(Première chambre)
VU la requête, enregistrée le 14 avril 1994, présentée par la S.A. Léon GROSSE, dont le siège social est ..., ayant pour avocat Me Didier B... ;
Elle demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 15 février 1994, en tant qu'il l'a condamnée, solidairement avec la société SLETTI, M. Z..., la succession de M. A... et M. X..., à payer au centre hospitalier de Sens la somme de 808 966F, assortie des intérêts de droit en réparation des désordres affectant les cloisons dudit centre hospitalier et l'a, en outre, condamné à garantir la société SLETTI, M. Z... et la succession de M. A... de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre ;
2 ) à titre principal, d'ordonner purement et simplement sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire de dire et juger le sinistre procède d'une insuffisance de conception et du suivi de la maîtrise d'oeuvre et, en conséquence, condamner la société SLETTI, M. Z..., la succession PERRIN-FAYOLLE ainsi que M. Y... à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
VU les observations, enregistrées le 3 juin 1994, présentées pour le Bureau VERITAS, représenté par la SCP Guy-VIENOT et autres ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 1996 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Conseiller ;
- les observations de Me THOMAS, avocat de la Société Lézon GROSSE, et de Me CURTIL, avocat du Centre hospitalier régional de SENS ;
- et les conclusions de M. PIETRI , Commissaire du Gouvernement ;
Sur l'appel principal de la société Léon GROSSE :
Considérant que pour demander, à titre principal, à être déchargée des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 15 février 1994, à raison des désordres qui affectent les cloisons intérieures du centre hospitalier de Sens, la société Léon GROSSE soutient que ces désordres étaient apparents lors des opérations de la réception définitive des travaux auxquelles il a été procédé le 18 octobre 1980 ; qu'il résulte, toutefois, des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expert désigné par ordonnance du Président dudit tribunal en date du 12 février 1991, qu'à supposer même que lesdits désordres, qui consistaient en de nombreux éclatements et fissurations des cloisons réalisées par la société requérante, aient été pour partie apparents à la date susdite, ils ne s'étaient pas révélés dans toute leur ampleur à cette date et, en conséquence, ni leur gravité ni leur importance n'avaient pu être appréciées à la date de la réception ; qu'ainsi la société Léon GROSSE n'est pas fondé à soutenir qu'en procédant à celle-ci, sans y inclure de réserves au sujet de ces fissurations, le centre hospitalier de Sens s'est privé de la possibilité de mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres en cause trouvent leur origine, d'une part, dans le remplacement, des panneaux de "placostyl" prévus au cahier des clauses techniques particulières par des "carreaux de plâtre" et, d'autre part, dans le fait que l'utilisation de ceux-ci pour la réalisation des cloisons n'a pas été accompagnée de la mise en place de "bandes résilientes" destinées à désolidariser ces cloisons des mouvements inévitables des ouvrages du gros oeuvre ; qu'ainsi lesdites fissurations résultent à la fois du fait de l'entrepreneur, alors qu'aucune raison technique n'imposait la substitution d'un matériau nouveau à celui qui avait été prévu par le marché, 0 et dans une insuffisance de la surveillance du chantier par les maîtres d'oeuvre, lesquels, alors qu'ils tenaient du marché de maîtrise d'oeuvre conclu le 20 septembre 1977 avec le maître de l'ouvrage une mission complète incluant notamment le contrôle général des travaux, ont accepté sans réserves ladite substitution ; que, dans ces conditions, la société Léon GROSSE est fondée à soutenir qu'une part du préjudice subi par le contre hospitalier de Sens doit être supporté par les maîtres d'oeuvre ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation en fixant cette part au tiers du montant des dommages, la charge définitive de ceux-ci étant supportée par l'entrepreneur à raison des deux tiers ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce point ;
Sur les appels provoqués :
Considérant, d'une part, que si M. X... et la société lyonnaise d'études techniques et industrielles (SLETTI) soutiennent que leur responsabilité ne saurait être engagée à l'endroit du centre hospitalier de Sens, il résulte de l'instruction qu'aucune stipulation de la convention de maîtrise d'oeuvre, en date du 20 septembre 1977 signée entre l'Etat et "le concepteur", ne limite l'étendue des missions qui leur incombaient ; qu'ainsi et à supposer même que M. X... ne soit intervenu dans les opérations de construction du centre hospitalier de Sens qu'en qualité d'"économiste du bâtiment" et que la société lyonnaise d'études techniques et industrielles n'ait pas participé à l'exécution des missions afférentes aux lots qui sont affectés par les désordres en cause, leur responsabilité est engagée à l'égard du maître de l'ouvrage et ils ne sont pas fondés à solliciter leur mise hors de cause ;
Considérant, d'autre part, que si M. X... entend rechercher la garantie des architectes et de la société SLETTI à raison des condamnations prononcées à son encontre, un tel litige, relatif à l'exécution des obligations contractuelles auxquelles sont tenus les membres d'un groupement de personnes titulaires d'un marché de maîtrise d'oeuvre, relève des relations de droit privé entre les parties à ce contrat et ne ressortit pas, dans ces conditions, à la compétence du juge administratif, alors même qu'il est consécutif à l'exécution d'un marché de travaux publics ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions sur ce point ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la société Léon GROSSE n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance ; que, dès lors, elle ne saurait être condamnée, sur le fondement des dispositions précitées, à payer au centre hospitalier de Sens, à la société lyonnaise d'études techniques et industrielles et au Bureau Véritas, les sommes demandées au titre des frais exposés par ceux-ci et non comprises dans les dépens ;
Article 1 : La société Léon GROSSE est condamnée à garantir M. Z..., la succession de M. A..., M. X... et la société Lyonnaise d'études techniques et industrielles (SLETTI) à hauteur des deux tiers du montant des condamnations prononcées à l'encontre de ces derniers par le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 15 février 1994.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 15 février 1994, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête, les appels provoqués de M. X... et de la société Lyonnaise d'études techniques et industrielles ainsi que les demandes de cette dernière, du centre hospitalier de Sens et du Bureau Véritas tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Léon GROSSE, au centre hospitalier de Sens, à M. Z..., à la succession de M. A..., à M. X..., à la société lyonnaise d'études techniques et industrielles, au Bureau Véritas ainsi qu'au ministre de l'intérieur.