité des débiteurs de cette indemnité, envers M. X...,
3 ) de rehausser l'indemnité accordée à M. X... pour pertes d'exploitation ;

II - Vu, enregistré au greffe le 2 mai 1994, sous le n 94NC00673, le recours présenté, au nom de l'Etat, par le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme ;
Le ministre demande à la Cour :
- de réformer le jugement en date du 1er février 1994 du tribunal administratif de Châlons-sur-marne, en tant qu'il statue sur les appels en garantie relatifs au dommage de travaux publics subi par l'immeuble de M. Bernard X..., sis à MOUZON ;
- de condamner l'entreprise C.E.R.I.-ARDENNES à garantir entièrement l'Etat, des indemnités mises à sa charge ;
- de rejeter l'appel en garantie formé par C.E.R.I.-ARDENNES à l'encontre de l'Etat ;
Vu, enregistré au greffe le 22 juillet 1994, le mémoire en Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 1997 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller-rapporteur ;
- les observations de Me COLINET avocat de M. X... et de GAN ASSURANCES et de Me BURIAN avocat de C.E.R.I.-ARDENNES ;
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la jonction des requêtes d'appel :
Considérant que la requête d'appel de M. X... et du G.A.N., et le recours du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme sont relatifs au même dommage de travaux publics, et sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la C.E.R.I.-ARDENNES et la commune de MOUZON à la requête n 94NC00569 en tant qu'elle est présentée au nom du G.A.N. :
Considérant que le mémoire introductif d'appel, enregistré sous le n 94NC00569, est présenté conjointement au nom de M. X... et de son assureur, le G.A.N., aux fins de réformer le jugement attaqué, qui a statué sur la réparation des domages subis par les bâtiments appartenant à M. X... ; que le G.A.N. ne se prévaut d'aucun préjudice propre, et en particulier n'a jamais justifié, agir par subrogation de son assuré en vue d'obtenir la réparation d'un dommage déterminé ; qu'il résulte de ces éléments que la société C.E.R.I.-ARDENNES et la commune de MOUZON sont fondés à soutenir que la requête susmentionnée est irrecevable, en tant que présentée au nom du G.A.N. ; que ladite requête doit donc être rejetée, en tant qu'elle est présentée pour le G.A.N. ;
Sur la part de responsabilité laissée à la charge de M. X... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'effondrement, survenu le 30 mai 1991, du garage-atelier de M. X... s'avère imputable aux travaux entrepris, dans le fossé situé en contrebas, pour la pose de buses ; que ce fossé avait été curé au préalable sans précautions suffisantes, compte tenu de l'instabilité d'un mur de soutènement, laquelle a été toutefois aggravée par le fait que les fondations du bâtiment s'appuyaient sur ce mur, non conçu pour un tel usage ;
Considérant en premier lieu que, si la commune de MOUZON, la société C.E.R.I.-ARDENNES et l'Etat ont été condamnés solidairement à réparer les préjudices subis par M. X... sur le fondement de leur responsabilité sans faute, dans le cadre d'un dommage de travaux publics causé à un tiers, chaque débiteur de ces indemnités peut néanmoins obtenir une exonération, au moins partielle, de sa responsabilité, en établissant une faute de la victime ; que le moyen tiré de ce que l'éventuelle faute imputée à M. X... serait inopérante dans le cadre d'un tel dommage de travaux publics, doit être écarté ;
Considérant en deuxième lieu que les éléments susanalysés permettent d'établir que le sinistre est, en partie, imputable à un appui inadéquat, des fondations du garage sur le mur de soutènement du fossé, ce qui caractérise une faute de la victime ; que M. X... ne peut, pour s'exonérer de cette faute, invoquer utilement les circonstances que cette construction a été réalisée par l'ancien propriétaire, et que ce dernier avait obtenu un permis de construire à cette fin, dès lors qu'il a repris l'ensemble des droits et obligations du vendeur de l'immeuble, que la victime ne saurait davantage invoquer la circonstance que l'éloignement adéquat du chantier aurait empêché le sinistre, cette supposition ne pouvant, en tout état de cause, avoir aucune incidence sur le partage des responsabilités, lequel s'opère en fonction des événements survenus sur le site, et de leurs causes ;

Considérant en troisième lieu que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la part de responsabilité incombant à la victime du dommage, en la fixant à 30 % ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point ;
Sur le préjudice lié aux pertes d'exploitation du garage :
Considérant en premier lieu que le document émanant du comptable de l'entreprise, qui mentionne Mme X... comme assurant l'activité de garage, station service, ne permet pas d'établir à lui seul, et à défaut d'autres précisions et justifications, que M. X... ne participerait en aucune façon à ces mêmes activités ; que l'intéressé affirme, sans plus être utilement contredit, qu'il assurait les opérations techniques dans l'entreprise, avec le concours de son épouse pour des tâches de gestion ; qu'en l'état de ces informations, le moyen en défense de la commune de MOUZON selon lequel M. X... n'aurait droit à aucune indemnité pour pertes de ressources, au motif qu'il n'exploitait pas personnellement son garage, doit être regardé comme non fondé ;
Considérant en deuxième lieu que M. X... a droit à la compensation de ses pertes de recettes dans la mesure où elles apparaissent certaines et directement causées par le sinistre susévoqué ; qu'en appel, le requérant invoque uniquement la circonstance que la période indemnisable, s'achevant au 31 octobre 1991 date de dépôt du rapport de l'expert, devrait être étendue jusqu'au 31 mars 1992, date à laquelle la provision de 400 000 F allouée par une autre décision judiciaire lui a été versée ; que toutefois comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges, à la date de dépôt de ce rapport d'expertise, qui définissait avec précision la nature et l'étendue des travaux nécessaires pour remédier au dommage M. X... pouvait aussitôt engager ces travaux ; que le problème de financement de la reconstruction du bâtiment allégué ne peut être regardé comme la conséquence directe de l'accident ayant abouti à son effondrement ; que, dès lors, la demande d'indemnisation complémentaire des pertes d'exploitation de M. X..., fondée sur le motif précité, ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions de l'Etat et de la société C.E.R.I.-ARDENNES :
Considérant que, par voie d'appel incident sur la requête de M. X..., la société C.E.R.I.-ARDENNES sollicite à titre principal sa mise hors de cause en tant que co-responsable solidaire dans le dommage sus-évoqué, et à titre accessoire, que l'Etat la garantisse entièrement ou, à tout le moins dans une large proportion, des condamnations prononcées à son encontre ; que par recours enregistré sous le n 94NC00673, le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, demande à la Cour de condamner la C.E.R.I.-ARDENNES à garantir entièrement l'Etat des condamnations mises à sa charge, ou à tout le moins de réduire la garantie due par l'Etat à cette société, à une proportion de 10 à 20 % ;

Considérant que, dans l'opération de travaux publics à l'occasion de laquelle a eu lieu l'effondrement du bâtiment de M. X..., les services de l'Etat (Direction Départementale de l'Equipement des Ardennes) assuraient une mission de maîtrise d'oeuvre pour le compte de la commune de MOUZON, maître d'ouvrage ; que la société C.E.R.I.-ARDENNES a été chargée par procédure d'appel d'offres, de l'exécution des travaux ; qu'il résulte de ces éléments que l'Etat, même s'il devait dans le cadre de sa mission, surveiller le chantier, n'avait pas de lien contractuel avec l'entreprise C.E.R.I.-ARDENNES ; que toutefois l'Etat est fondé à obtenir une garantie de ses propres condamnations par l'entreprise, dans la mesure où il établit une faute quasi délictuelle de cette dernière à son égard ; que, symétriquement, la société C.E.R.I.-ARDENNES est fondée, dans les mêmes conditions, à rechercher la garantie de l'Etat pour ses propres condamnations ;
Considérant qu'il ressort des éléments susanalysés que le sinistre a été provoqué par le curage du fossé, avant installation des buses, en une seule phase, sans tenir compte des risques ainsi créés sur le mur de soutènement, rendu instable par sa vétusté et par les contraintes anormales dues aux fondations du garage ; que ces risques étaient prévisibles, en particulier pour une entreprise spécialisée dans ce type de chantiers ; qu'ainsi, la conduite inadéquate de ces travaux permet de caractériser une faute de l'entreprise ;
Considérant par ailleurs que, au lieu de l'incident, la pose des buses était rendue malaisée par l'exiguïté du fossé dans lequel elles devaient être installées ; que cette difficulté prévisible des travaux appelait des dispositions spécifiques, en particulier pour un renforcement latéral approprié du fossé ; que les documents contractuels relatifs au marché ne comportent aucune précision à ce sujet ; que la simple mention, dans le bordereau des prix selon laquelle le coût des buses inclut les éventuels blindages et étaiements sans autres précisions, ne saurait tenir lieu des directives détaillées qu'appelait le problème technique susévoqué ; que cette absence de prévision des mesures adéquates, propres à résoudre ce problème, caractérise une faute des services de l'Etat, chargés notamment d'élaborer les avants-projets et les documents relatifs à ce marché ; que l'erreur commise par l'entreprise dans la conduite du chantier permet également de caractériser une faute des services de l'Etat en tant qu'ils étaient également chargés de surveiller le déroulement des travaux et, au besoin, de fournir toutes instructions utiles ;
Considérant qu'il ressort de ce qui précède que, d'une part, la société C.E.R.I.-ARDENNES ne peut être entièrement mise hors de cause, pour la responsabilité solidaire retenue à son encontre dans le préjudice subi par M. X... ; que d'autre part, s'agissant des appels en garantie, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des erreurs imputables respectivement à l'entreprise et aux services de l'Etat, en condamnant chacun des co-responsables à garantir l'autre, à concurrence de 50 %, de ses propres condamnations ; que le jugement attaqué doit également être confirmé sur ce point ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que, aucune des parties au litige ne pouvant être regardée comme ayant obtenu satisfaction en appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L.8-1 précité, au cas d'espèce ;
Article 1er : La requête n 94NC00569 et le recours n 94NC00673, susvisés, sont joints.
Article 2 : La requête et le recours visés à l'article 1er sont rejetés.
Article 3 : Les appels incidents de la société C.E.R.I.-ARDENNES et de la commune de MOUZON sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de la société C.E.R.I.-ARDENNES et de la commune de MOUZON tendant à obtenir au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel une somme destinée à compenser leurs frais engagés dans la présente procédure, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard X..., au G.A.N., à la société C.E.R.I.-ARDENNES, au Ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et à la commune de MOUZON.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 94NC00569;94NC00673
Date de la décision : 29/04/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - REGIME DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE TIERS.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FAUTE DE LA VICTIME - EXISTENCE D'UNE FAUTE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATHIE
Rapporteur public ?: M. STAMM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1997-04-29;94nc00569 ?
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